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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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SIÈCLE DE LOUIS XIV. — POÉSIE.<br />

Roxane a, jusque dans ta passion, tous les caractères<br />

d'une esc<strong>la</strong>ve barbare, Fauteur nous Ta dono<br />

<strong>mont</strong>rée telle que nous pouvons nous <strong>la</strong> figurer sur<br />

ce que nous savons <strong>de</strong> rhisto!re <strong>de</strong>s Turcs; et si<br />

Fontenelle n'en sait pas là-<strong>de</strong>ssus plus que nous ,<br />

pourquoi veut-il que nous <strong>la</strong> trouvions burlesque?<br />

pourquoi veut-il quelle nous fasse rire, au lieu <strong>de</strong><br />

nous faire pleurer? J'ai bien peur que Footeseîle<br />

ne rie tout seul* Mais que nous dirait-il si<br />

nous lui <strong>de</strong>mandions pourquoi il ne rit pas comme<br />

nous <strong>de</strong> <strong>la</strong>-ga<strong>la</strong>nterie <strong>de</strong> César, <strong>de</strong> Sertorius, et <strong>de</strong><br />

tant d'autres héros <strong>de</strong>s pièces <strong>de</strong> Corneille? Certes,<br />

il ne pourrait pas nous faire <strong>la</strong> même réponse. Nous<br />

savons positivement, lui dirait-on f que cette froi<strong>de</strong><br />

ga<strong>la</strong>nterie s'a jamais eilsté que dans tes romans<br />

tracés avec une ridicule exagération, d'après l'esprit<br />

<strong>de</strong> l'ancienne chevalerie, qui sûrement n'était<br />

pas celui <strong>de</strong>s Romains. Que lui resterait-il à répondre?<br />

Bien; et <strong>la</strong> conséquence serait que c'est mal<br />

entendre f escrime <strong>de</strong> <strong>mont</strong>rer le côté faible à découvert,<br />

en croyant trouYer celui <strong>de</strong> l'ennemi.<br />

Une <strong>de</strong>s choses qui font le plus d'honneur J Racine<br />

f c'est que non-seulement il a été le premier qui<br />

ait traité supérieurement l'amour dans <strong>la</strong> tragédie,<br />

mais il a été en même temp le premier qui ait su<br />

s'en passer : c'est une double gloire qui lui a été particulière.<br />

Il est vrai que ce <strong>de</strong>rnier eiemple qu'il<br />

donna, et qui aurait dû faire une révolution, fut<br />

longtemps inutile, et s'a été, même <strong>de</strong>puis Mfêropef<br />

que rarement suivi. Mais enfin, avec le temps,<br />

plusieurs pièces établies au théâtre ont réc<strong>la</strong>mé<br />

contre le préjugé français s qui n'admettait point<br />

<strong>de</strong> pièces sans amour, et que je me suis proposé<br />

<strong>de</strong> combattre. Ce n'est pas qu'on refuse à ces sortes<br />

d'ouvrages une estime que le succès qu'ils ont<br />

ne permet pas <strong>de</strong> leur refuser ; mais on prétend ou<br />

l'on veut faire entendre • qu'ils sont froids. Un<br />

bel esprit * <strong>de</strong> nos jours appe<strong>la</strong>it Jiàaiîe tm plus<br />

belk <strong>de</strong>s pièces ennuyeuses* Rien n'a plus contribué<br />

à accréditer cette prévention que le sens<br />

faussement exclusif qu'os a donné à ce mot <strong>de</strong> $emsibUUé,<br />

<strong>de</strong>venu le refrain <strong>de</strong> ceux qui n'en ont pas.<br />

11 semble, à entendre <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s critiques, qu'il<br />

n'y ait <strong>de</strong> semibUMé que dans l'amour. Ils ont taxé<br />

à» froi<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s pièces qui, s'étant soutenues sans<br />

