la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
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ANCIENS. — POÉSIE. 61<br />
Fa précédé. Les hymnes <strong>de</strong> Fwi et les poèmes <strong>de</strong><br />
l'autre prouvent <strong>la</strong> vérité <strong>de</strong> ce que nous a dit Anatole,<br />
que <strong>la</strong> poésie fut originairement consacrée à<br />
chanter les dieux et les héros; et ce<strong>la</strong> sous donne<br />
d'abord <strong>de</strong>ux caractères essentiels à l'antique épopée<br />
: al<strong>la</strong> était héroïque et religieuse. Mais comme<br />
les dieux <strong>de</strong>s anciens ne sont plus les nôtres, elle<br />
n'a dû conserver pour nous qu'un <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux caractères.<br />
Je <strong>la</strong> crois donc essentiellement héroïque;<br />
mais je ne pense pas qu'on soit encore obligé d'y<br />
faire entrer <strong>la</strong> religion. Ce n'est pas non plus que<br />
je préten<strong>de</strong> l'exclure ; j'ose en ce<strong>la</strong> m'écarter <strong>de</strong> l'avis<br />
<strong>de</strong> Despréaux, et l'exemple <strong>du</strong> Tasse, confirmé par<br />
le succès, me parait l'emporter sur l'avis <strong>du</strong> critique.<br />
Je dé<strong>la</strong>is donc l'épopée le récit en vers d'une action<br />
¥raisemb<strong>la</strong>blef héroïque, et intéressante. Je dis<br />
•faisemh<strong>la</strong>Jble , parce que le-poète épique n'est point<br />
obligé <strong>de</strong> se conformer à <strong>la</strong> ?érité historique , mais<br />
seulement à <strong>la</strong> ?raisëmb<strong>la</strong>nce morale; et qu'il est<br />
le maître d'ajouter ou <strong>de</strong> retrancher, et <strong>de</strong> se tenir,<br />
suivant l'expression d'Aristote, dans le possible.<br />
Je dis héroïque 9 parce que l'épopée a été consacrée<br />
originairement aux grands sujets ; que cette <strong>de</strong>stination<br />
lui a imposé un caractère qui <strong>la</strong> distingue ; et<br />
qu'il n'y a jamais rien à gagner, quoi qu'on en dise,<br />
à confondre et à rabaisser les genres, puisque le<br />
talent est le maître <strong>de</strong> les traiter tous en les <strong>la</strong>issant<br />
chacun à sa p<strong>la</strong>ce. Je dis intéressante 9 parce que<br />
reposée, comme <strong>la</strong> tragédie, doit attacher l'âme<br />
et fimagination, et qu'il y a tel sujet qui peut être<br />
. grand sans intéresser, comme t par exemple ; <strong>la</strong> conquête<br />
<strong>du</strong> Pérou par Pizarrc. Les difficultés <strong>de</strong> cette<br />
navigation lointaine et inconnue ont un caractère<br />
<strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur ; mais les conquérants furent <strong>de</strong>s meurtriers<br />
barbares, et les Péruviens, <strong>de</strong>s victimes qui<br />
se <strong>la</strong>issaient égorger sans défense : il n'y a là aucun<br />
intérêt. Au contraire, il peut y en avoir dans <strong>la</strong> conquête<br />
<strong>du</strong> Mexique par Certes, parce qu'il eut affaire<br />
à <strong>de</strong>s peuples beHiqueux, qu'il fut exposé aux plus<br />
affreux dangers, qu'il ne s y <strong>de</strong> Thésée. L'objet <strong>de</strong> <strong>la</strong> poésie n'est pas <strong>de</strong> versifier<br />
une histoire. L'art <strong>du</strong> poète suppose toujours une<br />
création quelconque, comme l'indique c<strong>la</strong>irement<br />
l'origine <strong>du</strong> mot poésie, qui signiie en grec pro<strong>du</strong>ction<br />
9 formation, venant <strong>du</strong> verbe/aire. Il faut donc<br />
qu'il fasse un tout, qu'il construise une machine.<br />
C'est là ce qui constitue l'artiste, et le vers n'est<br />
que l'instrument <strong>de</strong> son art. H en fait une application<br />
mal enten<strong>du</strong>e quand il met une histoire en vers :-ce<br />
n'est pas là ce qu'on attend <strong>de</strong> lui, car personne m<br />
désire que l'histoire soit écrite en vers; mais tout<br />
le mon<strong>de</strong> est fort aise <strong>de</strong> lire un beau poème sur.<br />
