REPÈRES CHRONOLOGIQUES Protectorat français, règne du Roi ...

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Du brahmanisme au bouddhisme Du brahmanisme au bouddhisme DU BRAHMANISME AU BOUDDHISME La réaction çivaïte- Les circonstances politiques y poussaient également. A la fin de son long règne, Jayavarman VIII eut en effet à faire face à des ennemis extérieurs tout nouveaux, les Mongols et les Thaïs. En 1282, Khoubilaï, petit-fils de Gengis Khan et conquérant de la Chine, dépêcha une armée, commandée par le général mongol Sögatou, pour occuper le Champa et le Cambodge. Cette armée fut défaite par les Vietnamiens qui refusaient de lui laisser passage et son général tué. L'alerte cependant avait été chaude et Jayavarman VIII jugea prudent d'offrir un tribut aux Mongols en 1285. Quelques années plus tard, un autre péril se présenta. Les Thais, établis d'abord au Yunnan où ils avaient fondé au VIlle siècle le royaume de NanTchao, s'étaient progressivement infiltrés dans les vallées de l'Indochine centrale et de la Birmanie. Profitant du renversement temporaire de la monarchie birmane par les Mongols de Khoubilai, ils avaient pris le contrôle de plusieurs territoires bir¬mans, copiant leur organisation militaire sur celle des Mongols et se dotant d'une écriture imitée de l'écriture cursive khmère. Ils s'efforcèrent de substituer leur autorité à celle de l'administration khmère dans le bassin du Ménam. Pour résister à leur offen¬sive, tout le peuple khmer fut appelé à combattre; ses pertes furent immenses comme le furent les dévastations effectuées par les Thaïs que conduisait Râma Khamheng. Celui-ci finit par se constituer aux dépens du Cambodge un royaume dont l'ancienne ville cambodgienne de Sukhôtai devint la capitale. Jayavarman VIII était alors très âgé. Il fut aisément victime d'un complot de palais que nous a relaté Tchéou Ta-Kouan, membre de l'ambassade envoyée au Cambodge en 1296 par l'empereur de Chine, Temur, petitfils et successeur de Khoubilaï. Un haut dignitaire qui avait adopté la carrière des armes s'empara brutalement du pouvoir avec la complicité de la fille même du vieux roi qu'il avait épousée. Elle déroba l'épée d'or, emblème du pouvoir, et la porta à son mari. Jaya-varman VIII abdiqua. Et comme son fils, dépouillé de la succes¬sion, complotait pour lever des troupes, le nouveau roi, Indravarman III (1295-1307) le fit saisir, amputer des orteils (ce qui comportait la privation de tous les droits dynastiques) et reléguer dans une pièce obscure du palais. Indravarman III était attaché au bouddhisme du Petit Véhicule, d'inspiration singhalaise, introduit au Cambodge par Tamalinda; il fut le premier monarque khmer à substituer dans les inscriptions le pâli, langue sacrée des bouddhistes, au sanskrit langue des brahmanes. Lorsqu'à son tour il abdiqua, ce fut pour se retirer dans un monastère bouddhisme à l'ombre de la forêt. Sous son règne, la paix régna au Cambodge. L adorateurs du linga et les brahmanes jouissaient dela protection royale au même titre que les bonzes. Dans le royaume thaï de Sukhôtai le bouddhisme singhalais s'était fortement implanté et du même coup l'esprit d'agression avait momentanément disparu. Tout changea quand à Angkor fut sacré roi Indrajayavarman (1308- 1327). C'était un mystique çivaïte sur lequel les brahmanes, en particulier le vieux Jaya Mangalârta et le docte Vidyeçadhîmant, avaient une grande influence. Il reprit la persécution contre les bouddhistes et encouragea la destruction des images du Bouddha. Il enrichit le temple construit par Jayavarman VIII en l'honneur de son favori. Son attitude, en même temps qu'elle faisait renaître à l'intérieur des querelles religieuses, provoqua une reprise des hostilités avec les Thais. Ceux-ci, sous prétexte de défendre la foi bouddhique, multiplièrent les incur¬sions à travers le Cambodge et jusqu'au Champa. En 1327, le roi fut remplacé par son fils Sihanouk qui prit le nom de règne de Jayavarman IX Parameçvara (1327-1336). Lui aussi s'efforça de restaurer le çivaisme et il voulut affirmer publiquement sa foi en mettant une inscription sur le sanctuaire bouddhique par excellence, celui du Bayon. La réaction publique cette fois fut brutale. La révolution du XIVe siècle. - Une tradition cambodgienne recueillie par les premiers résidents français au Cambodge, Doudart de Lagrée, Moura et Aymonier, rapporte que le chef des jardins royaux, un Samré renommé pour son habileté à faire pousser des concombres savoureux, Chay, aurait reçu du roi une lance pour protéger contre les voleurs nocturnes le potager du monarque. Peu de temps après, au cours d'une nuit particulièrement sombre, le roi étant descendu dans le potager fut pris pour un voleur par le chef des jardins qui le tua de sa lance. D'après la tradition, ses cendres furent déposées par sa fille, Chant, dans un temple construit en 961 par Rajendravarman et qui prit dès lors le nom de Pré Rup (= figuration de la forme) d'après la cérémonie qui consiste à donner aux cendres la forme d'une statue couchée. Les mandarins et les ministres s'assemblèrent afin de pourvoir à la vacance du trône et, loin de condamner le meurtrier, ils l'élevèrent au pouvoir. Ondoyé, Chay (1336-340) aurait pris pour épouse la fille du défunt-roi, légitimant ainsi son autorité. Or, bien que cette tradition ne soit guère flat¬teuse pour elle, la dynastie cambodgienne prétend aujourd'hui encore descendre du meurtrier; elle conserve au palais royal de Phnom Penh la lance même du crime. Elle admet en quelque sorte que le roi ait été assassiné dans son potager, sous les yeux du chef des jardins ou par lui, et que les dignitaires, prenant son successeur hors la famille royale, aient élu le meurtrier dont ils étaient complices. Cet assassinat fut en quelque sorte l'expression d'une révolution totale. (A.Dauphin-Meunier, Histoire du Cambodge-1968) 26 27

