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Remarques sur le projet essentialiste de Brian Ellis en Philosophie de la Nature | Philippe Gagnon<br />

88<br />

MARZO<br />

2012<br />

énergétique dans un espace que nous imaginons vide. La théorie dite de supersymétrie a réussi à coordonner<br />

mathématiquement des particules de spins divers dans une représentation unifiée, si bien que le dualisme forces<br />

d’échanges et particules peut s’estomper progressivement. Ce qui cependant est dicté par la théorie encore en<br />

développement, c’est pour chaque type de particule d’avoir une contrepartie abstraite. La théorie n’a pas d’exigence<br />

pour chaque particule qui pourrait exister, elle n’unifie que des types de celles-ci. Si dans le temps de cligner les<br />

paupières un électron fait 1016 révolutions, ce qui pour nous n’est qu’une poussière temporellement représente pour<br />

cette particule une véritable éternité. Or se rend-on compte de ce qu’implique l’affirmation que tout le bruit produit<br />

dans la « musique » de la nature doit s’évaluer en termes de correspondance à un universel ? Les formes se réalisent<br />

en fait sur un fond de bruit qui, certes, peut représenter une musique pour des êtres qui seraient différents de nous,<br />

qui pourraient s’aviser d’une cohérence qui nous manque totalement (ainsi de la thèse de l’infinité des mondes si<br />

attirante en philosophie de la nature), mais il faut qu’elle soit prouvée pour nous sinon à quoi bon disserter dessus ?<br />

Cela entraînerait à dire que la nature a autant de formes qu’elle n’a pris de configuration dans chaque moment de<br />

son déploiement temporel (une femtoseconde vaut 10-<strong>15</strong> sec !).<br />

C’est un point de vue qui revient à valoriser l’inconnaissable. Tout ramener au noumène, ce serait placer la<br />

structure du monde dans un état d’ineffabilité, ce qui est en effet la manière dont les généralisations en physique<br />

procèdent, qu’il suffise de penser à Einstein héritier de la tendance germanique à la généralisation 101 , qui montre<br />

qu’une intuition peut être juste même si plusieurs des conséquences de cet antécédent pour le moment faux sont<br />

elles-mêmes fausses 102 ! Dire comme nous l’avons présenté plus haut que l’antécédent d’une loi de la nature ne doit<br />

pas être faux, c’est encore insuffisant parce qu’il faudra en plus préciser à quel moment nous l’avons considéré. Il<br />

est curieux qu’exigeant la nécessité métaphysique à tout propos, Ellis exprime tant de réserves sur l’usage du<br />

raisonnement contrefactuel au dernier chapitre de Scientific Essentialism. Seule la causation comme transfert d’une<br />

quantité de forme conservée permet de se passer du recours au raisonnement contrefactuel 103 .<br />

Pour contrer la difficulté que nous venons de mentionner, qui rend difficile de connaître les dispositions des<br />

choses avant qu’elles ne les aient manifestées, et qui rend encore plus difficile de penser de quelle manière on<br />

pourrait entièrement éliminer la régularité ou la fréquence de l’acte même de leur discernement, Ellis parlera de<br />

propriétés bloc-structurelles (block structures), soit ces propriétés qui dépendent de relations entre des choses qui<br />

auraient des identités indépendamment de ces relations 104 . Ces dernières n’existent que si et seulement si les choses<br />

constituantes existent et sont reliées de certaines manières appropriées. Par exemple, une structure moléculaire<br />

serait une bloc-structure existant si et seulement si ses atomes constituants sont reliés de manière appropriée. Ces<br />

propriétés bloc-structurelles ne sont pas seulement dispositionnelles. Une structure atomique ou moléculaire peut<br />

exister si et seulement s’il est un atome ou une molécule disposés à se comporter d’une certaine manière dans<br />

conditions appropriées et préspécifiées, mais ce n’est pas là ce qui en fait un atome ou molécule de ce type. Son<br />

essence serait structurelle et non dispositionnelle, mais nous ne pourrions inférer cette structure que par le<br />

101<br />

Voir la lettre du 4 nov. 1916 à W. De Sitter où Einstein parle de « mein Verallgemeinerungsbedürfnis ».<br />

102 Le tout est documenté de manière fort intéressante dans H. OHANIAN, Einstein’s Mistakes, loc. cit.<br />

103 Cf. W. SALMON, « Causality without Counterfactuals », Philosophy of Science, 61, 2, juin 1994, p. 297-312.<br />

104 PN, p. 69.

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