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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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C0U1S DE LITTÉEATIJ1E.<br />

490<br />

est; et cet effort, qui prolonge l'erreur <strong>de</strong> Phoeas,<br />

est lise <strong>de</strong>s beautés <strong>de</strong> <strong>la</strong> pièce.<br />

Après Héruclim, le talent <strong>de</strong> Corneille commence<br />

à baisser. Il se s'était pourtant écoulé que l'espace<br />

ieili ans entre cette tragédie et celle <strong>du</strong> Cid, et<br />

l'auteur n'en avait encore que quarante. C'est l'âge<br />

où l'esprit est dans sa plus gran<strong>de</strong> force : c'est <strong>de</strong>puis<br />

cet âge que Voltaire a fait le plus grand nombre<br />

<strong>de</strong> ses chefs-d'œuvre. Racine avait cinquante<br />

ans quand il composa son admirable Jtkalie : et, à<br />

cette même époque, nous ne trouvons plus que <strong>de</strong>ui<br />

ouvrages où le grand Corneille, déjà fort inférieur<br />

•à lui-même dans le choix <strong>de</strong>s sujets et dans <strong>la</strong> composition<br />

tragique , se retrouve encore à sa hauteur,<br />

au moins dans quelques scènes, je veux dire JVieomê<strong>de</strong><br />

et Serl&rius,<br />

Lorsqu'on 1756 les comédiens reprirent Nkomê<strong>de</strong>,<br />

qui n'avait pas été joué <strong>de</strong>puis quatre-vingts ans,<br />

iisfannoeeèrent sous le titre <strong>de</strong> tragi-comédie, sms<br />

doute à cause <strong>du</strong> mé<strong>la</strong>nge continuel <strong>de</strong> noblesse et<br />

<strong>de</strong> familiarité qui règne dans ce drame, et dont<br />

aucune <strong>de</strong>s meilleures pièces <strong>de</strong> Corneille n'est tout<br />

à fait eiempte. On sait que le Cid fut d'abord joué<br />

et imprimé sous le même titre. Un grand nombre<br />

<strong>de</strong> pièces <strong>de</strong>s prédécesseurs <strong>de</strong> Corneille est intitulé<br />

<strong>de</strong> même. Les anciens n'avaient jamais connu cet<br />

alliage <strong>du</strong> tragique et <strong>du</strong> familier, <strong>du</strong> sérieux et <strong>du</strong><br />

bouffon, marqué au coin <strong>de</strong> <strong>la</strong> barbarie. Mais comme<br />

il disait le fond <strong>du</strong> théâtre <strong>de</strong>s Espagnols , qui servit<br />

longtemps <strong>de</strong> modèle au nôtre, nos auteurs,<br />

qui empruntaient leurs-pièces et leurs défauts, quoique<br />

sans <strong>de</strong>scendre au même <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> bouffonnerie f<br />

imaginèrent ce nom <strong>de</strong> êrag^comédie, qu'ils donnaient<br />

surtout aux pièces où il n'y avait point <strong>de</strong><br />

sang répan<strong>du</strong>, et qui excusait <strong>la</strong> bigarrure <strong>de</strong> leurs<br />

drames informes. Mais, <strong>de</strong>puis que Racine eut ftîl<br />

voir, le premier, comment on pouvait être, dans le<br />

<strong>cours</strong> d'une pièce., à <strong>la</strong> fois simple et noble, naturel<br />

et élégant, sans tomber jamais dans le familier et<br />

dans le bas', il n f y eut plus <strong>de</strong> tragi-comédie.<br />

Il semble que l'auteur <strong>de</strong> Nimmé<strong>de</strong> ait voulu<br />

faire voir dans cette pièce le contraste singulier <strong>de</strong><br />

toutes celtes où il avait fait triompher <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>ur<br />

nmaine ; ici die est sans cesse écrasée, et l'on dirait<br />

qu'il a voulu en faire justice- Cette singu<strong>la</strong>rité<br />

prouve les ressources <strong>de</strong> son talent, qui se <strong>mont</strong>re<br />

encore dans le rôle <strong>de</strong> Nicomè<strong>de</strong>. On aime à voir <strong>la</strong><br />

fierté <strong>de</strong> ces tyrans <strong>du</strong> mon<strong>de</strong> foulée aux pieds par<br />

un jeune héros, élève d'Annibal. Ce rôle soutient <strong>la</strong><br />

pièce, qui d'ailleurs n'a rien <strong>de</strong> tragique. Aucun <strong>de</strong>s<br />

