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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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SIÈCLE DI LOUIS XIV. — POÉSIE.<br />

que TOUS soutenez : tous ne pouvez pas <strong>la</strong> gagner<br />

•ans vous exposer à <strong>la</strong> perdre.<br />

Qu'on s'objecte pas que le publie seul a le droit<br />

<strong>de</strong> juger. C'est ici ne abus <strong>de</strong> mots : <strong>la</strong> voii <strong>du</strong> publie<br />

m peut se composer que <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> chaque indivi<strong>du</strong><br />

i et chacun peut donner <strong>la</strong> sienne. Le public<br />

prononce en corps lorsqu'il est rassemblé ; mais il<br />

ne Test pas toujours , à beaucoup près ; et pour lors<br />

chacun peut donner sa voix en particulier, comme il<br />

<strong>la</strong> donnerait avec tous les autres.<br />

On insiste : Est-il permis d'imprimer contre<br />

quelqu'un ce que <strong>la</strong> politesse ne permettrait pas <strong>de</strong><br />

dire en face? Le poète satirique répondra ; C'est<br />

précisément parce que je parle au public que je ne<br />

suis plus en société. L'auteur a donné son ouvrage,<br />

et je donne mon avis, chacun <strong>de</strong> nous à ses risques<br />

et fortunes : tout est égal. Le public est juge; et<br />

dans tout ce<strong>la</strong> il n 9 y a rien contre <strong>la</strong> morale.<br />

lu reste, j'aurais pu renvoyer sur cet objet à<br />

Boileau lui-même, dans <strong>la</strong> préface <strong>de</strong> ses Satires :<br />

<strong>la</strong> question y est soli<strong>de</strong>ment discutée, et sa justification<br />

établie sur les meilleures raisons. S'il était besoin<br />

d'y joindre Une autorité imposante, en est-il<br />

une que Ton pût préférer à celle <strong>du</strong> célèbre Arnauld ?<br />

Le patriarche <strong>du</strong> jansénisme ne manquait sûrement<br />

ni <strong>de</strong> sévérité ni <strong>de</strong> lumières. Yoici comme il s'énonce<br />

dans sa lettre à Perrault, où il prend contre lui <strong>la</strong><br />

défense <strong>de</strong>s satires <strong>de</strong> Despréaux.<br />

« Les guerres entre les auteurs passent pour Innocentes<br />

quand elles ne s'attachent qu'à ce qui regar<strong>de</strong> <strong>la</strong> critique<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>littérature</strong>9 U grammaire, Sa poésie, l'éloquence<br />

f et que Foi n'y môle point <strong>de</strong> calomnies et d'injures<br />

personnelle». Or; que fait antre chose M. Despréaus à<br />

regard <strong>de</strong> tous les poêles qu'il a nommés dans ses satires,<br />

Chape<strong>la</strong>in 9 Goun f Pradon f Corts et antres , sinon d'en dire<br />

MO jugement t et d'avertir le publie que ce ne sont pas <strong>de</strong>s<br />

modèles à imiter ? m qm peut être <strong>de</strong> quelque attifé pour<br />

faire éviter leurs défauts, et peut contribuer même à Sa<br />

gloire <strong>de</strong> U nation, à qui les ouvrages d'esprit fout honneur<br />

quand ils sont bien faits; comme, au contraire, c'a été un<br />

déshonneur à <strong>la</strong> France d'avoir fait tant d'estime <strong>de</strong>s pitoyables<br />

poésies <strong>de</strong> Ronsard. » •<br />

Et ¥oilày en effet, le bien que it aux lettres eel<br />

homme dons on veut nier Yinfluence. Il parut au<br />

moment où il était le plus nécessaire, et pouvait <strong>de</strong>-<br />

Yenir le plus utile. Les modèles ne faisaient que <strong>de</strong><br />

naître : nous les voyons aujourd'hui dans l'élévation<br />

où le temps les a p<strong>la</strong>cés ; mais il faut les voir à cette<br />

première époque y exposés à <strong>la</strong> concurrence, <strong>de</strong>vant<br />

un public qui flottait encore entre le bon et le mauvais<br />

goût. Il faut songer que les pièces <strong>de</strong> Montfleurj<br />

ba<strong>la</strong>nçaient celles <strong>de</strong> Molière y que les tragédies die<br />

Thomas Corneille avaient <strong>de</strong>s succès aussi grands<br />

et plus grands que celles <strong>de</strong> Racine. Il faut se rap-<br />

699<br />

peler m qu'était Chape<strong>la</strong>in! regardé comme l'oracle<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>littérature</strong> $ nommé par le roi pour être distributeur<br />

