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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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«56<br />

périetire, ni 1'exeellente morale, ni l'esprit d'observation,<br />

ni l'éloquence <strong>de</strong> style qu'on admire dans<br />

k Misaiikmpe, dans le Tùrtotfè, dans ks Femmes<br />

savantes. Ses situations sont moins fortes, maïs<br />

elles sont comiques; et ce-qui le caractérise sur­<br />

tout, c'est nm gaieté soutenue qui lui est particulière,<br />

un fonds inépuisable <strong>de</strong> saillies, <strong>de</strong> traits<br />

p<strong>la</strong>isants : il ne fait pas souvent penser, mais il fait<br />

toujours rire. La seule pièce où Ton remarque ce<br />

comique <strong>de</strong> caractère', ces résultats d'observation<br />

qui lui manquent ordinairement, c'est k J€wewr3<br />

et c'est aussi son plus bel ouvrage, et l'un <strong>de</strong>s<br />

meilleurs que l'on ait mis au théâtre <strong>de</strong>puis Molière.<br />

11 est bien intrigué et bien dénoué. Se servir<br />

d'une prêteuse sur gages pour amener le dénouaient<br />

d'une pièce qui s'appelle k Joueur, et faire<br />

mettre en gage par Valère le portrait <strong>de</strong> sa maîtresse<br />

à l'instant où il vient <strong>de</strong> le recevoir, est d'un auteur<br />

qui a parfaitement saisi son sujet : aussi Régnard<br />

était-il joueur. 11 a peint d'après nature; et toutes<br />

les scènes où le joueur parait sont eicellentes. Les<br />

variations <strong>de</strong> son amour, selon qu'il est plus ou<br />

moins heureux au jeu; l'éloge passionné qu'il fait<br />

<strong>du</strong> jeu quand il a gagné ; ses fureurs mêlées <strong>de</strong> souvenirs<br />

amoureux quand il a per<strong>du</strong>; ses alternatives<br />

<strong>de</strong> joie et <strong>de</strong> désespoir ; le respect qu'il a pour l'argent<br />

gagné au jeu, au point <strong>de</strong> ne pas vouloir s'en<br />

servir même pour retirer le portrait d'Angélique;<br />

cet axiome <strong>de</strong> joueur qu'on a tant répété, et qui<br />

souvent même est celui do gens qui pe jouent pas,<br />

Rien ne porte malbeur œnu&fl payer MI <strong>de</strong>ttes ;<br />

tout ce<strong>la</strong> est <strong>de</strong> <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> vérité. Le mémoire<br />

que présente Hector à M. Géronte, <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ttes ac<br />

tives et passives <strong>de</strong> son ils, est <strong>de</strong> <strong>la</strong> tournure <strong>la</strong><br />

plus gaie. Les autres personnages, il est vrai, ne<br />

sont pas tous si bien traités. La comtesse est même<br />

à peu. prçs inutile, et le faux marquis est un rôle<br />

outré, et quelquefois un peu froid : mais 11 est<br />

adroit <strong>de</strong> l'avoir fait démarquiser par cette même<br />

madame <strong>la</strong> Ressource qui rompt le mariage <strong>du</strong><br />

Joueur avec Angélique. 11 n'est pas non plus trèsvraisemb<strong>la</strong>ble<br />

que le maître <strong>de</strong> trictrac, qui vient<br />

pour Valère, prenne Géronte pour lui, et débute<br />

par lui proposer <strong>de</strong>s leçons d'eserqquerfc : ces sortes<br />

<strong>de</strong> gens connaissent mieux leur mon<strong>de</strong>. Mais <strong>la</strong><br />

scène est amusante; et tous ces défauts sont peu<br />

<strong>de</strong> chose en eompraison <strong>de</strong>s beautés dont <strong>la</strong> pièce<br />

est remplie. 11 y a même <strong>de</strong> ees mots heureux pris<br />

bien avant dans l'esprit humain.<br />

Ce Sénètpe", monsieur, est nn excellent homme.<br />

Hatt-I<strong>de</strong>Pirlê?<br />

Rue, if était <strong>de</strong> tome,<br />

COURS DE LITTÉRATURE.<br />

répond le Joueur désespéré, qui ne songe à rien<br />

moins qu'à ce qu'il dit; et tout <strong>de</strong> suite il s'écrie<br />

avec rage :<br />

Mi fols à carte triple être pris le ptoster!<br />

Ce dialogue est <strong>la</strong> nature même : le poète, qui était<br />

joueur, n'a eu <strong>de</strong> ces mots-là que daes <strong>la</strong> peinture<br />

