YEARBOOK OF THE ALAMIRE FOUNDATION
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MUSIQUE ET POLITIQUE À FLORENCE<br />
Pour pouvoir atteindre ce but, l’identification de ce propriétaire aurait sans aucun<br />
doute été d’un grand secours, mais en l’absence de certitudes de ce côté-là, les spécialistes<br />
ont dû se tourner vers l’interprétation des textes des motets contenus dans<br />
le manuscrit, avec des résultats contrastés. Le manuscrit de la Biblioteca Vallicelliana<br />
a en effet provoqué une controverse musicologique qui s’est cristallisée sur l’interprétation<br />
politique de son contenu: fallait-il voir dans cette source copiée vers 1532<br />
la marque des Médicis (et de Clément VII en particulier), ou au contraire reflétaitelle<br />
des prises de position républicaines du fait des nombreuses œuvres savonaroliennes<br />
qu’elle contient? Aujourd’hui encore, le débat n’est pas clos, en partie à cause<br />
de l’incertitude qui règne sur le véritable destinataire du manuscrit. 4 Celui-ci ne<br />
constitue d’ailleurs pas l’unique document qui témoigne du rôle actif que la musique<br />
a pu tenir à Florence durant ces époques troublées. Il faut notamment relever l’existence<br />
d’un autre manuscrit copié à la même période (Chicago, Newberry Library,<br />
Case MS-VM 1578.M91), dont l’orientation politique ne fait en revanche aucun<br />
doute: conçu comme un cadeau pour le roi d’Angleterre Henry VIII de la part des<br />
républicains assiégés, il témoigne des efforts de ces derniers pour s’attacher des<br />
alliances politiques nouvelles en des temps difficiles, et contient plusieurs motets aux<br />
accents savonaroliens. 5<br />
Le copiste à qui cette tâche avait été confiée se trouve être également responsable<br />
de la rédaction de deux manuscrits copiés une vingtaine d’années plus tard,<br />
dont le contenu politique fait l’objet de la présente étude. Giovan Pietro Masacone<br />
(1497–1573), chanteur à la cathédrale et au baptistère de Florence depuis son enfance<br />
jusqu’à sa mort, était également compositeur occasionnel, et surtout copiste, compilant<br />
aussi bien des livres de chœur pour les chanteurs de la cathédrale que des manuscrits<br />
de madrigaux pour le divertissement de la noblesse florentine. 6 Ce sont ces der-<br />
4 Un résumé de la controverse ayant opposé Anne-Marie Bragard à Edward Lowinsky et H. Colin Slim<br />
se trouve aux pages 128–129 du livre de I. FENLON et J. HAAR, The Italian Madrigal in the Early<br />
Sixteenth Century. Sources and Interpretation, Cambridge, 1988. Edward Lowinsky, enfin, a discuté la<br />
proposition de ces deux auteurs consistant à attribuer la propriété de manuscrit à Roberto Pucci dans la<br />
réédition de son article qui se trouve dans LOWINSKY, Music in the Culture of the Renaissance, p. 482.<br />
5 Le manuscrit a été étudié et édité par H.C. SLIM, A Gift of Madrigals and Motets, 2 vols., Chicago,<br />
1972. La partie d’altus manquante fut retrouvée quelques années plus tard à Sutton Coldfield, Oscott<br />
College, MS Case B N°4 et publiée par le même auteur: H.C. SLIM, Ten Altus Parts at Oscott College,<br />
Sutton Coldfield, Santa Ana, California, 1978. Parmi les nombreux essais qui ont abordé les rapports<br />
de la musique et de la politique à Florence à cette période, on relèvera en particulier ceux de D. HARRÁN,<br />
The ‘Sack of Rome’ Set to Music, dans Renaissance Quarterly, 23 (1970), pp. 412–421; J. HAAR,<br />
Madrigals from the Last Florentine Republic, dans S. BERTELLI et G. RAMAKUS éds., Essays Presented<br />
to Myron P. Gilmore, 2, Florence, 1978, pp. 383–403; A.M. CUMMINGS, The Politicized Muse.<br />
Music for Medici Festivals, 1512–1537, Princeton, 1992; M. FROMSON, Themes of Exile in Willaert’s<br />
Musica nova, dans Journal of the American Musicological Society, 47 (1994), pp. 442–487; et P. MACEY,<br />
Savonarolan Laude, Motets, and Anthems, (Recent Researches in the Music of the Renaissance, 116),<br />
Madison, 1999.<br />
6 Sur Masacone, voir M. FABBRI, La vita e l’ignota opera-prima di Francesco Corteccia musicista italiano<br />
del Rinascimento, dans Chigiana, 22 (1965), pp. 208–209, note 85; et FENLON et HAAR, The<br />
Italian Madrigal in the Early Sixteenth Century, pp. 123–125.<br />
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