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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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498<br />

COU1S DE LITTÉRATURE.<br />

<strong>de</strong> Bouillon contre Phèdre; ce sonnet p<strong>la</strong>tement<br />

satirique <strong>de</strong> madame Beshoelières ; cet acharnement<br />

<strong>de</strong> madame <strong>de</strong> Se?igné à répéter que Racine n'Ira<br />

pas foin, qu'il passera comme k café ( le café et<br />

I<strong>la</strong>cine sont restés ), qu'il fmâ bien se gar<strong>de</strong>r <strong>de</strong><br />

rien comparer à Cormilk. J'y reviendrai avec assez<br />

<strong>de</strong> détails quand il sera question <strong>de</strong> Racine.<br />

Pour ce qui est <strong>de</strong> Fontenelle, <strong>de</strong>ux motifs d'intérêt<br />

personnel doivent d'abord infirmer son jugement :<br />

il était petit-neveu <strong>de</strong> Corneille, et <strong>de</strong> plus ennemi<br />

déc<strong>la</strong>ré <strong>de</strong> Racine. Leurs démêlés étaient connus,<br />

et les actes d'hostilité réciproque étaient publics. Ce<br />

n'est pas qu'on ne puisse se mettre au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> l'intérêt<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> parenté , et même <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> fanion impropre;<br />

mais <strong>la</strong> philosophie <strong>de</strong> Fonteselle ne put<br />

aller jusque-là. Il s'est <strong>mont</strong>ré trop évi<strong>de</strong>mment<br />

partial dans sa Fie <strong>de</strong> Comeilk et dans ses Réflexions<br />

sur <strong>la</strong> Poétiqm; et l'on peut ajouter, sans<br />

lui ôter rien <strong>de</strong> ce qui lui est dû à d'autres égards,<br />

qu'il a fait voir dans ces <strong>de</strong>ux morceaux une connaissance<br />

très-médiocre <strong>de</strong>s objets qu'il avait à<br />

traiter.<br />

Quand Yoitasredonna son Commentaire, on avait<br />

agité cent fois <strong>la</strong> question frivole <strong>de</strong> <strong>la</strong> prééminence<br />

entre Corntille et Racine : on crut qu'il avait voulu<br />

<strong>la</strong> résoudre, quoiqu'il n'en ait jamais dit un mot,<br />

et qu'il dise en propres termes que cette dispute lui<br />

a toujours para três-puérUe* Il a raison, et ceux qui<br />

se sont imaginé qu f en relevant les défauts <strong>de</strong> Corneille<br />

on le mettait au-<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> Racine, sont<br />

tombés dans îine méprise très-commune, et même<br />

presque générale, qui <strong>mont</strong>ra bien que rien n'est si<br />

rare que <strong>de</strong> savoir précisément <strong>de</strong> quoi l'on dispute.<br />

On confond <strong>de</strong>ux choses très-distinctes, les auteurs<br />

et les ouvrages. Quoi Idira-t-on9 n'est-ce pas <strong>la</strong> même<br />

chose? Nullement. H y en a d'abord une raison qui<br />

est ici particulière, et, <strong>de</strong> plus, il y en a une générale :<br />

toutes <strong>de</strong>ux sont péremptoires. La raison prtientière,<br />

c'est que tous <strong>de</strong>ux ont écrit en différents<br />

temps et dans <strong>de</strong>s circonstances différentes. Corneille<br />

est venu quancl il n'y avait encoreTien<strong>de</strong> bon;<br />

il a donc un mérite qui lui est propre, celui <strong>de</strong> s'être<br />

élevé sans modèle aux beautés supérieures. Racine<br />

ne s'est point formé sur lui, il est vrai ; je Ke dé<strong>mont</strong>rerai<br />

bientôt : mais il a nécessairement profilé <strong>de</strong>s<br />

lumières déjà répan<strong>du</strong>es; il a trouvé l'art infiniment<br />

plus avancé ; il a pu s'instruire y et par les succès <strong>de</strong><br />

Corneille, et même par ses fautes. A partir <strong>de</strong> ce<br />

point f il n'y a donc plus <strong>de</strong> parité ; et alors sur quoi<br />

peut-on aabSir bien positivement le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> génie<br />

<strong>de</strong>1'unet<strong>de</strong>rautre?Cettedi8tinetion n'a pas échappé<br />

