23.02.2013 Views

la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

648<br />

C0U1S DE LITTERATURE.<br />

Et pour qui, tant <strong>de</strong> rots prodiguant vos caresses f<br />

Vous n'i¥e2 point <strong>du</strong> sang dédaigné tes faiblesses.<br />

Hé<strong>la</strong>s ! mm p<strong>la</strong>isir Je me faisais couler .<br />

Tous les noms <strong>de</strong>s pays que vous allez dompter |<br />

Et déjà, dllton présageant <strong>la</strong> conquête,<br />

B'sn triomphe si beau Je préparais ta fête,<br />

le ne m'attendais pas que, pour le commencer,<br />

Mon sang fût te premier que vous <strong>du</strong>ssiez verser.<br />

Iphigénie, dans le grec, finit par dire qu'il n'y<br />

a rien <strong>de</strong> si désirable que <strong>la</strong> ¥ie, et <strong>de</strong> si affreux que<br />

<strong>la</strong> mort. Ce sentiment est vrai ; mais est-il assez touchant<br />

pour terminer en morceau <strong>de</strong> persuasion? Il<br />

peut contenir à tout le mon<strong>de</strong>, et il va<strong>la</strong>it mieux,<br />

ce me semble, insister, es finissant, sur ce qui est<br />

particulier à Iphigénie; et c'est aussi ce qu'a fait<br />

Racine. Il n'a pas cru non plus <strong>de</strong>voir lui donner<br />

cette eïtréme frayeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort; il a voulu qu'on<br />

se souvînt que c'était <strong>la</strong> fille d'Agamemnon : et d'ailleurs<br />

il savait qu'un peu <strong>de</strong> courage sans faste, et<br />

mêlé à tous les sentiments qu'elle doit exprimer, ne<br />

pouvait rien diminuer <strong>de</strong> l'intérêt qu'elle inspire, et<br />

<strong>de</strong>vait même l'augmenter.<br />

Non'que <strong>la</strong> peur <strong>du</strong> coup dont je sols menacée<br />

Me fasse rappeler votre testé passée.<br />

Ne craignez rien ; mon «EUT, <strong>de</strong> vôtre honneur Jaloui,<br />

Ne fera point rougir as père tel que vous ;<br />

Et si je n'avais eu que ma vie à défendre,<br />

J'aurais su renfermer un souvenir si tendre.<br />

Mais à mon triste sort, vous Se savez, seigneur,<br />

Une mère, un amant, attachaient leur honneur.<br />

Un rat digne <strong>de</strong> TOUS a cru voir <strong>la</strong> journée<br />

Qui <strong>de</strong>vait éc<strong>la</strong>irer notre Illustre byménée.<br />

Déjà sûr <strong>de</strong> mon cœur, à sa f<strong>la</strong>mme promis,<br />

11 s'estimait heureux : vous me ravin permis.<br />

11 sait votre <strong>de</strong>ssein, jugez <strong>de</strong> ses a<strong>la</strong>rmes.<br />

Ma mère est <strong>de</strong>vant vous, et vous voyez ses <strong>la</strong>rmes.<br />

Pardonne! aux efforts que Je viens <strong>de</strong> tenter<br />

Pour prévenir les pleurs que Je leur vais coûter.<br />

De combien d'intérêts elle s'environne en paraisgant<br />

oublier le sien! Blé ne fait pas parler les<br />

pleurs <strong>du</strong> petit Oreste 9 comme dans Euripi<strong>de</strong> ; mais<br />

les pleurs d'un enfant sont un moyen acci<strong>de</strong>ntel et<br />

passager, au lieu que le contraste affreux <strong>de</strong> l'hymen<br />

qui lui était promis 9 et <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort où l'on Ya <strong>la</strong><br />

con<strong>du</strong>ire, tient à tout le reste <strong>de</strong> <strong>la</strong> pièce et fait<br />

partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation. Plus je réfléchis sur ces <strong>de</strong>ui<br />

ou?rages, plus il me paraît incontestable que ta terreur<br />

et <strong>la</strong> pitié sont portées beaucoup plus loin dans<br />

Racine que dans Euripi<strong>de</strong>.<br />

J'ai enten<strong>du</strong> quelquefois opposer à ce dévouement<br />

généreux d'Iphigénie, qui s'élève au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

crainte <strong>de</strong> <strong>la</strong> mort en même temps qu'elle fait ce<br />

qu'elle doit pour sauver sa vie, cet aveu que fait<br />

Améaaï<strong>de</strong>d'un sentiment tout contraire, dans ces<br />

•ers si connus :<br />

le se me vanle point <strong>du</strong> fastueux effort<br />

île voir sans n'a<strong>la</strong>rmer Ses apprêts <strong>de</strong> mt mort ;<br />

le regrette <strong>la</strong> vis... elle <strong>du</strong>t m'étn enère.<br />

