la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
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C0U1S DE LITTÉ1ATU1E.<br />
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à pénétrer ; et toutes ces traditions fabuleuses prouvent<br />
seulement le goût constant et décidé <strong>de</strong>s Grecs<br />
pour les contes allégoriques, goût qui ne les abandonna<br />
pas même dans le moyen âge, puisque <strong>la</strong><br />
fable <strong>du</strong> miel et <strong>de</strong>s tourterelles $ dans Eustathe,<br />
désigne évi<strong>de</strong>mment <strong>la</strong> douceur <strong>de</strong>s fers d'Homère 9<br />
et que celle d'Héliodore, qui lui donne Mercure<br />
pour père, fait allusion à l'invention <strong>de</strong>s arts, attribuée<br />
à Mercure. Quant aux vers <strong>de</strong> Ja sibylle<br />
Daphné, <strong>la</strong> vérité est que ceui cFHoraère étant trèsrépan<strong>du</strong>s,<br />
les oracles s'en servaient souvent pour<br />
rendre leurs réponses.<br />
11 faudrait compiler <strong>de</strong>s volumes sans nombre<br />
pour rassembler tous les divers jugements qu'on<br />
a portés <strong>de</strong> lui ; car il était <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>stinée d'être un<br />
sujet <strong>de</strong> discor<strong>de</strong> dans tous les siècles. Horace a<br />
p<strong>la</strong>cé Homère, pour <strong>la</strong> morale, au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> Chrysîppe<br />
et <strong>de</strong> Creator, <strong>de</strong>ui chefs <strong>de</strong> recelé, l'un <strong>du</strong><br />
Portique, rentre <strong>de</strong> l'Académie. Porphyre f dans<br />
<strong>de</strong>s temps postérieurs $ a fait un traité sur <strong>la</strong> philosophie<br />
d'Homère. Mais, d'un autre côté, Pythagore,<br />
qui ordonnait h ses disciples cinq ans <strong>de</strong> silence,<br />
et qui apparemment ne faisait pas grand cas<br />
<strong>du</strong> talent <strong>de</strong> bien parler, a mis Homère dans le Tartare<br />
pour avoir donné <strong>de</strong> fausses- idées <strong>de</strong> <strong>la</strong> Divinité.<br />
L'on sait communément que P<strong>la</strong>ton vou<strong>la</strong>it<br />
le bannir <strong>de</strong> sa MépwèUque; mais il c'est pas aussi<br />
commun <strong>de</strong> savoir comment ni pourquoi. On va<br />
reconnaître <strong>de</strong>s idées abstraites et élevées, mais<br />
aussi <strong>de</strong>s conséquences forcées et sophistiques dans<br />
les motifs <strong>de</strong> l'exil auquel il condamne les poètes;<br />
et en même temps Fon trouvera sa belle imagination<br />
dans <strong>la</strong> manière dont il veut que cet exil s'exécute. Il<br />
faut d'abord savoir que P<strong>la</strong>ton n'admet dans <strong>la</strong> nature<br />
que <strong>de</strong>ui choses : l'idée originelle, et i ? étre qui<br />
est <strong>la</strong> ressemb<strong>la</strong>nce <strong>de</strong> F Idée, ou <strong>la</strong> copie <strong>du</strong> modèle.<br />
Par f idée originelle, il entend Dieu ou <strong>la</strong> pensée divine<br />
; et par les autres êtres, toutes les formes que<br />
Dieu avait créées conformément à sa pensée. 11 n'y<br />
a rien jusque-là que <strong>de</strong> grand et <strong>de</strong> philosophique;<br />
mais il ajoute :<br />
« Tous les objets n'étant que <strong>de</strong>s copiés <strong>de</strong> ce premier<br />
modèle» les arts qui les imitent m font que copier <strong>de</strong>s<br />
copies : à quel ce<strong>la</strong> esMl bon? •<br />
Ici, le philosophe n'est plus qu'un sophiste ; mais<br />
ce qui suit fait voir que, si sa métaphysique était<br />
quelquefois forcée, son imagination était douce et<br />
riante.<br />
' « Donc, ditU, s'il se présente parmi eees (c'est-à-dire<br />
parmi les citoyens <strong>de</strong> cette république qsin'a jamais existé<br />
que dans les livres <strong>de</strong> Pklee ) 9 us poète qui sache prendre<br />
toutes sortes <strong>de</strong> formes et tout imiter , et qu'il vienne nous<br />
présenter ses poèmes y nous lui témoignerons notre véné<br />
