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Remarques sur le projet essentialiste de Brian Ellis en Philosophie de la Nature | Philippe Gagnon<br />

Ellis s’est demandé si un monde autre que le nôtre pourrait être doté d’une ontologie plus riche. Sa réponse est<br />

négative. Imaginer un monde doté de quelques ingrédients de plus, c’est imaginer une espèce dans un genre, lequel<br />

serait toujours le monde dont nous faisons l’expérience. Les types naturels spécifiques y seraient différents tout au<br />

plus. La question alors est de se demander : si nous poussions cette ligne de raisonnement, est-ce que nous<br />

n’aboutirions pas à prendre le contre-pied de l’idée de désignateur rigide de Kripke, n’admettant pas que certaines<br />

entités resteraient identiques au cas où le monde ne connaîtrait pas de «miracle» majeur 69 , ce qui est requis pour que<br />

la raisonnement scientifique ait prise sur les choses ?<br />

Ellis nous fournira une importante précision en remarquant que la nécessité naturelle ne peut se définir<br />

simplement à partir de l’idée de vérité dans des mondes possibles suffisamment similaires, mais doit tout autant<br />

subir une épreuve de vérité. C’est à la nature des choses qu’on doit attribuer ultimement la nécessité naturelle, au<br />

contenu d’un monde, qu’il soit possible ou non 70 . En recensant certaines des objections qu’on lui fit, celle de J.<br />

Bigelow en particulier, qu’un énoncé tel que «s’il y avait une bière froide devant moi, je la boirais» n’est pas<br />

permissible parce qu’il requiert le même monde que celui dont nous avons l’expérience passée, mais avec presque<br />

rien de différent et qui donc contiendrait en plus un « petit miracle », Ellis rétorque qu’il n’est pas besoin de geler<br />

aussi rigidement le passé 71 . En demandant qu’on dégèle ce passé, il ouvre donc la porte à une exploration des<br />

possibles. Si cependant nous ne pouvons focaliser que sur le seul monde réel que nous connaissions, sous peine de<br />

délirer, c’est parce que, comme Thomas d’Aquin l’avait vu, la pluralité des mondes ne pourra toujours s’envisager<br />

qu’à partir d’une perspective une 72 . Si on peut faire varier légèrement le monde dans le but d’en explorer les<br />

possibles, et si le passé (dans une terminologie sur laquelle nous reviendrons) n’interdit pas entièrement la<br />

rétrodiction aveugle, on reste pris avec le problème de se demander où peut se trouver dans une telle vision la<br />

contingence inanalysable, celle qui correspond à notre besoin d’user de la causalité pour rendre compte du caractère<br />

irréversible de notre expérience consciente du monde ?<br />

Rappelons une fois de plus nos propos antérieurs sur la charge de l’électron. Intuitivement, la plupart<br />

pensent que c’est un fait contingent que des charges de même signe se repoussent. Pour Ellis, c’est une nécessité<br />

métaphysique. Si nous pensons parfois qu’une loi aurait pu être autre qu’elle ne l’est c’est, dira-t-il, parce que nous<br />

ne sommes pas de bons juges des possibilités métaphysiques et que nous sommes ainsi portés à penser que tout ce<br />

qui est concevable est possible. Pour lui, la concevabilité n’est pas un bon test de la possibilité. Cela dépend de nos<br />

capacités mentales, alors que ce qui est réellement possible dépend du type de monde que nous habitons 73 .<br />

Ellis tente de déjouer l’objection qui verrait dans son propos une inférence essentialiste indomptée en notant<br />

que son argumentation ne vise pas tel ou tel électron, mais plutôt l’assertion que, étant données des instances du<br />

type auquel ceux-ci appartiennent, il existera des instances spécifiques de certaines propriétés quantitatives qui se<br />

devront d’être instanciées. Si les électrons existent, leur masse et leur charge se devront d’exister avec eux 74 . Cela<br />

82<br />

MARZO<br />

2012<br />

69 Cf. S. PSILLOS, Causation and Explanation, Montréal/Kingston, McGill/Queens University Press, 2002, § 3.3.1, p. 92-96.<br />

70 SE, p. 277.<br />

71 SE, p. 281.<br />

72 Somme de théologie, I, qu. 47, a. 3, resp.<br />

73 SE, p. 54.<br />

74 Cf. SE, p. 276.

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