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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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Quînault C'était an reste <strong>du</strong> goût dépravé qui avait<br />

régné <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> renaissance <strong>de</strong>s lettres, et <strong>de</strong> cette<br />

mo<strong>de</strong> ancienne d'avoir dans les <strong>cours</strong> ce qu'on<br />

nommait iej&u <strong>du</strong> prbêœ. En un mot, on repro<strong>du</strong>isait,<br />

sous toutes les formes, les personnages<br />

hors <strong>de</strong> nature, comme les seuls qui pussent faire<br />

rire; parce qu'on n'a?ait pas encore imaginé que <strong>la</strong><br />

comédie dût faire rire les spectateurs <strong>de</strong> leur propre<br />

ressemb<strong>la</strong>nce. Ces rôles postiches étaient distribués^daris<br />

les canevas espagnols ou italiens, et<br />

dans <strong>de</strong>s intrigues qui rodaient toutes sur le même<br />

fond, composées d'une foule d'inci<strong>de</strong>nts merveilleux<br />

, <strong>de</strong> travestissements 9 <strong>de</strong> suppositions <strong>de</strong> nom,<br />

<strong>de</strong> sexe et <strong>de</strong> naissance, <strong>de</strong> méprises <strong>de</strong> toute es*<br />

pèce. La coutume qu'aFaïent alors les femmes <strong>de</strong><br />

porter <strong>de</strong>s masques ou <strong>de</strong>s coiffes abattues fa?orisall<br />

toutes ces machines, qui pro<strong>du</strong>isent quelquefois<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> surprise ou font rire un moment 9 mais<br />

qui ne peuvent jamais attacher, parce que tout s'y<br />

passe aux dépens <strong>du</strong> bon sens 9 et que, dans toutes<br />

ees infections si péniblement combinées, il n'y a<br />

rien, si pour l'esprit, ni pour <strong>la</strong> raison. Une grossièreté<br />

p<strong>la</strong>te et licencieuse, ou <strong>de</strong>s fa<strong>de</strong>urs soporiiques,<br />

formaient un dialogue qui répondait à tout<br />

le reste. Un Bertrand <strong>de</strong> Cigarral disait i sa préten<strong>du</strong>e<br />

:<br />

Oh çà! mjmm un peu quelle est tota Égare,<br />

El il ¥onf n'êtes point <strong>de</strong> <strong>la</strong>i<strong>de</strong> regardât*,<br />

El<strong>la</strong> â l'oeU s à mon gré , mlgnudêmeiit àapnL<br />

Et en lui présentant sa aia<strong>la</strong> , qu'elle repoussait if te<br />

dégoût, il disait :<br />

. . . Ca B*e»t risa ? ae a*ast fa*aa pan d@ gale,<br />

le tâche à loi Jouer pouffant d'un mauvais tour ; '<br />

le me frotte «Tonguent elsq à six fois te Jour :<br />

H ne m f m coûte riee, moi-même J'en sali fuira ;<br />

Mais elle est à l'épreuve, et comme héréditaire.<br />

Si nous avoua lignés, elle en. pourra tenir;<br />

Mon père en mon jeune âge eut «ils <strong>de</strong> m'en fournir :<br />

Ma mère, mon aient f mes oncles et mes tantest<br />

Ont été <strong>de</strong> tout temps et g&l&ntM et ga<strong>la</strong>ntes.<br />

Ces! un droit <strong>de</strong> famille où chacun a sa part ;<br />

Quand un <strong>de</strong> nous en manque f il passe pour bâtard.<br />

Tel est le ton <strong>de</strong> p<strong>la</strong>isanterie qu'on app<strong>la</strong>udissait<br />

alors, et il m faut pas nous en scandalise/ : il n'y<br />

a père pies <strong>de</strong> vingt ans qu'on a remis un Baron<br />

d'Jlbicrae, <strong>du</strong> mémo auteur, et qui, d'us bout à<br />

l'autre y est dans le même goût.<br />

• ' Ah! petite do<strong>du</strong>e!<br />

Peur un peu d'embonpoint TOUS faites l'enten<strong>du</strong>e.<br />

àhl parbleu! ail ne tient qu'à vous <strong>mont</strong>rer <strong>du</strong> aaaa,<br />

le m'es vais verni <strong>mont</strong>rer... ^^<br />

Et ces p<strong>la</strong>titu<strong>de</strong>s dégoûtantes faisaient beaucoup<br />

rire, et attiraient <strong>la</strong> foule, comme fait encore aujourd'hui<br />

