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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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MQI énoncé présenté une sorte <strong>de</strong> contraste dans<br />

SIÈCLE DB LOUIS XIV. — POÉSIE.<br />

les termes, qui a quelque chose <strong>de</strong> trop ©dieux ; mais<br />

en dépouil<strong>la</strong>nt un fait <strong>de</strong> toutes les circonstances<br />

qui l'accompagnent, il est aussi trop facile <strong>de</strong> le<br />

dénaturer. Cest ici qu'il faut es revenir d'abord à<br />

ce principe incontestable, qu'un poète dramatique<br />

doit faire agir et parler ses personnages conformément<br />

aux mœurs <strong>du</strong> pays où ils vivent, à moins<br />

qu'il n'y ait un tel excès d'atrocité, <strong>de</strong> bizarrerie ou<br />

<strong>de</strong> bassesse, qu'il ne soit pas possible <strong>de</strong> s'y prêter;<br />

' et dans ce cas il faut ou adoucir ces mœurs sans les<br />

contredire trop formellement, ou rejeter un sujet<br />

qui répugnerait trop soi nôtres» La question est donc<br />

<strong>de</strong> savoir si Fauteur à'Âiksiie, dans tout le <strong>cours</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> pièce, nous a <strong>mont</strong>ré les objets sous un ieî<br />

point <strong>de</strong> fie, que <strong>la</strong> con<strong>du</strong>ite <strong>de</strong> Joad nous paraisse<br />

irréprochable v et que l'intérêt <strong>de</strong> cet saies!, son<br />

pupille et son roi s <strong>de</strong>vienne celui <strong>du</strong> spectateur. Cet<br />

examen sera le plus grand éloge <strong>de</strong> l'outrage. Il n'y<br />

en a pas un seul où Ton ait porté aussi loin cet art<br />

dont <strong>la</strong> multitu<strong>de</strong> n'aperçoit que le résultat, et dont<br />

les connaisseurs sentent tout le mérite, eet art si<br />

essentiellement théâtral, <strong>de</strong> mettre sans cesse dans<br />

<strong>la</strong> bouche <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong>s acteurs tout ce qui peut<br />

fon<strong>de</strong>r, nourrir, accroître l'intérêt unique qu'il faut<br />

inspirer, et ranger les spectateurs <strong>du</strong> parti que le<br />

poète .veut qu'ils embrassent; art d'autant plus difficile,<br />

qu'il ne faut pas en <strong>la</strong>isser voir l'intention :<br />

l'effet est manqué, si le besoin est trop aperçu. L'auteur<br />

doit toujours nous mener, mais <strong>de</strong> manière<br />

que nous nous imaginions aller tout seuls. Plus on<br />

réfléchit sur le sujet, le p<strong>la</strong>n, l'exécution à'Mkàlie,<br />

plus on est effrayé <strong>de</strong>s difficultés qui <strong>du</strong>rent frapper<br />

un auteur qui avait tant <strong>de</strong> connaissances <strong>du</strong> théâtre,<br />

et <strong>du</strong> talent Inlnî qu'il lui fal<strong>la</strong>it pour les sur<strong>mont</strong>er.<br />

Pkêére était sans doute un sujet très-délicat à manier<br />

; assis aussi que <strong>de</strong> ressources ! là passion, que<br />

Racine saeait si bien traiter; <strong>la</strong> Fable, qui apportait<br />

sous son pinceau ce que <strong>la</strong> poésie a <strong>de</strong> plus bril<strong>la</strong>nt!<br />

Il était là comme sur son terrain : ici, rien <strong>de</strong> tout<br />

ce<strong>la</strong>. Peint <strong>de</strong> passion d'aucune espèce : un sujet austère,<br />

et pour ainsi dire nu; le péril d'un enfant,<br />

qui par lui-même n'a rien <strong>de</strong> bien irif, à moins qu'on<br />

ne puisse y joindre le ressort puissant <strong>de</strong> k nature<br />

dans le cœur d'un père ou d'une mère, comme<br />

dais Andromaque, dans Iffhigénie, dans Mérope,<br />

dans Idamé. Joas est orphelin; il est le neveu <strong>de</strong><br />

Josabeth : c'est un lien <strong>de</strong> parenté; mais qu'il est<br />

loin.<strong>de</strong> ce grand sentiment <strong>de</strong> <strong>la</strong> maternité, auquel<br />

ries se peut se comparer! Aussi Josabeth n'est-elle<br />

qu'un personsage secondaire, qui se <strong>la</strong>isse con<strong>du</strong>ire<br />

on tout par Joad. Il fal<strong>la</strong>it pourtant nous attacher<br />

au sort <strong>de</strong> cet enfast pendant cinq actes. Ce n'est<br />

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pas tout : quel est le défenseur <strong>de</strong> cet enfant? quel<br />

