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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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SIÈCLE DE LOUIS XIV. — POÉSIE.<br />

le raisonnement et <strong>de</strong> l'élévation dans les idées ; souvent<br />

ratas <strong>de</strong> fan et <strong>de</strong> l'autre.<br />

Dans Racine, les personnages principaux, Phèdre,<br />

Roxane, Hermione, Aridromaque, Ipbigénle, Moaime,<br />

Clytemnestre, Agrippinef ont toutes un caractère<br />

et un ton différent, et toujours celui qui leur<br />

convient, 11 est vraiment étrange qu'on ait pu méconnaître<br />

chez lui le don singulier <strong>de</strong> se plier à tout.<br />

Je ne vois qu'une cause <strong>de</strong> cette erreur : c'est qu'ayant<br />

dans tous les genres un <strong>la</strong>ngage toujours naturel qui<br />

n'appartient qu ? à lui, on s'est accoutumé à croire<br />

qu'il n'y avait point <strong>de</strong> différence dans ses sujets,<br />

parce qu'il n'y en avait point dans l'exécution. On<br />

le trouvait toujours le même y parce qu'il était toujours<br />

parfait.<br />

La peinture <strong>de</strong>s mœurs.est ehes lui plus exacte et<br />

plus soutenue que dans Corneille. La Bruyère, qui,<br />

dans le parallèle qu'il a fait <strong>de</strong> tous les <strong>de</strong>ux 9 paraît<br />

avoir tenu <strong>la</strong> ba<strong>la</strong>nce assez égale f dit en par<strong>la</strong>nt <strong>de</strong><br />

celui-ci :<br />

« Il y a dans quelques-unes <strong>de</strong> ses méïtmms pièces <strong>de</strong>s<br />

fentes inexcusables contre les mœurs. »<br />

Et il indique le même résultat dans cette phrase qu'on<br />

a tant <strong>de</strong> fois répétée <strong>de</strong>puis :<br />

« L'un peint tes hommes comme ils <strong>de</strong>vraient être; Pautre<br />

les pei nt tels qu'ils sont. *<br />

C'est* dire c<strong>la</strong>irement que Fun est un peintre plus<br />

idèle que l'autre. Mais d'ailleurs , Je pense, comme<br />

Yoltaire, que ce jugement, qu'on a souvent cité<br />

comme une espèce d'axiome, énonce une généralité<br />

beaucoup trop vague et trop susceptible d'équivoque.<br />

Si <strong>la</strong> Bruyère entend, par un homme qui est<br />

œ qu'il d&U être, celui qui est sans passions et ne<br />

commet point <strong>de</strong> faites, ces sortes <strong>de</strong> personnages<br />

sont admis, il est vrai , dans <strong>la</strong> tragédie t mais il est<br />

rare qu'ils puissent en fon<strong>de</strong>r l'intérêt. Burrhus,<br />

Abner, Acomat, Joad, Auguste, et Cornélle, sont<br />

<strong>de</strong> ce genre. Si Ton entend ceux qui sacriûent leur<br />

passion à leur <strong>de</strong>voir ? Corneille et Racine ont tous<br />

<strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s personnages <strong>de</strong> ce caractère : si dans Pauline<br />

et Chimène, dans Séteucus et Antiochus , le <strong>de</strong>voir<br />

l'emporte sur l'amour, il remporte aussi dans<br />

Monime et dans Iphigénie, dans Xipharès et Titus.<br />

Yoilà pour <strong>la</strong> morale. Mais, dans <strong>la</strong> vérité dramatique,<br />

un personnage es! ce qu'il doit être quand il<br />

ne fait rien que <strong>de</strong> conforme à ce qu'exigent le caractère<br />

qu 9 on lui a donné et <strong>la</strong> situation où II se<br />

trouve ; et, sous ce point <strong>de</strong> vue, Racine a représenté<br />

les hommes bien plu» fidèlement que Corneille. Si<br />

l'on excepte Bajazet, Ton <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux poètes est dans<br />

cette partie à l'abri <strong>de</strong>s raproches que l'on peut souvent<br />

faire à l'autre. Cinna ne doit point être, dans<br />

les dorait» actes, tout différent <strong>de</strong> ce qu'il a été<br />

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dans les premiers. Rodogune, annoncée comme un<br />

personnage intéressant, ne doit point <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à<br />

