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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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L'opéra tel qu'il a été <strong>de</strong>puis Qtûnault jusqu'à nos<br />

jours, est donc une espèce prticulière <strong>de</strong> drame,<br />

formé <strong>de</strong> <strong>la</strong> réunion <strong>de</strong> <strong>la</strong> poésie et <strong>de</strong> <strong>la</strong> musique ;<br />

mais <strong>de</strong> façon que <strong>la</strong> première étant très-subordonnée<br />

à <strong>la</strong> secon<strong>de</strong>, elle renonce à plusieurs <strong>de</strong> ses<br />

avantagés pour lui <strong>la</strong>isser tous les siens. C'est un<br />

résultat <strong>de</strong> tous les arts qui savent imiter, par <strong>de</strong>s<br />

sons, par <strong>de</strong>s couleurs f par <strong>de</strong>s pas ca<strong>de</strong>ncés, par<br />

<strong>de</strong>s machines; c'est l'assemb<strong>la</strong>ge <strong>de</strong>s impressions<br />

les plus agréables qui puissent f<strong>la</strong>tter les sens. Je<br />

suis loin <strong>de</strong> vouloir médire d'un aussi bel art que<br />

<strong>la</strong> musique : médire <strong>de</strong> son p<strong>la</strong>isir est plus qu'une<br />

injustice 9 c'est une ingratitu<strong>de</strong>. Mais enfin il confient<br />

<strong>de</strong> mettre chaque chose à sa p<strong>la</strong>ce; et si quelqu'un<br />

s'avisait <strong>de</strong> contester <strong>la</strong> prééminence incontestable<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> poésie, il suffirait <strong>de</strong> lui rappeîer que<br />

<strong>la</strong> musique, quand elje a voulu <strong>de</strong>venir <strong>la</strong> souveraine<br />

d'un grand spectacle, non-seulement a été<br />

forcée <strong>de</strong> traîner à sa suite cet attirail <strong>de</strong> prestiges<br />

dont <strong>la</strong> poésie n'a nul besoin, mais encore a été<br />

contrainte d'avoir re<strong>cours</strong> à eeïlfrcï, sans <strong>la</strong>quelle<br />

elle ne pouvait rien ; et que pour prendre <strong>la</strong> première<br />

p<strong>la</strong>ce, elle a <strong>de</strong>mandé qu'on <strong>la</strong> lui cédât. Elle a dit<br />

à <strong>la</strong> poésie : Puisque nous allons nous <strong>mont</strong>rer<br />

ensemble, faites-vous petite pour que je paraisse<br />

gran<strong>de</strong>; soyez faible pour que je sois puissante;<br />

dépouillez Une partie <strong>de</strong> vos ornements pour faire<br />

briller tous les miens; en un mot, je ne puis être<br />

reine qu'autant que vous voudrez bien être ma trèshumble<br />

sujette. C'est en vertu <strong>de</strong> cet accord que <strong>la</strong><br />

poésie, qui commandait sur le théâtre <strong>de</strong> Melpomène,<br />

vînt obéir sur celui <strong>de</strong> Polymnie. Heureusement<br />

pour elle, ce fut Quinault qui le premier traita<br />

en son nom, et se chargea <strong>de</strong> <strong>la</strong> représenter. II était<br />

précisément ce qu'il fal<strong>la</strong>it pour ce personnage secondaire;<br />

il n'avait ni <strong>la</strong> force, ni <strong>la</strong> majesté, ni l'éc<strong>la</strong>t<br />

qui auraient pu faire ombrage à <strong>la</strong> musique.<br />

Celle-ci, en sa qualité d'étrangère, obtint d'abord<br />

tous les hommages, bien moins par sa beauté, qui<br />

était alors fort médiocre, que par une pompe d'autant<br />

plus éblouissante qu'elle était nouvelle ; mais<br />

mm le temps U en est résulté te qui arrive quelquefois<br />

à une pan<strong>de</strong> dame magniiqnement parée, suivie<br />

d'un cortège imposant 9 et qui se trouve éclipsée<br />

par une jolie suivante qui a <strong>de</strong> <strong>la</strong> fraîcheur, <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

grâcef un air <strong>de</strong> douceur et <strong>de</strong> négligence, et <strong>de</strong>s<br />

ajustements d'une élégante simplicité. Ce sont les<br />

atours <strong>de</strong> <strong>la</strong> muse <strong>de</strong> Quinault, et il a fait oublier<br />