ration comme à us homme sacré qu'il faut admirer et chérir<br />
; mais nous lui dirons : Nous n'avons parmi nous personne<br />
qui vous ressemble; et Bans notre constitution<br />
politique il ne nous est pis permis d'en avoir; et ensuite<br />
nous 1© renverrons dans une autre vi£le9 après avoir répan<strong>du</strong><br />
sur lui <strong>de</strong>s parfums et couronné sa tête <strong>de</strong> leur», »<br />
(MépmèUqwe, liv. m.)<br />
Avouons qu'on ne pet pas donner à un arrêt <strong>de</strong><br />
bannissement une tournure plus aimable, et que,<br />
si <strong>la</strong> république <strong>de</strong> P<strong>la</strong>ton existait, un poète serait<br />
tenté d'y aller, ne fût-ce que pour en être renvoyé.<br />
'An reste, quand il en vient à Homère loi-même f<br />
il témoigne <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> admiration pour son génie;<br />
il avoue qu'il <strong>la</strong>i faut <strong>du</strong> courage pour le condamner,<br />
que le respect et l'amour qu'il a <strong>de</strong>puis son<br />
enfance pour les écrits d'Homère <strong>de</strong>vraient enchaîner<br />
sa <strong>la</strong>ngue ; qu'il le regar<strong>de</strong> comme le créateur<br />
<strong>de</strong> tous les poètes qui font suivi , et particulièrement<br />
<strong>de</strong>s poètes dramatiques; mais qu^nûn <strong>la</strong> vérité<br />
remporte sur tout. Alors il lui fait <strong>de</strong>s reproches<br />
un peu plus c<strong>la</strong>irement motivés que l'espèce <strong>de</strong> groscription<br />
politique prononcée ci-<strong>de</strong>ssus, et prouvefort<br />
au long que les dieux <strong>de</strong> tMimée sont faits pour<br />
donner une idée aussi fausse qu'indigne <strong>de</strong> <strong>la</strong> Divinité;<br />
ce qui certainement n'était pas difficile à<br />
dé<strong>mont</strong>rer en philosophie.<br />
Pour jsstller ces dieux d*Homère, les anciens<br />
et les mo<strong>de</strong>rnes ont eu re<strong>cours</strong> à l'allégorie, et dans<br />
ce système ils ont mêlé, comme dans tout le rate,<br />
<strong>la</strong> vérité à l'erreur. Il est hors <strong>de</strong>- doute que les<br />
allégories et les emblèmes sont <strong>de</strong> <strong>la</strong> plus haute antiquité.<br />
Ce fut partout <strong>la</strong> première philosophie et <strong>la</strong><br />
première religion. C'était particulièrement l'esprit<br />
<strong>de</strong>s Orientaux et <strong>la</strong> science <strong>de</strong>s Égyptiens. Homère<br />
avait longtemps voyagé chez eux, et, soit qu'il fût<br />
né dans <strong>la</strong> Grèce même, ou dans une <strong>de</strong>s colonies<br />
grecques qui couvraient les cêtee d'ionie, il <strong>du</strong>t<br />
être imbu f dès son enfance 9 <strong>de</strong>s notions les plus<br />
familières aux peuples <strong>de</strong> ces contrées. Les mystères<br />
d'Eleusis n'étaient autre chose que <strong>de</strong>s emblèmes<br />
<strong>de</strong> morale : il est prouié que le sixième livre <strong>de</strong><br />
l f Enéi<strong>de</strong> est une <strong>de</strong>scription exacte <strong>de</strong> ces mystères<br />
et un résumé <strong>de</strong> <strong>la</strong> philosophie <strong>de</strong> Pythagore. Plusieurs<br />
<strong>de</strong>s actions d'Homère ont un sens allégorique<br />
si évi<strong>de</strong>nt, qu'on ne peut s'y refuser. On sait<br />
aussi que longtemps après lui c'était un usage général<br />
parmi les poètes <strong>de</strong> désigner l'air par Jupiter,<br />
le feu par Vulcain, <strong>la</strong> terre par Cybèle, <strong>la</strong> mer par<br />
Neptune, etc. Tout ce<strong>la</strong> est incontestable. Mats ne<br />
voir dans toute l'Ilia<strong>de</strong> que <strong>de</strong>s êtres moraux per<br />
sonnifiés est une idée aussi fausse en spécu<strong>la</strong>tion<br />
qu'elle serait froi<strong>de</strong> en poésie ; et ce qu'il y a <strong>de</strong><br />
pis f c'est que cette explication forcée et chimérique<br />
ne sauve riea, et qu'en prenant Jupiter pour <strong>la</strong>