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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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COU1S DE LUTÉRATUBB.<br />

600<br />

Grecs se it entendre dans les rôles admirables d'Andromaque,<br />

<strong>de</strong> CSjtemnestre, etdlphigénie. L'étu<strong>de</strong><br />

réiéclili <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue et <strong>de</strong>s auteurs d'Athènes fut<br />

sans doute une source <strong>de</strong> lumières pour lis homme<br />

qui avait tait <strong>de</strong> goût, et qui sentait si mwmmmî<br />

cette vérité d'imitation, qui est le principe <strong>de</strong>s beauxarts;<br />

mais ce n'est pas d'eux qu'il apprit à être un<br />

si savant peintre <strong>de</strong> l'amour. 11 ne <strong>du</strong>t qu'à lui-même<br />

Ci grand ressort dramatique, <strong>de</strong>venu si puissant<br />

dans ses mains, et dont Yoitaire s'est emparé <strong>de</strong>puis<br />

avec tant <strong>de</strong> succès. Cette découverte, en même<br />

temps qu'elle enrichissait notre théâtre, a influé<br />

jusqu'à Fabus sur <strong>la</strong> tragédie française, et nous a<br />

exposés à <strong>de</strong>s reproches qui ne sont pas sans fon<strong>de</strong>ment<br />

: et puisque je m'occupe <strong>de</strong> développer dans<br />

m moment les obligationsque nous avons à Racine,<br />

je crois <strong>de</strong>voir prouver d'abord que c'est un rigorisme<br />

outré <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r l'amour comme une passion<br />

indigne <strong>de</strong> <strong>la</strong> tragédie; et dans <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> ce résumé<br />

je ferai voir que c'est un autre excès non moins condamnable<br />

et beaucoup plus commun <strong>de</strong> vouloir qu'il<br />

y domine exclusivement.<br />

Les anciens Savaient point imaginé que <strong>la</strong> passion<br />

<strong>de</strong> Pamour pût faire le sujet d'une tragédie : le<br />

rôle <strong>de</strong> Phèdre même n'est pas une exception à ce<br />

principe. La pièce d'Euripi<strong>de</strong> f comme je l'ai remarqué<br />

en son lieu, est intitulée Hippoêyie : le sujet<br />

est <strong>la</strong> mort Injastc d'un jeune prince innocent<br />

sacriié à <strong>la</strong> vengeance <strong>de</strong> Yénus. L'amour <strong>de</strong><br />

Phèdre, à le bien considérer, n'est point une passion<br />

ordinaire et spontanée. Un prologue apprend<br />

au spectateur que Yénui s'a inspiré à Phèdre un<br />

amour furieux et incurable que pour perdre Hipplyte,<br />

qui a dédaigné et insulté hautement <strong>la</strong> puis*<br />

tance <strong>de</strong> cette déesse, et voué à Diane un culte exclusif.<br />

La morale même <strong>de</strong> <strong>la</strong> pièce expressément<br />

énoncée, est qu'il ne faut jamais offenser un dieu.<br />

L'amour <strong>de</strong> Phèdre n'est donc, à proprement parler,<br />

qu'une espèce <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>die, une sorte <strong>de</strong> fléau céleste<br />

qui sert à venger une divinité.<br />

Mes intrigues amoureuses n'entraient même pas<br />

dans <strong>la</strong> comédie ancienne. Aristophane n'en a point,<br />

et si P<strong>la</strong>nte et Térence, après Ménandre, ont peint<br />

<strong>de</strong>s jeunes gens amoureux, c'est toujours <strong>de</strong> courtisanes<br />

ou <strong>de</strong> Allés esc<strong>la</strong>ves, reconnues ensuite<br />

pour être <strong>de</strong> condition libre. Les intrigues avec<br />

les filles bien nées, et ce commerce <strong>de</strong> ga<strong>la</strong>nterie<br />

qui remplit nos pièces, n'étaient point au<br />

nombre <strong>de</strong>s ressorts dramatiques employés pr les<br />

anciens. La raison en est sensible : c'est que les<br />

femmes, plus retirées, ne vivaient pas dans <strong>la</strong> société<br />

comme aujourd'hui. 11 paraît que c'est <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