personnages n'est jamais dans un véritable danger.<br />

C'est une intrigue domestique à <strong>la</strong> cour d'un roi<br />

vieux et faible, à qui Ton veut donner un succes­<br />

seur. Une belle-mère ambitieuse veut écarter Eïmmè<strong>de</strong><br />

<strong>du</strong> trône, et y p<strong>la</strong>cer son ils Attale. Les<br />

ressorts <strong>de</strong> l'intrigue sont entre les mains <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />

subalternes qui ne paraissent même pas : ce sont<br />

<strong>de</strong>ux faux témoins subornés par <strong>la</strong> reine, et qu'elle<br />

prétend subornés par Hioomè<strong>de</strong>. 11 s'agit d'un projet<br />

d'empoisonnement; mais l'accusation est si peu<br />

vraisemb<strong>la</strong>ble, Nicomè<strong>de</strong> si puissant, si bien soutenu<br />

par ses exploits et par <strong>la</strong> <strong>la</strong>veur <strong>du</strong> peuple, et,<br />

d'un autre côté, <strong>la</strong> reine a tellement subjugué <strong>la</strong><br />

vieillesse <strong>de</strong> Prusias, qu'il est impossible <strong>de</strong> craindre<br />

pour personne. Le dénoûment en est très-défectueux,<br />

parce qu'il se trouve à <strong>la</strong> un qu'Attale, méprisé<br />

par Mcomè<strong>de</strong>, et traité d'homme sans cœw9<br />

fait une action <strong>de</strong> générosité très-éc<strong>la</strong>tante, et que<br />

tout à coup Nicomè<strong>de</strong> lui est re<strong>de</strong>vable <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie,<br />

sans que Ton comprenne bien comment cette vie a<br />

.été en péril. Joignez à ces défauts <strong>la</strong> faiblesse et<br />

l'avilissement extrême <strong>de</strong> Prusias, et Ton conviendra<br />

que Voltaire a raison quand il dit que l'auteur aurait<br />

dû appeler cet ouvrage œmédiè héroïque, et non<br />

pas tragédie.<br />

L'intrigue'<strong>de</strong> Sertmius est encore plus froi<strong>de</strong>,<br />

et <strong>la</strong> fable plus vicieuse. Il n'y a ni terreur ni pitié;<br />

et, en exceptant <strong>la</strong> fameuse conversation do<br />

Sertorius et <strong>de</strong> Pompée, qui sera toujours justement<br />

admirée, en exceptant quelques morceaux <strong>du</strong> rôle<br />

<strong>de</strong> Viriate, tout le reste ne ressemble en rien à une<br />

tragédie.<br />

C'est ici, à proprement parler, que Unit le grand<br />

Corneille : tout le reste n'offre que <strong>de</strong>s lueurs pas­<br />

sagères d'un génie éteint. II n'y a rien dans TMûdore,<br />

dans Atti<strong>la</strong>, dans Ptdckérk, dans Surina.<br />

On ne peut citer Bérénice que pour p<strong>la</strong>indre Fauteur<br />

d'avoir consenti à lutter contre Racine dans<br />

un sujet où il lui était si difficile <strong>de</strong> soutenir <strong>la</strong> concurrence.<br />

PertharUe n'est remarquable que par <strong>la</strong><br />

découverte que Voltaire a faite <strong>de</strong> nos jours, que<br />

, le second acte <strong>de</strong> cette pièce contient en germe <strong>la</strong><br />

belle situation d'Hermione <strong>de</strong>mandant à Oreste,<br />

qui l'aime, <strong>la</strong> tête <strong>de</strong> Pyrrhus qu'elle aime encore.<br />

Mais cet exemple ne sert qu'à faire voir ce que nous<br />

aurons lieu <strong>de</strong> vériier plus d'une fois, qu'on peut<br />

se servir <strong>de</strong>s mêmes moyens sans pro<strong>du</strong>ire les mêmes<br />

résultats ; et ce n'est que dans le cas où l'un et l'autre<br />

se ressemblent qu'un auteur, dramatique peut<br />

être traité <strong>de</strong> p<strong>la</strong>giaire. On peut voir dans le Commentaire<br />

pourquoi ce qui est d'un si grand effet dans<br />

Andromaque n'en pro<strong>du</strong>it aucun dans Pertharito.<br />

11 suffit <strong>de</strong> dire Ici que ce qui n'est dans l'une <strong>de</strong> ces<br />

pièces que passagèrement indiqué et comme épisodique,<br />

dans l'autre tient au fond <strong>de</strong>s caractères et<br />

au développement <strong>de</strong>s passions : il n'en faut pas

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