YEARBOOK OF THE ALAMIRE FOUNDATION
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216 PHILIPPE CANGUILHEM<br />
Le premier madrigal devait être particulièrement apprécié à la cour de Cosme puisqu’il<br />
se trouve copié par Masacone dans les deux manuscrits, Corsini et Civ1. 25<br />
Deh quella verd’etate et quei fresc’anni<br />
Ov’il rio fals’ancor la ria menzogna<br />
Non di rossa vergogna<br />
Ne’ volti dipingea gli ascos’inganni<br />
Torna, deh’ torn’homai Signior cortese<br />
Et mille gravi danni et mille errori<br />
Dagl’indurati quori<br />
Faccend’il ver palese<br />
Scaccia et ben mille oltraggi<br />
et mill’offese<br />
Hélas, la verte saison<br />
et les fraîches années<br />
Où la fausseté, les mauvais mensonges<br />
Et les tromperies cachées<br />
Ne peignaient pas les visages<br />
de honte rouge.<br />
Reviens, reviens à présent<br />
Seigneur aimable<br />
Chasser mille lourds dommages,<br />
mille erreurs<br />
Des cœurs endurcis<br />
Et rendre la vérité manifeste<br />
En chassant mille outrages<br />
et mille offenses<br />
Voici typiquement le cas d’un texte qui peut être interprété de différentes manières,<br />
qui peuvent conduire à des versions radicalement opposées. En effet, dans le contexte<br />
florentin de l’époque, le «signior cortese» (ou «beato» selon une variante qui figure<br />
dans la partie d’altus) ici invoqué comme juge de paix dans un contexte particulièrement<br />
tendu pourrait fort bien être Jérôme Savonarole, l’instigateur de la république<br />
de 1494, exécuté dès 1498, mais qui avait gardé de nombreux partisans à Florence,<br />
appelés les Piagnoni (les pleurnicheurs). 26 L’un de ceux-ci pourrait très bien être l’auteur<br />
du texte, écrit semble-t-il à une période de déchirements internes et d’extrêmes<br />
tensions, et l’on connaît les efforts de Savonarole pour ramener la paix civile et la<br />
concorde parmi les habitants de Florence. 27 C’est ici que la connaissance des destinataires<br />
des sources qui ont transmis ces textes est primordiale: si la période évoquée<br />
concerne sans doute la dernière république florentine, entre 1527 et 1530, il est en<br />
effet bien plus probable que le «signor» en question soit un Médicis, et non un républicain.<br />
L’atmosphère de méfiance et de crise aiguë qui régnait alors à Florence, notamment<br />
après 1529, lors du siège de la ville par les troupes impériales est abondam-<br />
25 Corsini n° 33, Civ1 n° 17.<br />
26 Pour un rapide survol des rapports entre Savonarole et la musique, on lira avec profit l’introduction de<br />
Patrick Macey à son édition: P. MACEY, Savonarolan Laude, Motets, and Anthems, pp. ix–xxi, et la<br />
bibliographie citée. Voir aussi P. MACEY, Bonfire Songs. Savonarola’s Musical Legacy, Oxford, 1998.<br />
27 Voir VON ALBERTINI, Firenze dalla repubblica al principato, pp. 11–15.