ÇRIVIJAYA LAVO SUKHODAYA YONAKARA-STRA KHMERRASTRA NAN-TCHAO Indochine politique aux environs de 930 après JC Indochine politique aux environs 960 après JC Limite d’Etats /Royaumes ou Pays tributaires MER DE KOUEN-LOUEN DAI CÔ-VIET EMPIRE DU KAMBUJADEÇ A CHAMPA Indrapura Sinhapura Vijaya Sin-tcheou Carte de l’Indochine aux environs 960 après JC. est indépendante de Mémoires de Tcheou Ta Kouan Mémoires sur les coutumes du Cambodge de Tcheou Ta Kouan MEMOIRES SUR LES COUTUMES DU CAMBODGE DE TCHEOU TA KOUAN Zhou Daguan (parfois transcrit Tcheou Ta-Kouan ou Chou Ta-kuan), né en 1266 et mort vers 1346, était un diplomate chinois du temps de l'empereur de Chine Témur Khan (petit-filset successeur de Khoubolaï khan ). Il est principalement connu du fait de son récit nommé Mémoires sur les coutumes du Cambodge concernant les temples d'Angkor. Arrivé à Angkor en août 1296, il resta à la cour du roi Indravarman III (1295-1307) jusqu'en juillet 1297. Son récit est particulièrement intéressant car il rapporte de façon détaillée la vie et les coutumes des habitants du Cambodge. Ses descriptions restent à ce jour la plus ancienne source de renseignements fiables et manuscrites sur l'empire Khmer (hormis les stèles gravées retrouvées dans les temples). Ses descriptions précises de plusieurs temples d'Angkor comme le Bayon, le Baphuon, Angkor Vat, la terrasse des éléphants, font que son témoignage reste inestimable. ------------------------------------------------------------------------------------------------------- Mémoires sur les coutumes du Cambodge Traduction de Paul Pelliot, édition de 1951, Librairie d'Amérique et d'Orient. L'agriculture, les accouchements, Angkor Thom, l' armée, le commerce, les esclaves, les fêtes, la flore, les fonctionnaires, les habitants, les habitations, l' hygiéne, les jeunes filles (défloration), la justice, le langage et écriture, les religions, les rites mortuaires, la santé, les vêtements, les ustensiles. Le Tchen-la est aussi appelé Tchan-la. Le nom indigène est Kan-po Tche. La dynastie actuelle, se basant sur les livres religieux tibétains, appelle ce pays kan-p'ou-tche( (Kamboja), ce qui est phonétiquement proche de Kan-po-tche. En s'embarquant à Wen-Tcheou( au Tchö-kiang), et en allant Sud Sud- Ouest, on passe les ports des préfectures du Fou-kien, du Kouang-tong et d'outre-mer, on franchi la mer des Sept-Iles (Ts'i-tcheou, Iles Taya), on traverse la mer d'Annam, et on arrive au Champa ( à sin-tcheou, Quinon). Puis, du Champa , par bon vent, en quinze jours environ, on arrive à Tchen-p'ou (région Cap Saint-Jacques ou Baria) : c'est la frontière du Cambodge. Puis, de Tchen-p'ou, en se dirigeant Sud-ouest-1/6 Ouest, on franchit la mer de K'ouen-louen (= de Poulo-Condor) et on entre dans les bouches. De ces bouches il y en a plusieurs dizaines, mais on ne peut pénétrer 28 29