Lulli. L'un n'est plus chanté, et l'autre est toujours<br />

lu. Il est <strong>de</strong>meuré le premier dans son genre, quoiqu'il<br />

ait eu pour successeurs <strong>de</strong>s écrivains <strong>de</strong> mérite<br />

: c'est là surtout ce qui a fait reconnaître le sien.<br />

L'autorité d'un suffrage illustre, celui <strong>de</strong> Yoltaire,<br />

SIÈCLE DE LOUIS XIV. - POÉSIE 06t<br />

a contribué encore à entraîner <strong>la</strong>voii publique, et<br />

à infirmer celle <strong>de</strong> Boileau. Mais si l'on a reproché<br />

au satirique d'avoir méconnu les beautés <strong>de</strong> Qui*<br />

nault, on accuse le panégyriste d'avoir été un peu<br />

trop loin, et <strong>de</strong> ne s'être pas assez souvenu <strong>de</strong>s défauts.<br />

Au moins ce <strong>de</strong>rnier excès est-il plus cxeusable<br />

que l'autre; car il semble que ce soit un titre<br />

pour obtenir l'in<strong>du</strong>lgence, que d'avoir essuyé Tin*<br />

justice. Aujourd'hui que 1a ba<strong>la</strong>nce a été longtemp<br />

en mouvement, il doit être plus facile <strong>de</strong> <strong>la</strong> tfftf<br />

dans son équilibre.<br />

Avant tout, ne faisons point les torts <strong>de</strong> Boileau<br />

plus grands qu'ils ne sont, et rétablissons <strong>de</strong>s faits<br />

trop souvent oubliés. Quand il par<strong>la</strong> <strong>de</strong> Quinault<br />

dans ses premières satires, le jeune poète n'avait<br />

fait que <strong>de</strong> mauvaises tragédies qui avalent beaucoup<br />

<strong>de</strong> succès, et le censeur <strong>du</strong> Parnasse faisait<br />

son office en les ré<strong>du</strong>isant à leur valeur. Il est vrai<br />

que longtemp après dans <strong>la</strong> satire contré les femmes,<br />

il s'élève contre<br />

Ces fient commuas <strong>de</strong> murale InMifiM,<br />

Qne Lulli réchauffa <strong>de</strong>s mm <strong>de</strong> sa musique;<br />

et quoique Lulli eût déjà travaillé sur d'autres paroles<br />

que sur celles <strong>de</strong> Quinault, les <strong>de</strong>ux vers <strong>du</strong><br />

critique, appliqués à Fauteur û'JrmMe, ont été<br />

trouvés injustes, et avec raison, s'ils portent généralement<br />

sur le style û'Jrmi<strong>de</strong> et é'Jtys, et <strong>de</strong>s<br />

autres bons opéras <strong>de</strong> Quinault , qui sûrement sont<br />

autre chose que <strong>de</strong>s lieux communs; sans parler <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> morale lubrique, expression dép<strong>la</strong>cée et indécente.<br />

11 n'est pas vrai non plus que Lulli ait réchauffé<br />

ces ouvrages, puisqu'ils ont survécu à <strong>la</strong><br />

musique; et Ton a dit <strong>la</strong> vérité dans ces vers, où<br />

l'on a pris <strong>la</strong> liberté <strong>de</strong> retourner <strong>la</strong> pensée <strong>de</strong> Boileau<br />

contre lui :<br />

Au dépens <strong>du</strong> po#t«f on n'entend pi» vaut» -<br />

Ces aeeords <strong>la</strong>nguissants t cette MM* harmonie<br />

Que réchauffe Quinault <strong>du</strong> feu <strong>de</strong> son génie.<br />

Mais, pourtant ces mcords et cette harmonie<br />

avaient alors un si grand succès, qu'on pouvait par*<br />

donner à Bespréaux <strong>de</strong> croire avec toute <strong>la</strong> France<br />

qu'ils donnaient un prix aux vers <strong>de</strong> Quinault : et<br />

si Ton suppose que ceux <strong>du</strong> critique ne tombent que<br />

sur les paroles <strong>de</strong>s divertissements f on ne peut dire<br />

qu'il ait tort. II n'y a qu'à les prendre à l'osverturt<br />

<strong>du</strong> livre, et voirai le chant, quel qu'il fût, n'était<br />

pas nécessaire pour faire passer <strong>de</strong>s vers tels que<br />

ceux-ci:<br />

Qui sot prairie*<br />

Seront Heurtes!<br />

Les eœurs g<strong>la</strong>eea ' -<br />

Wwm Jamais m test dianéa»<br />

Cet lieux tranqnUlea<br />

Son! les asllea

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