à Footenelle : quoiqu'il ne Fait faite qu'en général,<br />

il sentait bien où elle al<strong>la</strong>it, et quel besoin il pouvait<br />

avoir <strong>de</strong> l'application. Voici comme il s'exprime trèsingénieusement<br />

:<br />

« Deux auteurs, dont l'un surpasse êxtrêmemeat l'astre<br />

par <strong>la</strong> beauté êm ses ouvrages f sont néanmoins égaes. en<br />

mérite, s'ils se sont également élevés ehaeim au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong><br />

son siècle» 11 est frai que l'un a été plus hast que l'astre,<br />

mais ce n'est pas qu'il ait en plus <strong>de</strong> force 9 c'est seules» t<br />

qu'il p pris son vol d'un Heu plus élevé.... Pour juger <strong>du</strong><br />

mérite d'un ouvrage , il suffit <strong>de</strong> le considérer en lui-même;<br />

mais pour juger <strong>du</strong> mérite <strong>de</strong> Fauteur 9 il faut le comparer<br />

à son siècle. »<br />

Rien n'est plus juste, et dès lors on voit combien<br />

il serait difficile <strong>de</strong> dire précisément auquel <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />

ïl.a fallu plus <strong>de</strong> force, d'esprit et <strong>de</strong> talent : à l'un<br />

pour faire le premier <strong>de</strong> belles choses ; à l'autre , pour<br />

en faire ensuite <strong>de</strong> beaucoup plus parfaites. 11 entre<br />

nécessairement <strong>de</strong> l'arbitraire dans cette appréciation,<br />

et les bons esprits ne prononcent jamais quesur<br />

ce qui peut être rigoureusement dé<strong>mont</strong>ré. Ils<br />

marqueront différentes qualités dans les déni hommes<br />

que l'on oppose l'un à l'autre, mais ils ne marqueront<br />

point <strong>de</strong> rang. 11 y a une autre raison" pour<br />

s'en abstenir, et celle-ci est générale. Quand <strong>de</strong>ux<br />

hommes, travail<strong>la</strong>nt dans le mime genre, ont un<br />

mérite supérieurêtpourtantd'une nature différente,<br />

il est eiWmemeiît difficile <strong>de</strong> prouver que Fun doit<br />

être au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> l'autre. Je Pal déjà dit ailleurs, <strong>la</strong><br />

préférence alors est au choix <strong>de</strong> tout le mon<strong>de</strong>. Quand<br />

on est d'accord qu'Homère et Virgile sont tous <strong>de</strong>ux<br />

<strong>de</strong> grands poètes, Cicéron et Démosthènes tous <strong>de</strong>ux<br />

<strong>de</strong> grands orateurs, comment s'y prendra-t-on pour<br />

m'empécher.<strong>de</strong> préférer eeluï-d ou celui-là ? Quoi que<br />

vous puissiez dire, celui <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux qui aura le plus<br />

<strong>de</strong> rapports avec ma manière <strong>de</strong> penser et <strong>de</strong> sentir<br />

sera toujours pour moi le plus grand. Aussi, lorsque<br />

Quintilien préfère Cicéron à Démosthènes f il ne<br />

donne cette préférence que comme son propre sentiment;<br />

et non pas comme une décision. De môme,<br />

quand Fénelon préfère Démosthènes, il dît simplement,<br />

famé mieux; il ne dit pas, Il faut aimer<br />

wdmx. Yoltaire, sans rien prononcer sur Corneille t<br />

semble pencher pour Racine; mais jamais il n'a rien<br />

décidé ; jamais il n'a dit : L'un est plus grand homme<br />

que l'autre.<br />

S'agît-il donc <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r qui <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux avait le plus<br />

<strong>de</strong> génie? Je crois que personne ne peut le savoir,<br />

si ce n'est Dieu, qui leur en avait donné beaucoup<br />

à tous <strong>de</strong>ux. Mais s'agit-il <strong>de</strong>s ouvrages? <strong>de</strong>man<strong>de</strong>-ton<br />

quels sont les meilleurs, les plus beaux, les plus<br />

parfaits? Ceci est différent et peut se ré<strong>du</strong>ire en démonstration<br />

; car il y a <strong>de</strong>s principes reconnus et <strong>de</strong>s<br />

effets constatés. Le bonsens, <strong>la</strong> nature ^expérience,<br />

le cœur humain, voilà les arbitres Infaillibles qui

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