YEARBOOK OF THE ALAMIRE FOUNDATION
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208 PHILIPPE CANGUILHEM<br />
niers qui nous intéressent ici, et bien qu’ils aient été copiés à une date tardive (entre<br />
1550 et 1560), le répertoire ancien qu’ils contiennent, le fait qu’ils aient une destination<br />
privée et la personnalité du copiste constituent autant d’arguments qui permettent<br />
de les rattacher à la tradition des manuscrits cités ci-dessus. Ces sources étant<br />
fort méconnues, une rapide présentation permettra de situer leur contexte, préalable<br />
indispensable à toute lecture des pièces «politiques» qu’ils renferment. 7<br />
Le premier des deux manuscrits de Masacone qui nous intéressent est conservé<br />
en Italie, à la bibliothèque municipale de Civitanova Marche (Civitanova Marche,<br />
Biblioteca Comunale, Ms ss 1). La même bibliothèque possède la partie de tenor d’un<br />
deuxième manuscrit (Civitanova Marche, Biblioteca Comunale, Ms ss 2), qui a heureusement<br />
pu être complété par les parties de cantus et de bassus conservées à la<br />
Bibliothèque nationale de France à Paris (Paris, Bibliothèque nationale de France,<br />
Rés Vm7 682), tandis que l’altus a pu être localisé à la Newberry Library de Chicago<br />
(Chicago, Newberry Library, Ms 5051). Ces deux manuscrits différents, mais rédigés<br />
par le même copiste à quelques années d’intervalle, contiennent un répertoire essentiellement<br />
florentin: des madrigaux (et quelques motets) composés par Arcadelt,<br />
Verdelot, Corteccia ou Layolle entre 1520 et 1540, ainsi qu’un nombre élevé de pièces<br />
anonymes inédites.<br />
Le premier manuscrit porte sur la couverture de la partie de tenor les armoiries<br />
des Médicis, les fameuses palle: si le nom du destinataire n’a pas survécu, il paraît<br />
probable qu’il ait gravité dans l’entourage de la cour de Cosme 1 er . Le deuxième<br />
manuscrit, en tous points semblable (même copiste, mêmes caractéristiques paléographiques,<br />
même répertoire), porte sur la couverture de la partie de bassus le nom<br />
de son propriétaire, Lorenzo Corsini, et celui d’un dédicataire, Piero del Corteccia.<br />
Les premières recherches ont montré que Corsini, né en 1533, était bien introduit à<br />
la cour de Cosme; il deviendra en 1594 le beau-père de Jacopo Corsi, l’un des principaux<br />
promoteurs de l’opéra florentin. Quant à Piero, neveu et élève du célèbre<br />
Francesco Corteccia, il était collègue de Masacone à la chapelle de la cathédrale et<br />
chanteur en vue à la cour. Le nom du copiste, quant à lui, apparaît en initiales sur la<br />
couverture de la partie d’altus. En résumé, ces deux manuscrits (désormais appelés<br />
Civ1 et Corsini) donnent accès à un répertoire «officiel», celui qui était en vogue à<br />
la cour de Cosme dans la première décennie de son règne. Ceci peut sans doute expliquer<br />
pourquoi les tumultes qui ont agité Florence dans les années qui ont précédé sa<br />
prise de pouvoir, en 1537, trouvent un écho prononcé dans certains des madrigaux<br />
copiés dans ces deux sources. En effet, les deux manuscrits présentent une véritable<br />
chronique de la vie publique italienne, et tout particulièrement florentine, des années<br />
1520 à 1540, comme le montre le tableau récapitulatif suivant:<br />
7 Les deux manuscrits qui contiennent les œuvres discutées ici font l’objet d’une présentation détaillée<br />
dans mon article Les libri di canzone de Lorenzo Corsini et le madrigal à Florence au milieu du XVI e<br />
siècle, à paraître en anglais, dans Early Music History, 24 (2005).