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YEARBOOK OF THE ALAMIRE FOUNDATION

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222 PHILIPPE CANGUILHEM<br />

Le Titien et Paolo Giovio ressemblent beaucoup à celui qui est brossé ici par le poète<br />

anonyme. 35 A la mort du pape en 1534, Hippolyte prit la tête des exilés républicains<br />

dans leur tentative de démettre son cousin Alexandre du trône de Florence. Mais alors<br />

qu’il allait défendre sa cause et celle de ses partisans auprès de l’empereur Charles-<br />

Quint qui séjournait à Naples en août 1535, il meurt subitement en route, pris par des<br />

coliques suspectes. Tous les contemporains étaient persuadés que seul l’empoisonnement<br />

pouvait être responsable de cette mort prématurée, et une rumeur insistante<br />

voulait que le duc Alexandre en fut le commanditaire. 36 Ainsi, mort à vingt-quatre<br />

ans, victime d’une guerre civile, Hippolyte a toutes les chances d’être le personnage<br />

chanté dans ces trois madrigaux. Cette hypothèse trouve d’ailleurs un appui bienvenu<br />

dans un passage du premier sonnet, dans lequel le poète se réfère à la fin de ses<br />

espoirs (Speranze acerbemente spente): cette référence s’explique aisément lorsqu’on<br />

sait qu’après 1534, tous les espoirs des fuorusciti modérés étaient placés en Hippolyte.<br />

37<br />

Ainsi, ces trois madrigaux constituent à ma connaissance l’unique souvenir musical<br />

du brillant cardinal, qui fut pourtant un grand protecteur de musiciens, au nombre<br />

desquels figure le célèbre luthiste Francesco da Milano. 38 La présence de ces pièces<br />

35 Il n’existe à ma connaissance aucune synthèse qui évalue le mécénat d’Hippolyte, dont la cour était<br />

«ripiena di Letterati, di musici e di uomini eccellenti, e famosi», selon un témoin de l’époque cité dans<br />

l’article d’A. CUMMINGS, Three Gigli: Medici Musical Patronage in the Early Cinquecento, dans<br />

Recercare, 15 (2003), p. 62, qui propose une mise au point sur le mécénat musical du cardinal. Je<br />

remercie Anthony Cummings de m’avoir communiqué son travail avant sa publication. Le même auteur<br />

avait déjà abordé le sujet (et inclus les portraits du Titien et de Paolo Giovio) dans son livre, CUM-<br />

MINGS, The Politicized Muse, pp. 227–228. Si mon hypothèse s’avère exacte, le poète pourrait être<br />

l’un des deux secrétaires particuliers d’Hippolyte, Claudio Tolomei ou Francesco Maria Molza. A<br />

propos des hommages posthumes, L’Arétin a formulé un avis très clair: ceux qui les écrivent ont été<br />

employés par ceux dont ils font l’éloge. Ainsi, lorsqu’on lui demande de contribuer au tombeau de<br />

Marguerite de Navarre, il répond: «circa il far’io qualche memoria della di Navarra Reina non parlo;<br />

imperoché, chi delle sue carità gode ciò dee et n’ha obligo, et non quegli che non ne ritrasser’ mai<br />

nulla, nè sperano». Cité par COOPER, Litterae in tempore belli, p. 203.<br />

36 A titre d’exemple, voici les nouvelles que reçoit le nonce du pape en France, à la date du 12 août 1535.<br />

Après l’avoir averti de la mort d’Hippolyte, son informateur romain ajoute: «La qual’morte certo […]<br />

è molto dispiaciutta a tutti, ma molto più il modo qual dicono esser stato di veneno venuto di Fiorenza<br />

et propinato per il suo scalco secreto chiamato G. Andrea de casa […] il quale arrivara qui domani prigione».<br />

J. LESTOCQUOY éd., Correspondance des nonces en France. Carpi et Ferrerio 1535–1540,<br />

Rome–Paris, 1961, p. 60. Le 2 septembre, le nonce Carpi répond qu’à la cour de France, la culpabilité<br />

d’Alexandre est tenue pour chose certaine (p. 67).<br />

37 Voir entre autres VON ALBERTINI, Firenze dalla repubblica al principato, p. 204.<br />

38 Le violiste Giovanni Battista Sansone, dit «il siciliano», et le claveciniste Lorenzo da Gaeta étaient<br />

également à son service. Voir CUMMINGS, Three Gigli, pp. 63–69. Cet intérêt pour la musique instrumentale<br />

n’était pas exclusif, comme le rappelle Giovanni Andrea Gilio da Fabriano en 1564: «Hebbe<br />

musici di voce, e di suoni i primi d’Italia» (cité par CUMMINGS, Three Gigli, p. 64). A part cette<br />

phrase, rien n’avait jusqu’à présent été trouvé concernant Hippolyte et la musique vocale, profane ou<br />

religieuse. A l’instar du poète, le compositeur de ces trois madrigaux pourrait bien avoir été employé<br />

– même occasionnellement – par le jeune cardinal.

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