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Le Monde/ - Politique, Ter, 15 de Maio de <strong>2012</strong><br />

CLIPPING INTERNACIONAL (Conseil Constitutionnel)<br />

En 1981, de l"Etoile au Panthéon, le sacre<br />

laïc du chef de la gauche<br />

Valéry Giscard d"Estaing et François Mitterrand le 21<br />

mai 1981. | AFP/STF<br />

Dès le 12 mai 1981, au surlendemain de sa victoire,<br />

François Mitterrand a convié André Rousselet et Jack<br />

Lang dans son "pigeonnier" du 22, rue de Bièvre, à<br />

Paris. Le premier fut son directeur de cabinet sous la<br />

IVe République et le sera à nouveau à l"Elysée, le<br />

second a su mobiliser la culture au service du candidat<br />

socialiste."Je réfléchis aux cérémonies d"entrée en<br />

fonction", leur confie-t-il. Certains, à gauche,<br />

recommandaient sérieux et discrétion. Mais, pour son<br />

sacre, l"homme du <strong>10</strong> mai veut le peuple et l"Histoire,<br />

le verbe et l"image, les symboles et la politique, les<br />

symboles de sa politique. Ce sera Elysée et Panthéon,<br />

Arc de triomphe et Quartier latin, rive gauche et rive<br />

droite, un condensé de tous ses désirs, de toutes ses<br />

ambitions. Ce sera le 21 mai.A 9 h 30, ce jeudi-là, la<br />

Peugeot 604 officielle, venue chercher le président élu<br />

à son domicile, pénètre dans la cour de l"Elysée.<br />

Valéry Giscard d"Estaing l"attend en haut des<br />

marches. Leur entretien dure trois quarts d"heure. Le<br />

sortant transmet à l"entrant le code d"engagement de<br />

la force nucléaire, lui livre quelques informations<br />

confidentielles - sur les tentatives de déstabilisation<br />

américaines du colonel libyen Kadhafi... -, lui<br />

recommande quelques-uns de ses collaborateurs.Et il<br />

ne peut s"empêcher de glisser un conseil : "Ne vous<br />

laissez pas enfermer ici, on est un peu prisonnier,<br />

vous verrez." Avant de le raccompagner sur le perron,<br />

Mitterrand réplique, impérial : "Monsieur le président,<br />

vous n"avez commis qu"une seule erreur dans votre<br />

campagne, celle de vous représenter. Personne ne<br />

pouvait m"empêcher d"être élu. Si vous ne vous étiez<br />

pas représenté, vous me succéderiez dans sept ans."<br />

Il n"entendra pas les insultes qui accueillent son<br />

prédécesseur, sorti à pied, du palais<br />

présidentiel.SOLENNITÉA 11 heures, sous les ors et<br />

les lustres de la salle des fêtes de l"Elysée, le<br />

vingt-et-unième président de la République française<br />

ne peut masquer l"émotion qui assourdit sa voix. "Je<br />

pense, dit-il, à ces millions et ces millions de femmes<br />

et d"hommes, ferment de notre peuple, qui, deux<br />

siècles durant, dans la paix et dans la guerre, par le<br />

travail et par le sang, ont façonné l"histoire de France<br />

sans y avoir accès que par de brèves et glorieuses<br />

fractures de notre société." Les vingt et un coups de<br />

canon tirés au Jardin des Tuileries scandent, au loin,<br />

la solennité de l"instant.Le silence est palpable.<br />

Mitterrand poursuit, lyrique : "C"est convaincre qui<br />

m"importe, non vaincre. Il n"y a qu"un vainqueur, c"est<br />

l"espoir...", celui de Jaurès, du Front populaire, de la<br />

Libération, l"espoir levé autrefois par Pierre Mendès<br />

France, qui est là, au premier rang, les larmes aux<br />

yeux. L"espoir enfin, désormais, de "changer la vie".<br />

Quatre minutes effacent vingt-trois ans<br />

d"opposition.Devant lui, toute sa France est<br />

rassemblée : famille, épouse, fils et frères, amis de<br />

toujours et de la guerre, grognards de la première<br />

heure, alliés et ralliés, "sabras" ou "quadras" d"Epinay,<br />

futures éminences que le président élu a reçues à son<br />

domicile depuis dix jours, sondant les ambitions et les<br />

talents, entretenant le mystère pour mieux former, à sa<br />

main, équipes et gouvernement.Charente natale,<br />

Nièvre d"implantation, Landes d"adoption : les élus de<br />

tous ses ports d"attache ont été invités. Tout comme<br />

les dignitaires de l"Assemblée et du Sénat, conduits<br />

par Jacques Chaban-Delmas et Alain Poher, quelques<br />

barons gaullistes, une délégation du Conseil de Paris,<br />

Jacques Chirac en tête, les autorités religieuses ou<br />

universitaires, le conseil de l"ordre de la Libération,<br />

sans oublier les membres du Conseil constitutionnel,<br />

dont le président, Roger Frey, vient de proclamer<br />

officiellement le résultat de l"élection<br />

présidentielle.SYMBOLES ET POLITIQUEAprès la<br />

gravité du discours inaugural, le scénario de la journée<br />

jouera de tous les registres. La souveraineté, d"abord.<br />

Pendant que, dans le parc de l"Elysée, le chef de<br />

l"Etat passe pour la première fois en revue la garde<br />

d"honneur du palais, Pierre Bérégovoy, l"ancien<br />

ouvrier fraiseur, prend ses fonctions de secrétaire<br />

général de la présidence, et annonce la nomination de<br />

Pierre Mauroy à Matignon.C"est d"ailleurs<br />

accompagné de son premier ministre que François<br />

Mitterrand remonte, ensuite, les Champs-Elysées dans<br />

la Citroën SM présidentielle décapotée. Mauroy,<br />

inquiet, tente d"alerter le président : en dix jours, un<br />

tiers des réserves en devises de la Banque de France<br />

se sont envolées pour défendre le franc ; il faut<br />

dévaluer. "On ne va pas mêler les genres...", élude le<br />

chef de l"Etat, qui n"entend pas gâcher son plaisir,<br />

bombe le torse et salue la foule qui<br />

l"acclame.Symboles et politique, encore, au pied de<br />

l"Arc de triomphe. Ravivage de la flamme, gerbe sur le<br />

tombeau du Soldat inconnu, sonnerie aux morts,<br />

Marseillaise, salut aux anciens combattants: les gestes<br />

sont convenus. Le public l"est moins. Anciens et<br />

nouveaux dignitaires de la République ont été rejoints,<br />

en effet, par le gotha de l"Internationale socialiste et<br />

une pléiade d"intellectuels et d"artistes.Tous ou<br />

presque ont répondu présent : l"Allemand Willy Brandt,<br />

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