la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
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C0U1S DE UTTERATUHB.-<br />
Poursuis : ta s'as pas fil ce pas pour reculer.<br />
D'autant ptm malheureux qu*ll aura sa lui aMraf<br />
Ta main a commencé par le sang <strong>de</strong> ton frère ;<br />
Hardsne, il doit plutôt souhaite? sa colère :<br />
le prévols que tes coups Tiendront jusqu'à ta mère. Néron impunément ne sera pas Jaloux,<br />
Bans le fond <strong>de</strong> ton ecwur Je sais que tu me hais :<br />
Tu voudras f affranchir <strong>du</strong> joug <strong>de</strong> mes bienfaits : A peine a-t-il vu Junie un moment, et déjà <strong>la</strong> mort<br />
Mais je ? eux que ma mort te sott même Inutile. <strong>de</strong> son rival et <strong>de</strong> son frère est prononcée dans son<br />
He crois pas qu'en mourant je te <strong>la</strong>isse tranquille :<br />
Home, ce ciel s ce Jour que tu reçus <strong>de</strong> mol cœur. Mais il lui prépare un autre supplice : il veut<br />
t<br />
Partout, à tout moment} m'offriront <strong>de</strong>vant tôt. que Junie elle-même lui dise ou lui fasse entendre<br />
Tes remords te suivront comme autant <strong>de</strong> fartes;<br />
Tu croiras Ses calmer par d'autres barbaries. qu'il faut renoncer à elle, et, pour l'y forcer, il lui<br />
Ta fureur, s'irritant soi-même dans son <strong>cours</strong>, déc<strong>la</strong>re que Britannicus est mort, si elle n'obéit<br />
D'un sang toujours nouveau marquera tous tes Jours. pas. On a dit que c'était un petit moyen, et peu<br />
Mais J'espère qu'enfin le ciel <strong>la</strong>s <strong>de</strong> tes crimes,<br />
Ajoutera ta perte à tant d'autres victimes;<br />
digne <strong>de</strong> <strong>la</strong> tragédie, <strong>de</strong> faire cacher Héron pendant<br />
Qu'après t'être coarert <strong>de</strong> leur sang et <strong>du</strong> mien , l'entrevue <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux amants : ce<strong>la</strong> est vrai ; mais je<br />
Tu te verras forcé <strong>de</strong> répandre le tien ;<br />
Et ton nom parallra f dans Sa race future ,<br />
crois qu'ici l'effe^relève et justiie le moyen. Le pé<br />
Aux pires mmels tyrans une cruelle injure.<br />
ril est si prochain^ à réel, que <strong>la</strong> scène est tragique;<br />
et je n'ai bttttiir, pour le prouver, que d'ea<br />
Voilà un exemple <strong>de</strong> cet art si fréquent dans Racine,<br />
<strong>de</strong> donner aux idées les plus fortes l'expres<br />
appeler à l'effet in, théâtre. Ce moment est celui où<br />
sion <strong>la</strong> plus simple. Dira à un homme que son nom<br />
l'amour <strong>de</strong> Britannicus et <strong>de</strong> Junie <strong>de</strong>vient intéres<br />
sera une injure pour les tyrans est déjà terrible;<br />
sant, parce qu'il y a <strong>de</strong> <strong>la</strong> terreur et <strong>de</strong> <strong>la</strong> pitié.<br />
Leur situatioE est cruelle, et Ton ne peut s'empêcher<br />
<strong>de</strong> trembler pour eux quand on se souvient do<br />
ces vers terribles <strong>de</strong> Héron ;<br />
mais, pour les plus cruels tyrans une cruelle injure!<br />
je 11e crois pas que l'invective puisse imaginer<br />
rien au <strong>de</strong>là; et pourtant il n'y a rien <strong>de</strong> trop pour<br />
Héron : son nom est <strong>de</strong>venu celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> cruauté.<br />
Quelle vérité effrayante dans <strong>la</strong> peinture <strong>de</strong> oe<br />
monstre naissant 1 C'est mm <strong>de</strong>s pro<strong>du</strong>ctions les plus<br />
frappantes <strong>du</strong> génie <strong>de</strong> Racine, et une <strong>de</strong> celles<br />
fui prouvent que ce grand homme pouvait tout<br />
faire. Héron, comme l'observe fort bien Racine,<br />
n'a pas encore assassiné son frère, sa mère, son<br />
précepteur; il n'a pas encore mis le feu à Rome; et<br />
pourtant tout ce qu'il dit, tout ce qu'il <strong>la</strong>it dans Je<br />
