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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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614<br />

cette Imposture i tehafeard fait que ces trois témoins<br />

périssent peu <strong>de</strong> temps après dans ne combat, en<br />

sorte qu'il ne reste plus dans le secret que Tyrrhène<br />

et son fils Agrippa. Celui-ci même est blessé à <strong>la</strong><br />

main9 <strong>de</strong> manière à ne pouvoir plus s'en sertir : autre<br />

inci<strong>de</strong>nt que Tyrrhène regar<strong>de</strong> comme une fafear<br />

<strong>du</strong> ciel. H dit à son fils :<br />

Yottt mata, sans ce coup, eût même pu TOUS outre;<br />

On veut sût pu eoonittie à <strong>la</strong> façon d'écrire»<br />

Sans s'arrêter à tout ce qu'il y a <strong>de</strong> forcé et d'invraisemb<strong>la</strong>ble<br />

dans cet exposé 9 qui forme Pavantscène,<br />

on volt déjà combien doit être vicieux un<br />

édifice dramatique bâti sur un pareil échafaudage.<br />

Mais il faut voir ce qui en résulte. Le Tibérinus<br />

mort était amoureux d'une Albioe, sœur d* A grippa ;<br />

et Agrippa, qui est à présent le faux Tibérinus,<br />

aimait Lavïnie, princesse <strong>du</strong> sang rojal. 11 s'ensuit<br />

que Lavinïe voit dans le roi \ qui est en effet soo^<br />

amant, l'assassin <strong>de</strong> son amant, et qu'Albine voit<br />

dans son frère le meurtrier <strong>de</strong> son frère; car Tyrrhène<br />

croit qu'il est indispensable, pour <strong>la</strong> sûreté<br />

<strong>du</strong> faux Tibérinus, que le secret ne soit ré?élé à<br />

• personne ; et quoique son fils ait <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> envie<br />

<strong>de</strong> détromper sa sœur, et surtout sa maîtresse,<br />

l'autorité paternelle l'en empêche jusqu'au quatrième<br />

acte. On excuserait peut-être cet imbroglio, si<br />

<strong>du</strong> moins ii pro<strong>du</strong>isait ou s'il poil?ait pro<strong>du</strong>ire <strong>de</strong>s<br />

situations fortes et pathétiques. Mais tel est l'inconvénient<br />

<strong>de</strong> ces sortes <strong>de</strong> fables, que l'incroyable est<br />

trop près <strong>du</strong> ridicule pour <strong>de</strong>venir jamais tragique.<br />

Que, par <strong>de</strong>s révolutions dont il y a plus d'un exemple,<br />

un jeune prince, tel qu'Égisthe enlevé à sa mère<br />

dès le berceau, passe dans <strong>la</strong> suite aux yeux <strong>de</strong> cette<br />

mère abusée pour le meurtrier <strong>du</strong> fils qu'elle pleure,<br />

il n'y a rien là qui ne soit dans l'ordre naturel, et<br />

<strong>la</strong> raison ne s'oppose en rien à l'intérêt : mais<br />

comment se figurer que pendant cinq actes une<br />

femme ne reconnaisse pas son amant? Celui qu'on<br />

aime pfeut-il jamais ressembler à un autre? 11 faut<br />

donc aussi supposer <strong>la</strong> ressemb<strong>la</strong>nce <strong>de</strong> ia voix<br />

comme celle <strong>du</strong> visage ; il faut supposer qu'on puisse<br />

se méprendre à <strong>la</strong> voix qui a répété mille fois,<br />

Je vous aime! Que <strong>de</strong> suppositions moralement<br />

impossibles! Et ce qu'il y a <strong>de</strong> pis, c'est qu'en les admettant<br />