tel ou tel sujet tiré-<strong>de</strong> l'histoire, et <strong>de</strong> voir ce qu'en<br />
a fait l'imagination <strong>du</strong> poète. Quelques mo<strong>de</strong>rnes<br />
ont nié cette vérité; mais ce<strong>la</strong> prouve seulement<br />
qu'il n'y a rien <strong>de</strong> si simple et <strong>de</strong> si p<strong>la</strong>usible que<br />
quelques esprits bizarres n'aient pris p<strong>la</strong>isir à nier.<br />
La Mothe, dans son Dis<strong>cours</strong> sur Homère, après<br />
avoir lui-même reconnu ce principe <strong>de</strong> l'unité cfobjet9<br />
s'avise tout à coup d'un singulier scrupule.<br />
« Je ne sais ; dit-M f pourquoi j'ai restreint le poème au,<br />
récit d'une action. Peut-être que <strong>la</strong> vie entière d'un bénis t<br />
maniée avec art et ornée <strong>de</strong> beautés poétiques, es fepSt<br />
une matière raisonnable. A quel titre coatouieiait-oQ su<br />
ouvrage qui serait le modèle <strong>de</strong> toute <strong>la</strong> vie, <strong>la</strong> morale <strong>de</strong><br />
tous tes âges et <strong>de</strong> toutes les fortunes? »<br />
Il y a ici un petit artifice oratoire qu'il est bon <strong>de</strong> *<br />
remarquer, parce qu'il est fort commun dans <strong>la</strong> dis- .<br />
pute, et apparemment bien difficile à éviter, puisque<br />
nous y prenons <strong>la</strong> Mothe lui-même, qui, tout en se<br />
trompant sur le fond <strong>de</strong>s choses, a coutume <strong>de</strong> discuter<br />
avec métho<strong>de</strong> et bonne foi. Bans les règles<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> logique, il ne faut jamais s'écarter <strong>du</strong> point*<br />
précis <strong>de</strong> <strong>la</strong> question, ni changer les termes principaux<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> proposition. Or, <strong>de</strong> quoi s'agit-il ? s'il faut ,€<br />
donner le nom <strong>de</strong> poème épique à <strong>la</strong> vie d'un hero*<br />
mise en vers. Au lieu <strong>de</strong> s'en tenir à cette question,<br />
qui est <strong>de</strong> critique et <strong>de</strong> goût, il en propose une é%,<br />
morale. . " #<br />
« A quel titre condâmnerait-on un ouvrage qui serait le<br />
en tira que par <strong>de</strong>s prodi modèle <strong>de</strong> toute te Yw f etc. » •<br />
ges <strong>de</strong> valeur, <strong>de</strong> constance et <strong>de</strong> sagesse, et qu'il ne Et voilà le lecteur, pour peu qu'il ne soit pas très-<br />
fui cruel qu'une fois.<br />
attentif, tout prêt à donner raison à Fauteur, qui a -<br />
Il te présente plusieurs questions sur l'épopée, l'adresse <strong>de</strong> lui présenter ce qui semble répugner<br />
f • L'unité d'action y est-elle nécessaire? Oui f et ce d'abord, <strong>la</strong> condamnation d'un ouvrage qui est le *<br />
précepte est fondé sur <strong>la</strong> nature et le bon sens, modèle <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie, etc. Mais ramenons <strong>la</strong> quegion<br />
i tons les arts dont l'objet est-<strong>de</strong> p<strong>la</strong>ire et d'in- à ses termes, et nous verrons que <strong>la</strong> phrase <strong>de</strong> <strong>la</strong>.<br />
rf il est naturel à l'homme <strong>de</strong> vouloir qifnn Mothe n'y a aucun rapport. Ho«s lui dirons : Non 9<br />
l'occupe d'un objet déterminé, et qu'on le mène à monsieur, nous ne condamnerons pas ce qui eâ^fe<br />
tp but proposé : c'est le moyen <strong>de</strong> nous attacher. modèle <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie et <strong>la</strong> morale <strong>de</strong> tous les âges. Hn»<br />
Anatole a eu raison <strong>de</strong> refuser le nom <strong>de</strong> poèmes comme il y a vingt sortes d'ouvrage! dont vous<br />
épiques à <strong>de</strong>s ouvrages tels que <strong>la</strong> Tkéséiée et f'M- pourriez dire <strong>la</strong> même chose, il faudrait, pourvue<br />
rmeëi<strong>de</strong>, f«I contenaient toute <strong>la</strong> fie d'Hercule et votre proposition fut conséquente, que tou%ces