est celui qui entreprend <strong>de</strong> le remettre sur le trône?<br />

Ce n'est point un <strong>de</strong> ces personnages toujours avantageux<br />

à <strong>mont</strong>rer sur <strong>la</strong> scène y un guerrier, un héros<br />

vengeur <strong>de</strong> sa patrie et <strong>de</strong> ses rois, un politique<br />

habile méditant une gran<strong>de</strong> révolution : c'est un<br />

pontife enfermé dans us temple avec une tribu eonsacrée<br />

au sert les <strong>de</strong>s autels. Il fal<strong>la</strong>it le faire triompher<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> force et <strong>du</strong> pouvoir sans blesser <strong>la</strong> vralsemb<strong>la</strong>nce,<br />

et le rendre ministre d'une •engeance<br />

rigoureuse et sang<strong>la</strong>nte sans dégra<strong>de</strong>r ni frire haïr<br />

le caractère <strong>du</strong> sacerdoce. Tout autre personnage<br />

pouvait être, sans aucun inconvénient t l'instrument<br />

<strong>du</strong> salut <strong>de</strong> Joas et <strong>de</strong> <strong>la</strong> perte d'Atfaalie. Rétablir<br />

l'héritier <strong>du</strong> trêne, venger <strong>la</strong> faiblesse opprimée,<br />

et punir l'ennemi et le bourreau <strong>de</strong> ses rois, était<br />

pour tout autre une entreprise non-seulement légitime,<br />

mais glorieuse. Cependant, telles sont les<br />

idées <strong>de</strong> convenance attachées à chaque état, que<br />

foire répodre par les ordres d'un prêtre le sang d'une<br />

reine, quoique coupable et usurpatrice, était en soimême<br />

difficile et dangereux. Tant d'obstacka nés<br />

<strong>du</strong> sujet n'étaient ba<strong>la</strong>ncés que par une seule rassource,<br />

l'intervention divine. A <strong>la</strong> vérité, eUe se<br />

présentait d'elle-même, et l'homme le plus ^médiocre<br />

pouvait <strong>la</strong> saisir ; mais c'est un <strong>de</strong> ces moyens<br />

qui n'ont qu'une valeur proportionnée à <strong>la</strong> force <strong>de</strong><br />

celui qui s'en sert : mis en œuvre par une main<br />

moins habile, il ne pouvait tout au plus que faire<br />

excuser Joad, etalors <strong>la</strong> pièce était masquée; elle<br />

ne pouvait pro<strong>du</strong>ire que très-pu d'effet. II était<br />

absolument nécessaire <strong>de</strong> tirer <strong>de</strong> ce moyen tout<br />

le parti possible ; il fal<strong>la</strong>it falrs entendre <strong>la</strong> voix <strong>de</strong><br />

Dieu dass chaque vers, resdre cet enfant que le ciel<br />

protège aussi cher aux spectateurs qu'aux Israélites<br />

(puisque sa<strong>la</strong> c'est là toute <strong>la</strong> pièce), le leur <strong>mont</strong>rer<br />

sur <strong>la</strong> scène, et faire agir sur tous les cœurs k charme<br />

<strong>de</strong> l'enfance; ce qui était sans exemple, et p<strong>la</strong>cé9<br />

s'il faut le dire, entre le sublime et le ridicule. Et<br />

quel autre qu'un grand maître ; alésas plus loin, quel<br />

autre que Racine pouvait en venir à bout? Sans <strong>la</strong><br />

magie d'us style divin, qui s'élève jusqu'à l'enthousiasme<br />

d'un pontife avec autant <strong>de</strong> succès qu'il <strong>de</strong>scendà<strong>la</strong><br />

naïvetéd'un enfant t <strong>la</strong> scène française n'avait<br />

point â'MkmMe, C'est un <strong>de</strong> ces tableaux qui ne peuvent<br />

exister que pr un prestige unique <strong>de</strong> coloris 9<br />

et que, sans ce<strong>la</strong>, 1a plus belle ordonnance, le plus<br />

beau <strong>de</strong>ssin, ne pourraient sauver. Il y a <strong>de</strong>s sujets<br />

où l'on est forcé d'être sublime, sous peine <strong>de</strong> n'être<br />

rien : Racine s'est bien acquitté <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>voir; il l'est<br />

<strong>de</strong>peîi le premier vers jusqu'au <strong>de</strong>rnier*.<br />

1 Quand te céiètite Leit<strong>la</strong> vint, à Fàge <strong>de</strong> dis-huit ans,<br />

€bez Yoltalra, aiee déviât lui retint <strong>de</strong> « teleat, trop tôt

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