Dm JapheL Kotrou, Thomas Corneille,<br />

Boisrobert, d'Ouville, et tant d'autres, avaient mis<br />

hk HARPE. — TOME I.<br />

SIÈCLE DE LOUIS XIV. — POÉSIE.<br />

625<br />

à contribution toutes les journées espagnoles et<br />

tontes les para<strong>de</strong>s italiennes; et Ton n'avait encore<br />

qu'une seule pièce d'un ton raisonnable, et qui,<br />

malgré ses défauts, sut p<strong>la</strong>ire aux honnêtes gens,<br />

k MmÊeur, <strong>de</strong> P. Corneille.<br />

SECTION Faamtae, — De Molière.<br />

* L'éloge d'un écrivain est dans ses ouvrages ; on<br />

pourrait dire que l'éloge <strong>de</strong> Molière est dans ceux<br />

<strong>de</strong>s écrivains qui font précédé et qui l'ont suivi,<br />

tant les uns et les autres sont loin <strong>de</strong> lui. Des hommes<br />

<strong>de</strong> beaucoup d'esprit et <strong>de</strong> talent ont travaillé après<br />

lui, sans pouvoir ni lui ressembler ni l'atteindre.<br />

Quelques-uns ont eu <strong>de</strong> <strong>la</strong> gaieté, d'autres ont su<br />

faire <strong>de</strong>s vers ; plusieurs môme ont peint <strong>de</strong>s mœurs.<br />

Mais <strong>la</strong> peinture <strong>de</strong> l'esprit humain a été l'art <strong>de</strong><br />

Molière; c'est <strong>la</strong> carrière qu'il a ouverte et qu'il a<br />

fermée : il n'y a rien en ce genre, ni avant lui ni<br />

après.<br />

Molière est certainement le premier <strong>de</strong>s philosophes<br />

moralistes. Je ne sais pas pourquoi Horace,<br />

qui avait tant <strong>de</strong> jugement, veut aussi donner ce<br />

titre à Homère, Avec tout le respect que j'ai pour<br />

Horace, en quoi donc Homère est-il si philosophe?<br />

Je le crois grand poëte, parce que j'apprends qu'on<br />

récitait ses vers après sa mort f et qu'on l'avait <strong>la</strong>issé<br />

mourir <strong>de</strong> faim pendant sa vie ; mais je crois qu'es<br />

fait <strong>de</strong> vérités, il j a peu à gagner avec lui. Horace<br />

conclut <strong>de</strong> son poëme <strong>de</strong> f Ilia<strong>de</strong> que les peuples<br />

payent toujours les sottises <strong>de</strong>s rois : c'est <strong>la</strong> conclusion<br />

<strong>de</strong> toutes les histoires.<br />

Mais Molière est, <strong>de</strong> tous ceux qui ont jamais écrit,<br />

celui qui a le mieux observé l'homme, sans annoncer<br />

qu'il l'observait ; et même il a plus l'air <strong>de</strong> le savoir<br />

par coeur que <strong>de</strong> l'avoir étudié. Quand on lit ses<br />

pièces avec réflexion, ce n'est pas <strong>de</strong> l'auteur qu'on<br />

est étonné, c'est <strong>de</strong> soi-même.<br />

Molière n'est jamais fln : il est profond ; c'est-àdire<br />

que, lorsqu'il a donné son coup <strong>de</strong> pinceau, il<br />

est impossible d'aller au <strong>de</strong>là. Ses comédies, bien<br />

lues, pourraient suppléer à l'expérience, non pg<br />

parce qu'il a peint <strong>de</strong>s ridicules qui passent, mais<br />

parce qu'il a peint l'homme, qui ne change point.<br />

C'est unesuite<strong>de</strong>traîtsdontaueuQ n'est per<strong>du</strong>: celuici<br />

est pour moi f celui-là est pour mon voisin. Et ce<br />

qui prouve le p<strong>la</strong>isir que procure une imitation parfaite,<br />

c'est que mon voisin et moi nous rions <strong>de</strong> très*<br />

bon cœur <strong>de</strong> nous ?oif ou sots , ou faibles y ou impertinents,<br />

et que nous serions furieux si l'on sous<br />

disait d'une autre fa^on <strong>la</strong> moitié <strong>de</strong> ce que nous dit<br />

Molière*<br />

Eh ! qui t'avait appris cet art, homme divin ? Testa<br />

servi <strong>de</strong> Térence et d'Aristophane, comme <strong>la</strong>-

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