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Remarques sur le projet essentialiste de Brian Ellis en Philosophie de la Nature | Philippe Gagnon<br />

64<br />

ou que nous les ignorions. Si en revanche nous ne savons pas ce qu’est un homme non marié, nous ne saurons pas<br />

non plus ce qu’est un célibataire.<br />

Pourquoi, demandera-t-on, l’énoncé « les électrons sont de charge négative » n’est-il pas analytique ? La<br />

différence avec l’énoncé sur les célibataires est que, supposant que quelqu’un ignore qu’ils sont de charge négative,<br />

il ne s’ensuit pas qu’il doive ignorer entièrement ce que sont les électrons. Il n’est pas impossible — encore que<br />

cela serait étrange en réalité — de concevoir la situation de qui saurait qu’ils sont les plus légers des leptons, qu’ils<br />

sont émis lors de la désintégration β, sans savoir que leur charge est négative.<br />

Ellis n’hésitera pas à s’aventurer dans certaines des questions ouvertes de la logique modale tout autant que de<br />

l’ontologie. Reconnaissant la distinction entre deux types de nécessité, de re et de dicto, il insistera sur le fait que,<br />

puisque nous ne sommes pas autorisés à décréter nous-mêmes l’appartenance à un type, c’est que la nature se doit<br />

de l’avoir déjà fait. Pour lui donc, la nécessité de re serait la vraie nécessité métaphysique, alors que l’autre type de<br />

nécessité ne serait que de convention, celle des définitions, et plus généralement de ces vérités que l’épistémologie<br />

qualifie d’analytiques.<br />

La nécessité peut se dire de diverses manières. On peut parler d’une nécessité logique, d’une nécessité<br />

formelle ou d’une nécessité métaphysique. Une nécessité peut être hypothétique, ou absolue, c’est-à-dire<br />

nécessairement nécessaire comme dira la logique modale. Que peut bien être une nécessité métaphysique ? Elle se<br />

doit d’être un moyen terme entre d’une part une nécessité logique, dans laquelle en vertu de la considération même<br />

des termes ou des prémisses, on se doit de conclure, et d’autre part une pure et simple contingence.<br />

Ces remarques de Ellis appelleraient des considérations sur la méréologie et le holisme que nous ne pourront<br />

toutes livrer ici. Notons tout de même le holisme qui est lié à la situation du célibataire. On n’a pas souvent<br />

remarqué en effet que l’impossibilité de la traduction chez Quine, et son internalité de la signifiance, se monnaie sur<br />

un seul exemple de référence ostensive : quiconque, en présence d’un aborigène, verrait deux dindes et un lapin,<br />

puis deux poules et un lapin, saurait ce que veut dire « gavagai », à moins qu’on entre dans des nuances qui<br />

commencent à problématiser les contours des objets et les diverses manières possibles de se rapporter à eux. En fait,<br />

c’est là qu’est toute la question. Ellis ne veut pas que l’appartenance à un type soit décrétée par nous, mais<br />

uniquement par la nature. Seulement, à considérer successivement l’atome, la molécule, l’organe, etc. saurait-on<br />

dire avec tant d’aplomb où se trouvent les frontières de l’individualité ? Même dans notre expérience sensorielle<br />

macrophénoménale, sait-on si bien sans l’introduction d’un biais qu’est-ce qui différencie un cygne d’un canard 10 ?<br />

Ellis va se poser la question : si les propriétés des électrons sont P 1 , P 2 , P 3 , ... P n , l’électron ne sera-t-il pas ce<br />

qui a toutes ces propriétés ? Si donc P 1 était la propriété d’être négativement chargé, que les électrons aient charge<br />

négative ne serait-elle pas une proposition analytique ? Il répondra négativement, parce qu’une telle définition<br />

réelle est corrigeable, alors que la définition nominale (celle du célibataire) ne l’est pas. Ainsi admet-il sans<br />

difficulté que la recherche empirique puisse trouver que les électrons possèdent une des propriétés que nous<br />

considérons essentielle, et donc comme faisant partie de leur définition réelle. Si nous trouvions qu’ils diffèrent<br />

légèrement en masse, nous devrions admettre qu’ils peuvent différer en certaines manières. Peut-être même<br />

MARZO<br />

2012<br />

10 À propos du « ugly duckling theorem » de S. WATANABÉ, consulter Knowing and Guessing, New York, Wiley, 1969, p. 376-379.

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