<strong>de</strong> ses grâces 9 honneur dangereux, qui <strong>de</strong>puis<br />

n'a été accordée personne, et que même aujourd'hui<br />

personne f à ce que j'imagine 9 n'oserait<br />

accepter. Cotin régnait à l'hôtel <strong>de</strong> Rambouillet, et<br />

avait <strong>du</strong> crédit à <strong>la</strong> cour, où il s'en servait contre<br />

Molière. Quelle sorte <strong>de</strong> bien pouvait faire alors un<br />

jeune poêle, qui avait assez <strong>de</strong> talent pour écrire<br />

très-bien en vers ; assez <strong>de</strong> goût pour juger ceui <strong>de</strong>s<br />

autres $ assez <strong>de</strong> hardiesse et <strong>de</strong> véracité pour énoncer<br />

son opinion? A quoi pouvait servir <strong>la</strong> réputation<br />

qu'il obtint <strong>de</strong> bonne heure par ses premières<br />

satires ? A diriger le jugement <strong>de</strong> <strong>la</strong> multitu<strong>de</strong> s qui<br />

croit volontiers l'auteur qu'elle lit aveejp<strong>la</strong>isir, à lui<br />

<strong>mont</strong>rer <strong>la</strong> distance <strong>de</strong> Molière à Montleury , es<br />

célébrant l'un et renvoyant l'autre<br />

âQI <strong>la</strong>quais isseniMés jouer s#s masntadii ;<br />

à marquer l'intervalle entre Racine et Thomas Corneille,<br />

en exaltant l'un et se taisant sur l'autre; ramener<br />

les esprits à <strong>la</strong> justice, en se moquant <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Phèdre qu'on app<strong>la</strong>udissait, et consacrant celle que<br />

l'on censurait; à opposer le ridicule au crédit et à <strong>la</strong><br />

renommée <strong>de</strong> Chape<strong>la</strong>in. Nous croyons aujourd'hui<br />

qu'un poëme tel que <strong>la</strong> PmeMe n'avait besoin <strong>de</strong><br />

personne pour tomber. Point <strong>du</strong> tout : on en it sli<br />

éditions en dix-huit mois. Il ennuyait tout le mon<strong>de</strong>,<br />

maison n'osait pas le dire. La crainte retenait les<br />

gens <strong>de</strong> lettres, qui voyaient dans sa main toutes<br />

les récompenses; le préjugé arrêtait les gens <strong>du</strong><br />

mon<strong>de</strong>, qui n'osaient attaquer une si gran<strong>de</strong> réputation.<br />

Furetière seul eut cette confiance; mais il<br />

} n'avait pas celle <strong>du</strong> public. Quand Fauteur <strong>de</strong> <strong>la</strong> Pu-<br />

cette m it <strong>la</strong> lecture chez le grand Coodé, <strong>de</strong>vant<br />

tout ce qu'il y avait <strong>de</strong> plus distingué dats les <strong>de</strong>nt<br />

sexes à <strong>la</strong> cour et à <strong>la</strong> ville, tout le mon<strong>de</strong> m récriait,<br />

Que ce<strong>la</strong> e$t beau! Madame <strong>de</strong> Lougueville dit tout<br />

bas à l'oreille <strong>du</strong> prince, Oui, ce<strong>la</strong> esi beau, mais<br />

ce<strong>la</strong> esi bien ennuyeux :etce mot, qui courut,<br />

passa pour une singu<strong>la</strong>rité <strong>de</strong> madame <strong>de</strong> Longueville.<br />

Notez qu'elle n'osa pus dire que ce<strong>la</strong> ne fût pas<br />

beau; elle n'eut que le bon esprit <strong>de</strong> s'ennuyer, et <strong>la</strong><br />

bonne foi d'en convenir. Tout le mon<strong>de</strong> n'est pas<br />

<strong>de</strong> même : nos jugements dépen<strong>de</strong>nt si fort <strong>de</strong> ceux<br />

d'autrui ! on se <strong>la</strong>isse si aisément entraîner au mouvement<br />

général ! Mais quand un poète tel que Despréaux<br />

it voir ks <strong>du</strong>rs vers <strong>de</strong> Chape<strong>la</strong>in, sans<br />

force et sans grâœ, enflés a"épMMte$, wtontés sur <strong>de</strong><br />

grands mots comme swr <strong>de</strong>s éckasses; quand il se<br />

moqua <strong>de</strong> sa muse aMemam<strong>de</strong> m français, tout le<br />

mon<strong>de</strong> fat <strong>de</strong> son avis. Ce<strong>la</strong> n'était pas f comme le<br />

remarqueront peut-être <strong>de</strong>s hommes profonds, fort

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