<strong>cours</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> pièce, annonce une Âme naturellement<br />
atroce et perverse. Mais combien il a fallu <strong>de</strong> temps<br />
pour que l'on reconnût le prodigieux mérite <strong>de</strong> ce<br />
rôle! C'est une obligation que Ton eut à l'inimitable<br />
Lekaïn ; et l'ouvrage d'un grand acteur est <strong>de</strong> fîiejtrè<br />
à <strong>la</strong> portée <strong>de</strong> <strong>la</strong> multitu<strong>de</strong> ce qui n'était senti<br />
. que p%r les connaisseurs. Comme U nom <strong>de</strong> Héron<br />
semble promettra tout ce qu'il y a <strong>de</strong> plus odieux,<br />
et que , dans <strong>la</strong> nouveauté <strong>de</strong> BrManniew, les têtes<br />
étaient encore <strong>mont</strong>ées au ton que CornrilltHvait<br />
intro<strong>du</strong>it pendant trente ans, on fut étonné qu'il<br />
n'eût pas stns cesse à <strong>la</strong> bouche <strong>de</strong>s maximes infernales,<br />
qu'il ne se gloriiât pas d'être méchant,<br />
qu'il eût quelque honte <strong>de</strong> passer pour empois on*<br />
rjear ; enta on k êrowm irop bon : c'est le mot .dont<br />
Racine se serj dans sa préface. Il est vrai qu'il n% pas<br />
<strong>la</strong> rhétorique <strong>du</strong> crime, mais il en a bien l'atrocité<br />
tranquille et raffinée, <strong>la</strong> profon<strong>de</strong>ur réfléchie. Examinons<br />
sa con<strong>du</strong>ite ; il entend parler <strong>de</strong>.<strong>la</strong> beauté<br />
<strong>de</strong> Junie : son premiermonrenient est <strong>de</strong> l'enlever,<br />
avant même <strong>de</strong> l'avoir vue; et, sur le-seul soupçon<br />
que BM<strong>la</strong>nnianpurrait bien en'être aimé* son<br />
premhr mot est <strong>de</strong> dire ; *<br />
Caché très <strong>de</strong> cas Heu, Je rcns verni, madame.<br />
Renferme! aotre amour c<strong>la</strong>ns le fond <strong>de</strong> eaire âme :<br />
Tous n'aurez point pour moi <strong>de</strong> <strong>la</strong>ngages secrets,<br />
J'entendrai <strong>de</strong>s regards que TOUS emlrea muets, .<br />
Et sa perte sera l'tnfaUliMe sa<strong>la</strong>ire<br />
D'un geste ou d'ujp soupir échappé pour lui p<strong>la</strong>ire. -<br />
Avec ce style et cette situation on peut tout ennoblir.<br />
Observons, en passant, que l'effet • théâtral<br />
peut faire pardonner <strong>de</strong>s moyens faux, mats ne les<br />
justifie pas; au lieu qu'un moyen commun et petit<br />
par lui-même peut être relevé par Fart que Ton met<br />
à s'en servir, et n'est plus un défaut.<br />
Héron, sûr <strong>de</strong> l'amour <strong>de</strong> Junie pour Britannicus<br />
, ne médite plus que <strong>de</strong>s vengeances et <strong>de</strong>s crimes.<br />
11 fait arrêter son frère; il donne <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s<br />
à sa propre mère; et 9 s'apercevant, par l'entretien<br />
qu'il a eu avec elle, que les droits <strong>de</strong> Britannicus à<br />
l'empire peuvent être une arme contre lui, il ne<br />
ba<strong>la</strong>nce pas un moment, et donne ordre <strong>de</strong> l'empoisonner.<br />
Mais comment ! Avec quel sang-faîi odieux<br />
et quelle fourbe réfléchie! C'est en paraissant se réconcilier<br />
avec Agrippine et Britannicus 9 en prodiguant<br />
les caresses, les soumissions, les embrassementg;<br />
in'Iônnajsl dans son p<strong>la</strong>is une scène <strong>de</strong><br />
tendresse filiale :<br />
Gar<strong>de</strong>s, qu'on obéisse au ordres <strong>de</strong> ma mère!<br />
Voilà <strong>de</strong> quelle, manière il se prépare au fratrici<strong>de</strong>.<br />
Et <strong>la</strong> voilà bien, cette politique <strong>de</strong>s eours*eorrompues<br />
dont Corneille aimait tant à parler. Mais<br />
ici elle est en action, et non pas en paroles ; e'est-à*<br />
dire qu'elle est dans l'imitation théâtrale <strong>la</strong> même<br />
chose qu'en «éalitè: c'est <strong>la</strong> perfection <strong>de</strong> l'art. Héron<br />
ne se con<strong>du</strong>ites autrement que Charles IX. A