Du brahmanisme au bouddhisme Du brahmanisme au bouddhisme<br />

DU BRAHMANISME AU BOUDDHISME<br />

La réaction çivaïte- Les circonstances politiques y poussaient également.<br />

A la fin de son long <strong>règne</strong>, Jayavarman VIII eut en effet à faire<br />

face à des ennemis extérieurs tout nouveaux, les Mongols et les Thaïs.<br />

En 1282, Khoubilaï, petit-fils de Gengis Khan et conquérant de la Chine,<br />

dépêcha une armée, commandée par le général mongol Sögatou,<br />

pour occuper le Champa et le Cambodge. Cette armée fut défaite par<br />

les Vietnamiens qui refusaient de lui laisser passage et son général tué.<br />

L'alerte cependant avait été chaude et Jayavarman VIII jugea prudent<br />

d'offrir un tribut aux Mongols en 1285.<br />

Quelques années plus tard, un autre péril se présenta.<br />

Les Thais, établis d'abord au Yunnan où ils avaient fondé au VIlle siècle<br />

le royaume de NanTchao, s'étaient progressivement infiltrés dans les vallées<br />

de l'Indochine centrale et de la Birmanie. Profitant <strong>du</strong> renversement<br />

temporaire de la monarchie birmane par les Mongols de Khoubilai, ils<br />

avaient pris le contrôle de plusieurs territoires bir¬mans, copiant leur organisation<br />

militaire sur celle des Mongols et se dotant d'une écriture imitée<br />

de l'écriture cursive khmère. Ils s'efforcèrent de substituer leur autorité<br />

à celle de l'administration khmère dans le bassin <strong>du</strong> Ménam. Pour résister<br />

à leur offen¬sive, tout le peuple khmer fut appelé à combattre; ses<br />

pertes furent immenses comme le furent les dévastations effectuées par<br />

les Thaïs que con<strong>du</strong>isait Râma Khamheng. Celui-ci finit par se constituer<br />

aux dépens <strong>du</strong> Cambodge un royaume dont l'ancienne ville cambodgienne<br />

de Sukhôtai devint la capitale.<br />

Jayavarman VIII était alors très âgé. Il fut aisément victime d'un complot<br />

de palais que nous a relaté Tchéou Ta-Kouan, membre de l'ambassade<br />

envoyée au Cambodge en 1296 par l'empereur de Chine, Temur, petitfils<br />

et successeur de Khoubilaï.<br />

Un haut dignitaire qui avait adopté la carrière des armes s'empara brutalement<br />

<strong>du</strong> pouvoir avec la complicité de la fille même <strong>du</strong> vieux roi<br />

qu'il avait épousée. Elle déroba l'épée d'or, emblème <strong>du</strong> pouvoir, et la<br />

porta à son mari. Jaya-varman VIII abdiqua. Et comme son fils, dépouillé<br />

de la succes¬sion, complotait pour lever des troupes, le nouveau roi, Indravarman<br />