L'un <strong>de</strong> ces passages ne me paraît point <strong>la</strong> critique<br />

<strong>de</strong> l'autre. Aménal<strong>de</strong> et Iphigénie disent toutes <strong>de</strong>ux<br />

ce qu'elles doivent dira : ce sont seulement <strong>de</strong>ux<br />

genres <strong>de</strong> beauté différents. La situation d'Aménaï<strong>de</strong><br />

est bien plus affreuse encore que celle d'Iphigénie<br />

: elle est condamnée à une mort infâme; elle<br />

va périr en coupable, et sur un échafaud. Aussi le<br />

poète <strong>la</strong> représente dans rentier abattement <strong>de</strong><br />

l'extrême infortune : psun sentiment doux, pas<br />

une ombre <strong>de</strong> conso<strong>la</strong>tion ne se mêle à l'horreur <strong>de</strong><br />

sa <strong>de</strong>stinée. Accusée par ses concitoyens, méconnue<br />

par son père, éloignée <strong>de</strong> son ornait, elle ne peut<br />

faire entendre que l'accent <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>inte. Quelle différence<br />

d'Iphigénie! elle va être offerte en victime<br />

pour le salut et <strong>la</strong> gloire <strong>de</strong> toute <strong>la</strong> Grèce ; et Ton<br />

n'ignore pas quel honneur était attaché à ces sortes<br />

<strong>de</strong> sacrifices, réputés si honorables, que souvent<br />

même ils étaient volontaires : ces idées prises dans<br />

les mœurs, et le nom <strong>de</strong> fille <strong>du</strong> rot <strong>de</strong>s rois, <strong>de</strong>vaient<br />

donc mêler au caractère d'Iphigénie quelques<br />

teintes d'un héroïsme que ne <strong>de</strong>vait point avoir<br />

Aménaï<strong>de</strong>, qui n'est jamais qu'amante et malheu- ~<br />

reuse. C'est <strong>du</strong> discernement <strong>de</strong> toutes ces convenances<br />

; re<strong>la</strong>tives au personnage, au pays, aux préjugés,<br />

aux cootomes, que dépend <strong>la</strong> perfection d'us<br />

caractère dramatique; et je crois qu'elle se trouve<br />

dans celui d'Iphigénie.<br />

J'ai connu <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> beaucoup d'esprit qui<br />

faisaient une autre critique <strong>de</strong> cette même scène :<br />

ils en blâmaient le dialogue. Ils auraient voulu qu'il<br />

fut coupé par <strong>de</strong>s répliques alternées et contradictoires<br />

, <strong>de</strong> manière à établir une espèce <strong>de</strong> choc y<br />

un combat <strong>de</strong> paroles entre Agamemnon et Clytemnestre<br />

; et ils pensaient que <strong>la</strong> scène en serait <strong>de</strong>ve­<br />

nue plus forte et plus rive. Je ne sais si je me trompe,<br />

mais je crois trouver dans <strong>la</strong> nature les raisons qui<br />

me persua<strong>de</strong>nt que Racine ne s'est pas trompé. Sa<br />

scène, ainsi que celle d'Euripi<strong>de</strong>, est partagée en<br />

trois couplets, si ce n'est que l'ordre est différent.<br />

Dans le grec, Clytemnestre parle <strong>la</strong> première ;<br />

elle éc<strong>la</strong>te en reproches contre Agamemnon, qui ne<br />

répond rien. Cest déjà un défaut à mon avis; car<br />

il ne convient pas qu'il ait l'air <strong>de</strong> n'avoir rien à répondre.<br />

Sa fille prend <strong>la</strong> proie : il réplique alors<br />

et se retire. J'ai déjà remarqué que cette sortie se<br />

<strong>de</strong>vait pas faire un bon effet, et que. <strong>la</strong> marche <strong>de</strong><br />

Racine me semb<strong>la</strong>it plus heureuse. Chez lui v c'est<br />

Iphigénie qui parle <strong>la</strong> première, après que sa mère<br />

a dit avec une Indignation ironique et concentrée :<br />

Yenes f veseï, ma fille, on n'attend pies foe TOUS;<br />

Tenez remercier un père qui vous aime,<br />

Et

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!