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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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616 CODES DE LITTÉRATURE.<br />

die, mail dont II se tirait avec grâce; et <strong>la</strong> ga<strong>la</strong>nterie<br />

noble était encore <strong>de</strong> mo<strong>de</strong> dans <strong>la</strong> société.<br />

On <strong>la</strong> retrouvait volontiers au théâtre , sans songer<br />

que, par elle-même, elle est au-<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> <strong>la</strong> tragédie,<br />

et que pour <strong>la</strong> relever il faut un style tel que<br />

celui <strong>de</strong> Racine. L'énergie <strong>de</strong> Voltaire, soutenue<br />

<strong>de</strong> celle <strong>de</strong> Lekais t facteur le plus tragique qui<br />

ait jamais existé, a contribué plus que tout le reste<br />

à nous dégoâter <strong>de</strong> <strong>la</strong> fa<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> ces conversations<br />

amoureuses qui remplissent les pièces <strong>de</strong> Campistron.<br />

On a loué <strong>la</strong> sagesse <strong>de</strong> ses p<strong>la</strong>ns : ils sont raisonnables<br />

9 il est vrai Y mais on n'a pas songé qu'ils<br />

sont aussi faiblement conçus qu'exécutés. Campistron<br />

n'avait <strong>de</strong> force d'aucune espèce : pas un caractère<br />

marqué, pas une situation frappante, pas<br />

une scène approfondie, pas un vers nerveux. 11<br />

cherche sans cesse à imiter Racine; mais ce n'est<br />

qu 9 un apprenti qui a <strong>de</strong>vant lui le tableau d'un malire<br />

, et qui » d'une main timi<strong>de</strong> et indécise f crayonne<br />

<strong>de</strong>s figures inanimées. La versification <strong>de</strong> cet auteur<br />

n'est que d'un <strong>de</strong>gré au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> Pradon : elle<br />

n'est pas ridicule; mais en général c'est une prose<br />

commune, assez facilement rimée. On a trouvé quelque<br />

intérêt dans son TMdate. Le sujet en était<br />

susceptible : c'est uo prince amoureux <strong>de</strong> sa sœur,<br />

consumé par une passion incestueuse que lui-même<br />

condamne. Mais ce sujet, qui a <strong>de</strong>s rapports avec<br />

celui <strong>de</strong> Phèdre, <strong>de</strong>mandait uoe main plus habile.et<br />

plus ferme que celle <strong>de</strong> Campistron.<br />

Quand une passion ne peut pas intéresser par l'alternative<br />

<strong>de</strong> l'espérance et <strong>de</strong> <strong>la</strong> crainte 9 et que celui<br />

qui <strong>la</strong> ressent ne peut être que p<strong>la</strong>int, il faut <strong>la</strong> plus<br />

gran<strong>de</strong> énergie d'expression pour soutenir pendant<br />

cinq actes le sentiment <strong>de</strong> <strong>la</strong> pitié ; il faut <strong>de</strong>s révolutions,<br />

<strong>de</strong>s Inci<strong>de</strong>nts qui'varient <strong>la</strong> situation <strong>du</strong><br />

personnage, et préviennent <strong>la</strong> monotonie en établissant<br />

<strong>la</strong> progression ; il faut enfin que les malheurs<br />

qui en résultent fassent cette impression douloureuse<br />

qui est l'espèce d'aliment que notre âme <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

à <strong>la</strong> tragédie. Tout ce<strong>la</strong> se rencontre dans<br />

Phèdre, et rien <strong>de</strong> tout ce<strong>la</strong> n'est dans Ttridate.<br />

Tout ce qui arrive <strong>de</strong> sa passion, dont 11 retient longtemps<br />

le secret, c'est qu'il empêche le mariage <strong>de</strong><br />

sa sœur avec un prince qu'elle aime, et que luimême<br />

estime; et que ne pouvant rendre raison <strong>de</strong><br />

cette opposition obstinée, sa con<strong>du</strong>ite ressemble à<br />

<strong>la</strong> démence. D'un autre coté, il refuse, sans s'expliquer<br />

davantage sur les motifs, <strong>la</strong> main d'une prin­<br />

cesse avec qui son père Fa engage <strong>de</strong> son propre aveu<br />

et par un traité solennel. Cette femme, dans <strong>de</strong> pareilles<br />

circonstances, ne peut que jouer un râle désagréable<br />

et insipi<strong>de</strong>. Le mariage <strong>de</strong> sa sœur retardé<br />