, on <strong>la</strong>isse encore le poète dans un embarras<br />

dont il ne peut pas raisonnablement se tirer.<br />

Quand le faux Tibérinus finit par avouer à Lavïnie<br />

qu'il est Agrippa, qu'arrive-t-il ? Ce qui doit arriver :<br />

qu'elle ne sait ce qu'elle en doit croire, parce qu'il<br />

est également possible que <strong>la</strong> chose soit ou ne soit<br />

pas, puisqu'on a établi qu'il n'y avait aucune différence<br />

entre le mort et le vivant, et que l'œil même<br />

cîe l'amour a pu les méconnaître. Il atteste son père<br />

COU1S DE LITTÉBATU1E.<br />

i Tyrrhène; mais celui-ci, obstiné à ne rien découvrir,<br />

dément son fils, et persiste <strong>de</strong>vant Lavïnie<br />

à soutenir qu'il est le vrai Tibérinus, meurtrier<br />

d f Agrippa. Cette situation, qui contribua beaucoup<br />

au succès <strong>de</strong>là pièce, dans un temps oà l'on trouvait<br />

un grand mérite dans cet embarras d'inci<strong>de</strong>nts<br />

qui se croisent, a fini par se paraître que ce qu'elle<br />

est, froi<strong>de</strong> et puérile; car#st Lavisie eMevuiêrj» m<br />

connaît ni ne peut connaître son amant, comment»<br />

piïs-ji m'intéresser à un preil amour? et qu'importe<br />

au fond pour elle, et par mmsêpmt pour<br />

moi, que ce soit ou que ce ne soit pas Agrippa, puisque<br />

le sentiment qu'elle a pour lui tient uniquement,<br />

non pas à ce qu'il est ni à ce qu'il peut être, mais<br />

seulement à ce qu'elle en voudra croire ? Ce n'est point<br />

en embarrassant l'esprit que l'os touche le cœur. Ces<br />

sortes <strong>de</strong> quiproquo sont trop près <strong>de</strong> <strong>la</strong> comédie,<br />

et plus faits pour exciter le rire que <strong>la</strong> terreur ou <strong>la</strong><br />

pitié : ce qu'ils ont <strong>de</strong> singulier et <strong>de</strong> piquant peut<br />

p<strong>la</strong>ire un moment à <strong>la</strong> curiosité f mais ne peut jamais<br />

faire naître un intérêt soutenu.<br />

le s'ai pas cru qu'il .fût Inutile <strong>de</strong> faire sent» le<br />

vice <strong>de</strong> ces p<strong>la</strong>ns bizarrement fabuleux. Comme<br />

l'Incroyable est mille fois plus aisé à trouver que<br />

le vraisemb<strong>la</strong>ble, et qu'il en coûte infiniment moins<br />

pour combiner une foule d'inci<strong>de</strong>nts que pour écrire<br />

une scène passionnée et remplir un sujet simple,<br />

l'impuissance dans les écrivains, et <strong>la</strong> satiété dans<br />

les specteurs, vont tout à l'heure nous ramener à ce<br />

point d'où nous étions partis. UimbrogUo va <strong>de</strong> nouveau<br />

s'emparer <strong>de</strong> <strong>la</strong> tragédie comme <strong>de</strong> <strong>la</strong> comédie,<br />

et cette mo<strong>de</strong> <strong>du</strong>rera jusqu'à ce que l'os se dégoûte<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> folie, comme on s'est dégoûté <strong>de</strong> <strong>la</strong> raison.<br />

Mais pour finir ce qui regar<strong>de</strong> le Faux Tièêrimm,<br />

<strong>la</strong>^con<strong>du</strong>ite <strong>de</strong> Tyrrhène est tout aussi mal conçue<br />

que les situations sont mal amenées, et ses déguisements<br />

continuels le mettent sur le point <strong>de</strong> causer<br />

tous les malheurs qu'il prétend détourner. 11 expose<br />

son fils par une dissimu<strong>la</strong>tion mal enten<strong>du</strong>e,<br />

lorsqu'il n'y avait nul péril à dire <strong>la</strong> vérité/En effet,<br />

on a dit dans les premiers actes que ce Tibérinus<br />

que représente Agrippa était odieux à <strong>la</strong> cour et au<br />

peuple par ses cruautés. Le meurtre préten<strong>du</strong> d'Agrippa<br />

lui fait encore <strong>de</strong> nouveaux ennemis, <strong>de</strong> sorte<br />

qu'Agrippa est près d'être <strong>la</strong> victime [ée <strong>la</strong> haine<br />

qu'il inspire sous un nom qui n'est pas le sien. Lavïnie,<br />

qui croit venger son amant, engage Mézence,<br />

prince vicieux et pervers, qui a <strong>de</strong> l'amour pour elle,<br />

à conspirer contre le .toi. Albine, <strong>de</strong> son coté, qui<br />

le croit coupable <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> son frère, et qui <strong>de</strong><br />

plus voit dans le préten<strong>du</strong> Tibérinus us Inconstant<br />

qui l'abandonne pour Lavïnie, ne respire que<br />

<strong>la</strong> vengeance. II arrive, par une suite d'événements

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