10/05/2012 - Myclipp
10/05/2012 - Myclipp
10/05/2012 - Myclipp
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
le Suédois Olof Palme, l"Italien Bettino Craxi,<br />
l"Espagnol Felipe Gonzalez, le Portugais Mario<br />
Soares, le Danois Anker Joergensen, la veuve de<br />
Salvador Allende et l"ancien président sénégalais,<br />
Léopold Sédar Senghor, mais aussi les écrivains<br />
Federico Garcia Marquez, Julio Cortazar, Carlos<br />
Fuentes, Yachar Kemal, Elie Wiesel ou William Styron,<br />
les Prix Nobel Jean Dausset, Alfred Kastler, Louis<br />
Néel ou André Lwoff, la chanteuse Melina Mercouri, le<br />
chef d"orchestre Daniel Barenboïm, sans oublier<br />
l"écrivain et polémiste Jean-Edern Hallier, alors invité<br />
en bonne et due forme.Ces deux cents et quelques<br />
"amis" ont été conviés à l"Elysée, pour le premier<br />
déjeuner officiel de la gauche, en tenue de ville. Entre<br />
le bloc de foie gras des Landes et la blanquette<br />
bretonne aux perles de saumon, entre le Château<br />
d"Yquem 1966 et le Château Talbot 1970, pas de<br />
discours, mais une douce euphorie. Beaucoup<br />
pourtant, notera Jacques Attali, se sentent encore<br />
"perçus comme des parvenus".L"heure du café s"étire,<br />
sur la terrasse. Le président a la tête ailleurs. Dans<br />
l"après-midi, sa décision est prise: il charge le<br />
gouvernement de préparer pour le lendemain le décret<br />
de dissolution de l"Assemblée. "On ne peut pas<br />
attendre. Il faut nous donner vite les moyens de<br />
gouverner", tranche-t-il, contre la prudence que<br />
certains lui conseillent.ÉTAT DE GRÂCELes symboles<br />
et la politique, toujours. A 17 h 15, François Mitterrand<br />
est accueilli à l"Hôtel de Ville par le maire de la<br />
capitale. Pour rien au monde il ne se priverait de ce<br />
rituel républicain. Jacques Chirac a torpillé la<br />
campagne de Giscard et apparaît, déjà, comme le chef<br />
de l"opposition. Autant fixer, d"entrée de jeu, les règles<br />
du combat qui va les opposer. Et imposer sa<br />
prééminence. Téméraire, le maire recommande le<br />
"réalisme dans l"action". Souverain, le président lui<br />
Le Monde/ - Politique, Ter, 15 de Maio de <strong>2012</strong><br />
CLIPPING INTERNACIONAL (Conseil Constitutionnel)<br />
oppose ses engagements et sa légitimité.Les<br />
symboles, plus que la politique, enfin, lorsque François<br />
Mitterrand passe la Seine, remonte le boulevard<br />
Saint-Michel, descend de sa voiture au bas de la rue<br />
Soufflot et commence à monter, à pied, vers le<br />
Panthéon, une rose à la main, poussé par une foule<br />
immense, la clameur, les vivats, les drapeaux et<br />
L"Hymne à la joie de Beethoven, joué par l"Orchestre<br />
et les Ch?urs de Paris que dirige Daniel<br />
Barenboïm.Porté par cet état de grâce, François<br />
Mitterrand a atteint le parvis du Panthéon. Il en gravit<br />
seul les marches et disparaît dans la nef, éclairée par<br />
la lumière rasante des projecteurs de télévision. Il se<br />
dirige d"abord vers la crypte qui abrite le tombeau de<br />
Jean Moulin, s"y recueille, y dépose une rose. Puis il<br />
s"avance vers le tombeau de Jean Jaurès, enfin vers<br />
celui de Victor Sch?lcher.Plus tard, on moquera<br />
volontiers l"emphase de cette apothéose. Sur le<br />
moment, l"effusion est profonde. Des milliers de<br />
Parisiens sur place, des millions devant leur poste de<br />
télévision contiennent mal leur émotion.Mitterrand<br />
ressort du sanctuaire, comme en lévitation. Le temps<br />
s"éternise quelques minutes. Le ciel tourmenté finit par<br />
se déchirer. Et le peuple de Paris par rompre le cordon<br />
de police, aux dernières notes de La Marseillaise de<br />
Berlioz chantée par Placido Domingo. L"esplanade est<br />
envahie, le président emporté par la liesse, pressé<br />
jusqu"à l"étouffer.Il faudra vingt minutes à ses gardes<br />
du corps pour lui ouvrir le passage jusqu"à sa voiture.<br />
Assis sur le capot de sa voiture de service, un<br />
commissaire de police reprend son souffle : "Je ne<br />
savais pas que le patron était aimé à ce point. Ça va<br />
être du sport." Ce fut du sport, quatorze ans durant.<br />
Entre symboles et politique. Hier, comme aujourd"hui.<br />
282