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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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lesser les bienséances, ce qui ; sur le théâtre, ne<br />

s'en éloigne pas un moment, pas même lorsque<br />

Tartufe rentre dans <strong>la</strong> chambre d'EImire après<br />

avoir été visiter <strong>la</strong> galerie qui en est voisine. Qu'os<br />

se représente ce seul instant et tout ce qu'il fait en*<br />

visager, et qu'on juge ce que Fauteur hasardait. On<br />

objecterait en ?ain que <strong>la</strong> présence d'Orgon, quoique<br />

caché, jostiie tout : non, ce n'était pas assez; les<br />

murmures éc<strong>la</strong>teraient, et Ton trouverait le tableau<br />

beaucoup trop licencieux, si le spectateur ne vou<strong>la</strong>it<br />

pas avant tout <strong>la</strong> punition d'un monstre qui!<br />

est impossible <strong>de</strong> confondre autrement, et si Ton<br />

n'avait pas affaire à un homme tel qu'Orgon, qui<br />

a besoin <strong>de</strong> pouvoir dire au cinquième acte :<br />

Je fat vu, âfe-Je, vu, <strong>de</strong> i<br />

Ce qui s'appelle va.<br />

SIÈCLE DE LOUIS XIV. — POÉSIE.<br />

ipropres jeux vut<br />

En un mot 9 s! <strong>la</strong> scène n'avait pas été fort sérieuse<br />

sous ce rapport, elle pouvait <strong>de</strong>venir, sous tous les<br />

autres, beaucoup trop gaie.<br />

Mais quel surcroit <strong>de</strong> comique, et comme 1'aujeur<br />

enchérit sur ce qu'il semble avoir épuisé, quand madame<br />

Pernelle joue avec Orgon le même rôle que cet<br />

Orgon a joué avec tous les autres personnages <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

pièce; lorsqu'elle refuse obstinément <strong>de</strong> se rendre à<br />

toutes les preuves qu'il allègue contre Tartufe :<br />

liste retour, monsieur, <strong>de</strong>s choses d'id-bas !<br />

'Vous ne vGUlki pas croire, et Fou ne vous croit pas.<br />

Cette progression d'effets comiques, si imprévue<br />

et pourtant si naturelle, est le plus grand effort <strong>de</strong><br />

Fart.<br />

Il y en a beaucoup aussi sans doute dans <strong>la</strong> manière<br />

dont Tartufe s*y prend pour en imposer à sa<br />

<strong>du</strong>pe, quand Damis l'accuse en présenced'Elmire,<br />

qui n'en disconvient pas, d'avoir voulu déshonorer<br />

Orgon. Mais ici Molière, qui savait se servir <strong>de</strong><br />

tout, a employé très-heureusement un moyen que^<br />

Scarron lui avait indiqué. Jamais il ne fut mieux '<br />

dans le cas <strong>de</strong> dire, Je prends mon bien où je le<br />

trouve; car une idée per<strong>du</strong>e dans une assez mauvaise<br />

Nouvelle que personne ne Ht, lui a fourni une<br />

scène admirable. Voici ce qu'il a trouvé dans Scarron<br />

: Un gentilhomme rencontre dans les rues <strong>de</strong><br />

Séville un insigne fripon nommé Montafer, qu'il<br />

avait connu à Madrid, où il avait été témoin <strong>de</strong><br />

tous ses crimes. Il voit tout le peuple attroupé autour<br />

<strong>de</strong> ce scélérat, qui avait su, à force <strong>de</strong> grimaces,<br />

se donner dans Séville <strong>la</strong> réputation d'un<br />

saint. 1 ne peut contenir son indignation, et le<br />

charge <strong>de</strong> coups en lui reprochant son impu<strong>de</strong>nte<br />

hypocrisie. Le peuple irrité se jette sur l'impru<strong>de</strong>nt<br />

gentilhomme, et le maltraite au point <strong>de</strong> le mettre<br />

en danger <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie, si Montafer, saisissant en ha-<br />

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bile coquin l'occasion <strong>de</strong> jouer une nouvelle scène ;<br />

plus capable que tout le reste <strong>de</strong> le faire canoniser<br />

par <strong>la</strong> multitu<strong>de</strong>, ne se jetait au-<strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s plus<br />

emportés, et ne prenait <strong>la</strong> défense <strong>de</strong> son accusateur.<br />