- chevalerie <strong>de</strong>s Arabes, et <strong>de</strong>s romans qu'elle flt nat-<br />

tre dans le midi <strong>de</strong> PEurop, que Pamdiir |iJsa<br />

d'abord sur les théâtres, où il a rempli une si grands<br />

p<strong>la</strong>ce. L'influence que les femmes ont eue iepall<br />

sur <strong>la</strong> société, sur les mœurs, sur les sentiments,<br />

sur les opinions, intro<strong>du</strong>isit par <strong>de</strong>grés sur notre<br />

scène ce <strong>la</strong>ngage délicat, noble et passionné, dont<br />

Corneille donna <strong>la</strong> première idée dans Chiméne et<br />

dans Pauline, et que Eacine, et après lui Yoitaire,<br />

ont embelli <strong>de</strong> tous les charmes <strong>de</strong> leur style. Le<br />

génie théâtral s'est emparé <strong>de</strong> ce moyçn, paroe<br />

qu'il a senti tout ce qu'on en pouvait faire quand<br />

il est supérieurement manié ; et tous les auteurs Font<br />

employé plus ou moins, parce que c%st en même<br />

temps celui <strong>de</strong> tous qu'il est le plus facile <strong>de</strong> traiter<br />

médiocrement. Gomme l'amour est le penchant le<br />

plus universel, il est toujours aisé d'intéresser à un<br />

certain point, en par<strong>la</strong>nt aux spectateurs <strong>de</strong> ce qui<br />

les occupe le plus. Voltaire disait, à propos <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

différence d'effet qui se trouve entre Zaïre et Heure<br />

smwée : « Tout le roca<strong>de</strong> aime, et personne ne<br />

conspire. » Si le but <strong>de</strong> tout auteur est <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ire,<br />

comment réprouver le moyen le plus facile et le<br />

plus sûr d'y parvenir? Le sévère Bespréara a dit<br />

lui lui-même :<br />

De ruraear <strong>la</strong> rer^isle feinta»<br />

M pur a<strong>la</strong>r as acetir <strong>la</strong> renie <strong>la</strong> plot sAra.<br />

Les femmes, qui donnent le ton au théâtre comme<br />

partout ailleurs, ont contribué plus que tout le resté<br />

à faire <strong>de</strong> l'amour le prîeclpl sujet <strong>de</strong> nos pièces.<br />

Pour peu qu'une actrice ait <strong>la</strong> voii touchante, c'est<br />

l'amour qu'elle eiprirae le mieux : les femmes pleurent,<br />

et tout te mon<strong>de</strong> pleure avec elles. Et comment<br />

ne se livrerait-on pas <strong>de</strong> préférence à un genre qui<br />

réunit toutes les facilités, teeterles sé<strong>du</strong>ctions! Il<br />

a d'ailleurs pro<strong>du</strong>it tant <strong>de</strong> belles choses, qu'en le<br />

condamnant on condamnerait le génie et nos p<strong>la</strong>isirs*<br />

De cette différence entre notre théâtre et celui<br />

<strong>de</strong>s anciens, les amateurs outrés <strong>de</strong> l'antiquité ont<br />

conclu que leur tragédie va<strong>la</strong>it mieux que <strong>la</strong> nôtre,<br />

puisqu'elle était plus sérèreraeet héroïque. Ce <strong>de</strong>rnier<br />

point est frai; mais est-il vrai que nous ayons<br />

tort si <strong>la</strong> nôtre est généralement plus touchante?<br />

Y a-t-îl trop <strong>de</strong>s moyens d'intéresser au théâtre? et<br />

faut-il s'en refuser un dont l'effet est si universel?<br />

Mous a?ons d'autres mœurs que les Grecs ; pourquoi<br />

notre théâtre, qui doit se ressentir <strong>de</strong> cette<br />

différence, n'en aurait-il pas profité? Si Sophocle<br />

et Euripi<strong>de</strong> eussent vécu parmi nous, croit-on qu'ils<br />

n'eussent pas traité l'amour? croit-on qu'ils eussent<br />

rougi d'avoir fait Jndr&mague ou Zaïre f De quoi<br />

t'agit-il donc en <strong>de</strong>rnier résultat ? Ce n'est pas d'exclure<br />

l'amour <strong>de</strong> <strong>la</strong> tragédie, c'est <strong>de</strong> l'en rendra

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