<strong>la</strong> ressource facile <strong>de</strong>s événements et <strong>du</strong> spectacle,<br />

sans un grand intérêt d'amour, ou même sans aucune<br />

intripe amoureuse, n'avaient nécessairement<br />

pu réussir que par un développement très-puissant<br />

<strong>de</strong>s autres passions <strong>de</strong> F Ame; et ce développement<br />

peut-il exister sans une sensibilité vraie? Cette fa-<br />

culte morale qui s'étend à tout, et qui est 1e pria-<br />

* Dont.<br />

cîpe <strong>de</strong> l'imagination poétique, est-elle nulle dés<br />

qu'elle ne s'applique pas à <strong>la</strong> tendresse? La sensibilité<br />

forte tfesî-elle pas tout aussi réelle que <strong>la</strong> sensibilité<br />

douce? Un caractère fortement passionné,<br />

soit dans l'amour <strong>de</strong> <strong>la</strong> patrie, soit dans les affections<br />

qui tiennent aux Mens <strong>du</strong> sang, soit dans l'amitié,<br />

soit dans l'épreuve amère fie l'injustice, <strong>de</strong><br />

l'ingratitu<strong>de</strong>, <strong>de</strong> l'oppression, n'est-il pas essentiellement<br />

dramatique, et susceptible <strong>de</strong> foif<strong>de</strong>r l'intérêt<br />

(l'une tragédie? L'expérience Fa heureusement<br />

dé<strong>mont</strong>ré, non-seulement chez les anciens, dont<br />

toutes les pièces n'ont point d'autres ressorts, mais<br />

même parmi nous. JÉhotte, Mérope, Oreste, IpM~<br />

génie m TaurMe, Im Mort <strong>de</strong> César, et ( s'il m'est<br />

permis tle rendre hommage à Sophocle, quoique je<br />

Paie tra<strong>du</strong>it) Phil&etèie, ont prouvé que l'on pou- •<br />

fait intéresser au théâtre sans F amour, et ont<br />

commencé à nous justifier <strong>du</strong> reproche que nous<br />

font <strong>de</strong>puis cent ans toutes les nations éc<strong>la</strong>irées,<br />

d'être trop exclusivement attachés à un moyen dramatique<br />

qui donne à mis pièces, sous ce seul rapport<br />

, une teinte d'uniformité. Il est temps plus que<br />

jamais <strong>de</strong> faire tomber entièrement ce reproche<br />

trop fondé, <strong>de</strong> relever notre caractère national<br />

ehei les peuples voisins qui nous ont tant dit que<br />

les Français ne vou<strong>la</strong>ient voir que <strong>de</strong>s amants sur <strong>la</strong><br />

scène. 11 faut étendre le domaine <strong>de</strong> notre tragédie,<br />

et rendre à Melpomène tous ses avantages. Il ne faut<br />

plus regar<strong>de</strong>r eomme froid tout ce qui ne sera pas<br />

aussi déchirant que Zaïre et Tanerê<strong>de</strong>, Ne peut-on<br />

ps être ému sans être déchiré! Et n'admettonsnous<br />

que les extrêmes? L'amour fait verser plus <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong>rmei qu'aucune autre passion : soit; mais plus on<br />

s'en est souri, et plus il convient au talent <strong>de</strong> chercher<br />

d'autres moyens. La mine est riche et abondante,<br />

il est vrai; mais elle a été longtemps fouillée<br />

: c'est une raison pour en ouvrir <strong>de</strong> nouvelles, et<br />

d'autant plus qu'on a certainement tiré <strong>de</strong> l'ancienne<br />

ce qu'il y avait <strong>de</strong> plus précieux. Comment<br />

se f<strong>la</strong>tter désormais <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> l'amour ce qu'en<br />

ont fait Racine et Yoltaire? Ne vaut-il pas mieux<br />

essayer s'ils ne nous auraient pas <strong>la</strong>issé d'autres<br />

effets dont il soit possible <strong>de</strong> faire un usage nouveau,<br />

et qui nous expose moins à une dangereuse<br />

comparaison? Et qu'on ne dise pas que tout est à<br />

peu près épuisé : c'est le <strong>la</strong>ngage <strong>de</strong> <strong>la</strong> faiblesse ou <strong>de</strong><br />

l'envie. Mon : le champ <strong>de</strong>s beaux-arts est immense;<br />

il n'a d'autres bornes que celles <strong>de</strong>. <strong>la</strong> nature et <strong>de</strong><br />

l'imagination; et qui osera les marquer? Une seule<br />

idée henreaseel active sitll pour pro<strong>du</strong>ire un bel ouvrage.<br />

Je sais qu'il y a un certain nombre <strong>de</strong> moyens<br />

généraux qui seront toujours les mêmes; mais ils ne<br />

i nécessitent pas plus <strong>la</strong> ressemb<strong>la</strong>nce <strong>de</strong>s ouvrages

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