Il faut entendre ici Scarron : on jugera mieux<br />

l'usage que Molière a fait <strong>de</strong> ce morceau :<br />

« Il le releva <strong>de</strong> terre où on l'avait jeté» l'embrassa et<br />

te baisa 9 tout plein qu'il était <strong>de</strong> sang et <strong>de</strong> boue, et it une<br />

répriman<strong>de</strong> au peup<strong>la</strong>. Je suis te méchant 9 disait-il ; je<br />

suis Se pécheur ; je suis celui qui n'a jamais rien fait d'agréable<br />

aux yeux <strong>de</strong> Dieu. Pensez-? ©us f parce que fous me<br />

Toyc% fê<strong>la</strong> en iioaiaîe <strong>de</strong> bien9 que je n'aie pas été toute<br />

ma vie un <strong>la</strong>rron $ le scandale <strong>de</strong>s antres, et <strong>la</strong> perdition <strong>de</strong><br />

moi-même ? ¥pis TOUS trompez 9 mes frères : faites-moi le<br />

but <strong>de</strong> ?os iajarea et <strong>de</strong> vos pierres f et tires sur moi tas<br />

épées. Après a?air dit ces paroles aiee une fausse douceur,<br />

il s'al<strong>la</strong> jeter, a?ee un aèie encore plus fat» 9 au pieds <strong>de</strong><br />

se» ennemi 9 et les lui baisant y il lui <strong>de</strong>manda-pardoiL »<br />

Voilà précisément les actions et le <strong>la</strong>ngage <strong>de</strong><br />

Tartufe lorsqu'il défend Banals contre <strong>la</strong> colère <strong>de</strong><br />

soo père, et qu'il se met à genoux en s'aceusant lui- .<br />

même et se défouaot à tous les châtiments possibles.<br />

Ou ne peut nier que Molière ne doive à Scarron<br />

cette idée si ingénieuse, <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> l'aveu cf une<br />

conscience coupable nn acte d'humilité chrétienne.<br />

Mais d'abord <strong>la</strong> situation est bien plus forte dans<br />

Tartufe, parce que l'accusation est bien plus importante<br />

et plus directe ; et quelle comparaison <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> prose qu'on vient <strong>de</strong> lire à <strong>de</strong>s vers tels que ceux-ci 1<br />

Oui, mon frère, Je suis en méchant', un coupable $<br />

Un malheureux pécheur tout plein d'iniquité s<br />

Le plus grand scélérat qui jamais ait été.<br />

Chaque Instant <strong>de</strong> ma vie est chargé <strong>de</strong> souillures ;<br />

Elle n'est qu'un amas <strong>de</strong> crimes et d'or<strong>du</strong>res ;<br />

Et je vais que le ciel t pour ma punition $<br />

Ile veut mortifier en cette occasion.<br />

De quelque grand forfait qU*on me paisse reprendre,<br />

le n'ai gar<strong>de</strong> d'avoir l'orgueil <strong>de</strong> m'en défendre.<br />

Croyez ce qu'on vous dit ; armez votre courroux,<br />

Et comme un criminel eliassez-mol <strong>de</strong> chez vous :<br />

le ne saurais avoir tant <strong>de</strong> honte en partage t<br />

Que je n'en aie aaaar mérité davantage.<br />

An l <strong>la</strong>âJMês-le parler s vous fsceaseï à tort,<br />

Et vous ferez bien mieux <strong>de</strong> croire à son rapport<br />

Pourquoi sur un tel fait m'étre si favorable?<br />

Savez-vous, après tout, <strong>de</strong> quoi Je suis capable?<br />

Vous iez-vous, mon frères à mon extérieur?<br />

Et pour tout ce qu'on voit % me croyez-vous meilleur?<br />

Non, non, vous voua <strong>la</strong>isses tromper à f apparence,<br />

Et je ne suis rien mous, hé<strong>la</strong>s I que ce qu'on pensa.<br />

Tout le mon<strong>de</strong> me prend pour un homme <strong>de</strong> Maa ;<br />

Mats <strong>la</strong> vérité pure est que Je ae vaux rien.<br />

Ce caractère <strong>de</strong> Tartufe est d'une profon<strong>de</strong>ur effrayante.<br />

11 ne se dément pas un moment; il n'est<br />

jamais déecacerté; Il prend ici Orgon par son faible,<br />

et se tire do plus grand embarras par le seul<br />

moyen qui puisse lui réussir. Un honnête homme<br />

faussement accusé ne tiendrait jamais ee <strong>la</strong>ngage.

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