III (1295-1307) le fit saisir, amputer des orteils (ce qui comportait<br />

la privation de tous les droits dynastiques) et reléguer dans une pièce<br />

obscure <strong>du</strong> palais.<br />

Indravarman III était attaché au bouddhisme <strong>du</strong> Petit Véhicule, d'inspiration<br />

singhalaise, intro<strong>du</strong>it au Cambodge par Tamalinda; il fut le premier<br />

monarque khmer à substituer dans les inscriptions le pâli, langue<br />

sacrée des bouddhistes, au sanskrit langue des brahmanes. Lorsqu'à son<br />

tour il abdiqua, ce fut pour se retirer dans un monastère bouddhisme à<br />

l'ombre de la forêt.<br />

Sous son <strong>règne</strong>, la paix régna au Cambodge. L adorateurs <strong>du</strong> linga et<br />

les brahmanes jouissaient dela protection royale au même titre que les<br />

bonzes. Dans le royaume thaï de Sukhôtai le bouddhisme singhalais<br />

s'était fortement implanté et <strong>du</strong> même coup l'esprit d'agression avait<br />

momentanément disparu.<br />

Tout changea quand à Angkor fut sacré roi Indrajayavarman (1308-<br />

1327). C'était un mystique çivaïte sur lequel les brahmanes, en particulier<br />

le vieux Jaya Mangalârta et le docte Vidyeçadhîmant, avaient une<br />

grande influence. Il reprit la persécution contre les bouddhistes et encouragea<br />

la destruction des images <strong>du</strong> Bouddha. Il enrichit le temple<br />

construit par Jayavarman VIII en l'honneur de son favori. Son attitude, en<br />

même temps qu'elle faisait renaître à l'intérieur des querelles religieuses,<br />

provoqua une reprise des hostilités avec les Thais. Ceux-ci, sous prétexte<br />

de défendre la foi bouddhique, multiplièrent les incur¬sions à travers le<br />

Cambodge et jusqu'au Champa.<br />

En 1327, le roi fut remplacé par son fils Sihanouk qui prit le nom de <strong>règne</strong><br />

de Jayavarman IX Parameçvara (1327-1336). Lui aussi s'efforça de restaurer<br />

le çivaisme et il voulut affirmer publiquement sa foi en mettant<br />

une inscription sur le sanctuaire bouddhique par excellence, celui <strong>du</strong><br />

Bayon. La réaction publique cette fois fut brutale.<br />

La révolution <strong>du</strong> XIVe siècle. - Une tradition cambodgienne recueillie<br />

par les premiers résidents <strong>français</strong> au Cambodge, Doudart de Lagrée,<br />

Moura et Aymonier, rapporte que le chef des jardins royaux, un Samré<br />

renommé pour son habileté à faire pousser des concombres savoureux,<br />

Chay, aurait reçu <strong>du</strong> roi une lance pour protéger contre les voleurs nocturnes<br />

le potager <strong>du</strong> monarque. Peu de temps après, au cours d'une<br />

nuit particulièrement sombre, le roi étant descen<strong>du</strong> dans le potager fut<br />

pris pour un voleur par le chef des jardins qui le tua de sa lance.<br />

D'après la tradition, ses cendres furent déposées par sa fille, Chant, dans<br />

un temple construit en 961 par Rajendravarman et qui prit dès lors le<br />

nom de Pré Rup (= figuration de la forme) d'après la cérémonie qui<br />

consiste à donner aux cendres la forme d'une statue couchée.<br />

Les mandarins et les ministres s'assemblèrent afin de pourvoir à la vacance<br />

<strong>du</strong> trône et, loin de condamner le meurtrier, ils l'élevèrent au pouvoir.<br />

Ondoyé, Chay (1336-340) aurait pris pour épouse la fille <strong>du</strong><br />

défunt-roi, légitimant ainsi son autorité.<br />

Or, bien que cette tradition ne soit guère flat¬teuse pour elle, la dynastie<br />

cambodgienne prétend aujourd'hui encore descendre <strong>du</strong> meurtrier;<br />

elle conserve au palais royal de Phnom Penh la lance même <strong>du</strong> crime.<br />

Elle admet en quelque sorte que le roi ait été assassiné dans son potager,<br />

sous les yeux <strong>du</strong> chef des jardins ou par lui, et que les dignitaires,<br />

prenant son successeur hors la famille royale, aient élu le meurtrier dont<br />

ils étaient complices.<br />

Cet assassinat fut en quelque sorte l'expression d'une révolution totale.<br />

(A.Dauphin-Meunier, Histoire <strong>du</strong> Cambodge-1968)<br />

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