<strong>de</strong>ux princes vertueux d'assassiner leor mère. Un<br />

héros tel que Pompée ne doil point être assez lâche<br />

pour se priver d'une épouse qu'il aime, par obéissance<br />

aux ordres <strong>de</strong> Syl<strong>la</strong>. Un vieux chef <strong>de</strong> parti,<br />

tel que Sertorlus, ne doit point être un froid soupirant<br />

près <strong>de</strong> Yiriate. Il n'est donc pas vrai qu 9 en générai<br />

Corneille ait peint les hommes tek qu'ils <strong>de</strong>vraient<br />

être.<br />

Il faut <strong>la</strong>isser dire à Fontenelle que, dans <strong>la</strong> pièce<br />

intitulée Pukkêrk, le caractère <strong>de</strong> cette princesse est<br />

un <strong>de</strong> ceux qw CortwMIe seul sapait faire, et que<br />

dans Swrêm il a <strong>la</strong>it une Mk peinture à?cm homme •<br />

que <strong>de</strong> trop grands services ren<strong>de</strong>nt criminel auprès<br />

<strong>de</strong> son wmiêre» Une preuve qu'il n'y a rien <strong>de</strong><br />

beau dans ces pièces v c'est qu'il est impossible <strong>de</strong> les<br />

lire.<br />

Je n $ en croirai pas davantage Fontanelle, lorsqu'il<br />

déci<strong>de</strong> que Néron et Mithridate sont <strong>de</strong>ux caractères<br />

bas et petits, et ^ Prusias et Félix réussissent<br />

beaucoup mieux au théâtre. Le titre même <strong>de</strong> neveu<br />

<strong>de</strong> Corneille ne peut excuser <strong>de</strong>s assertions si constamment<br />

démenties pr <strong>la</strong> voix <strong>de</strong>s connaisseurs,<br />

et par une expérience <strong>de</strong> tous les jours. 11 est <strong>de</strong> fait<br />

qu'on a peine à supporter Félix, et que Prusias <strong>la</strong>it<br />

rire, au lieu que Héron et Mithridate pro<strong>du</strong>isent un<br />

grand effet. Le premier surtout est regardé comme<br />

un modèle unique <strong>du</strong> développement <strong>de</strong>s caractères,<br />

et il y a peu <strong>de</strong> rôles aussi imposants que Mithridate.<br />

Fontenelle étaye son opinion d'un petit sophisme<br />

très-frivole. Il dit que Héron et Mithridate sont bas<br />

dam leurs, actions, et que Prusias et Félix ne le<br />

sont que dans leurs dis<strong>cours</strong>. p'abord, ce<strong>la</strong> n'est<br />

pas vrai dans le fait; car rien n'est plus-bas que <strong>la</strong><br />

con<strong>du</strong>ite <strong>de</strong> Prusias, d ? un roi'qui n'ose, pas être le<br />

maître cites lui, et dont tout le rêle est contenu en<br />

substance dans ce vers trop connu :<br />

Ah I m me imawîi<strong>la</strong>i point mm <strong>la</strong> ifeobHqm.<br />

De plus, Fontenelle se trompe beaucoup dans sa distinction<br />

entre les actions et les dis<strong>cours</strong>. Quand<br />

ceux-ci sont continuellement bas, il est impossible<br />

d'en pallier le mauvais effet. Au contraire, une petitesse<br />

momentanée, telle que celle <strong>de</strong> Mithridate<br />

et <strong>de</strong> Héron, peut être relevée par l'artifice <strong>du</strong> dis<strong>cours</strong><br />

et <strong>de</strong>s circonstances, et couverte par l'effet<br />

total <strong>du</strong> rôle. C'est précisément ce qui est arrivé à<br />

Héron et à Mithridate. Tous <strong>de</strong>ux sont petits un<br />

moment, l'un quand il trompe Monime, l'autre<br />

quand il se cache pour écouter Junie ; mais <strong>la</strong> noblesse<br />

<strong>du</strong> style et l'effet <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation font passer<br />

ce qu'il y a <strong>de</strong> défectueux dans le moyen, et cette

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