d'un caractère qui est le sien; et Molière, qui en<br />

est rempli, les a répan<strong>du</strong>s dans tous ses sujets; en<br />

sorte qu!il a toujours trouvé par <strong>la</strong> force <strong>de</strong> son<br />

génie ce que Régnard n'a trouvé qu'une fois et dans<br />

lui-même.<br />

après k Imsmr, 11 faut p<strong>la</strong>cer k Légataire. 11 y<br />

a même <strong>de</strong>s gens d'esprit et <strong>de</strong> goût qui préfièrent<br />

cette <strong>de</strong>rnière pièce à toutes celles <strong>de</strong> Régnard :<br />

c'est peut-être le chef-d'œuvre <strong>de</strong> <strong>la</strong> gaieté comi­<br />

que, j'entends <strong>de</strong> celle qui se borne à faire rire.<br />

Elle est remplie <strong>de</strong> situations qui par <strong>la</strong> forme approchent<br />

<strong>du</strong> grotesque, telles que 1e déguisement<br />

<strong>de</strong> Grispln en veuve et en campagnard, mais qui<br />

dans le fond ne sont si basses ni triviales, et ne sortent<br />

point <strong>de</strong> 1a vraisemb<strong>la</strong>nce. Le testament <strong>de</strong><br />

Crispin s'en éloigne d'autant moins, que cette soène<br />

rappe<strong>la</strong>it une aventure semb<strong>la</strong>ble qui venait <strong>de</strong> sa<br />

passer en réalité. Mais il y a loin d'un testament<br />

supposé, qui n'est pas, après tout, une chose trèsrare<br />

, à <strong>la</strong> manière dont le Crispin <strong>de</strong> Régnard fat<br />

le'sien, en songeant d'abord à ses affaires, et ensuite<br />

à celles <strong>de</strong> son maftre. Jamais rien n'a fait plus<br />

rire au théâtre que ce testament. On a dit avec raison<br />

que cette pièce n'était pas d'un bon exemple ;<br />

et ce n'est pas <strong>la</strong> seule où <strong>la</strong> friponnerie soit impunie.<br />

Mais <strong>du</strong> moins le personnage nommé légataire<br />

universel est celui qui naturellement doit l'être, et<br />

k pièce est une leçon bien frappante <strong>de</strong>s dangers<br />

qui peuvent assiéger k fielleuse luûrme d'un eêHbatmre.<br />

Il est bien étrange qu'os ait imaginé <strong>de</strong>puis<br />

<strong>de</strong> refaire cette pièce sous le nom <strong>du</strong> Fîmx Gmcm,<br />

et qu'un autre auteur, tout aussi cou<strong>la</strong>nt, ait<br />

cru faire un CéiîbaMre, en mettant fpr k scène<br />

un homme <strong>de</strong> trente ans qui ne veut pas se marier.<br />

Les Mémechwm sont, apuls k Légataire, le<br />

fonds le plus comique que fauteur ait manié. Le<br />

sujet est <strong>de</strong> P<strong>la</strong>nte : nous avons vu, à l'artleJe ie<br />

ce poète <strong>la</strong>tin», combien il est resté au-<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong><br />

son imitateur; celui-ci multiplie bien davantage les<br />

méprises, et met à <strong>de</strong> bien plus gran<strong>de</strong>s épreuves<br />

k patience <strong>du</strong> Ménechme campagnard. La ressemb<strong>la</strong>nce<br />

ne pro<strong>du</strong>it guère dans P<strong>la</strong>nte que <strong>de</strong>s friponneries<br />

assez froi<strong>de</strong>s; dans Régnard elle pro<strong>du</strong>it une<br />

foule <strong>de</strong> situations plus réjouissantes les unes que<br />

les autres. J'avope que cette ressemb<strong>la</strong>nce n'est<br />

guère vraisemb<strong>la</strong>ble, et qu'en <strong>la</strong> supposant aussi

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