s'est-pas un événement assez considérable pour oc­<br />

cuper beaucoup le spectateur, qui sent bien qu'un<br />

tel obstacle tombera <strong>de</strong> lui-même dès que le prince<br />

aura parlé. En effet, dès qu'il a déc<strong>la</strong>ré sa faiblesse<br />

à sa sœur, il <strong>de</strong>vient un objet d'horreur pour elle.<br />

pour son père f et pour tout le mon<strong>de</strong>; et dès qu'il<br />

a pris le parti le s'empoisonner, tout rentre dans<br />

Tordre : ce n'est pas là us p<strong>la</strong>n tragique. Gomme il<br />

faut toujours que le spectateur craigne ou désire us<br />

désoimeat, il s'ensuit qu'une passion qui ne peut<br />

par elle-même remplir cet objet doit y revenir par<br />

une autre route, en jetant dans le péril d'autres personnages<br />

susceptibles d'intérêt. Ainsi, dans Phèdre,<br />

l'amour incestueux <strong>de</strong> cette reine expose flippolyt©<br />

au plus affreux danger, et le con<strong>du</strong>it à une mort<br />

cruelle. Ainsi, dans JdékMe9 l'amour forcené <strong>de</strong><br />

Yendéme prononce l'arrêt <strong>de</strong> mort <strong>de</strong> son frère, et<br />

tient Nemours et son amante sous le g<strong>la</strong>ive pendant<br />

trois, actes. Tiridate ne pouvait être tragique qu'autant<br />

que <strong>la</strong> violence <strong>de</strong> son caractère et <strong>de</strong> sa passion<br />

aurait répan<strong>du</strong> <strong>la</strong> terreur autour <strong>de</strong> lui 9 aurait<br />

pro<strong>du</strong>it ou fait craindre <strong>de</strong>s crimes etjeas désastres.<br />

Mats un pareil rôle ne pouvait'être conçu par'Campistron,<br />

et son héros se fait que gémir et soupirer<br />

pendant toute <strong>la</strong> pièce. Cet auteur, dont quelques<br />

critiques ont voulu relever le talent pour <strong>la</strong> con<strong>du</strong>ite<br />

<strong>du</strong> drame, a même ignoré cette règle essentielle et<br />

indispensable <strong>de</strong> <strong>la</strong> progression dans l'unité, qui,<br />

sans changer l'intérêt, doit le gra<strong>du</strong>er d'acte en acte<br />

par <strong>de</strong> nouvelles craintes et <strong>de</strong> nouvelles infortunes.<br />

'Nous avons vu combien ce principe était parfaitement<br />

observé dans Phèdre, qui d'abord passe-<strong>de</strong> l'abattement<br />

à l'espérance par <strong>la</strong> <strong>la</strong>isse nouvelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort<br />

<strong>de</strong> Thésée, <strong>de</strong> l'espérance au désespoir par le retour<br />

<strong>de</strong> ce prince, et enfin au <strong>de</strong>rnier excès <strong>de</strong> <strong>la</strong> rage<br />

et <strong>du</strong> malheur par <strong>la</strong> découverte <strong>de</strong>s amours dPHippolyte<br />

et d'Ari<strong>de</strong>. Tiridate, au contraire, est <strong>de</strong>puis<br />

le commencement jusqu'à <strong>la</strong> fin dans le mime<br />

état, et pourraits'empoisonner au premier acte aussi<br />

bien qu'au <strong>de</strong>rnier. Qu'on joigne à ce défaut capital<br />

<strong>la</strong> <strong>la</strong>ngueur <strong>du</strong> style, qui affadirait le meilleur p<strong>la</strong>n,<br />

et Ton concevra aisément que cette pièce n'ait pu<br />

se maintenir sur <strong>la</strong> scène.<br />

Le plus passable que Fauteur ait fait, quoique<br />

très-faible encore, est Jndrordc. Le sujet, intéressant<br />

par lui-même, avait on avantage particulier :<br />

11 retraçait, sous d'autres noms, une aventure funeste<br />

, malheureusement trop réelle et trop connue v<br />

un <strong>de</strong> ces événements atroces qui souillent l'histoire,<br />

et que <strong>la</strong> tragédie réc<strong>la</strong>me. Un tyran sombre et<br />

soupçonneux, un père barbare y un mari jaloux 9<br />

faisant périr sa femme fit son fils; une femme vertueuse<br />

promise à un prince aimable, arrachée à ce<br />

qu'elle aime f et livrée à ce qu'elle hait ; bril<strong>la</strong>nt pour

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