YEARBOOK OF THE ALAMIRE FOUNDATION
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MUSIQUE ET POLITIQUE À FLORENCE DANS<br />
LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XVIE SIÈCLE:<br />
LE STATUT DU MADRIGAL À LA LUMIÈRE DE NOUVELLES SOURCES *<br />
Philippe Canguilhem<br />
Université de Toulouse-Le-Mirail<br />
Les guerres d’Italie marquent pour Florence le début d’une des périodes les plus mouvementées<br />
de son histoire. Toute la péninsule italienne a certes souffert des invasions<br />
françaises et des réactions qu’elles ont provoquées, mais Florence a payé un tribut<br />
particulièrement lourd, et a connu de nombreux bouleversements institutionnels<br />
depuis 1494 (date de l’arrivée de Charles VIII dans la ville) jusqu’à 1537, lorsque<br />
Cosme 1 er installe définitivement les Médicis au pouvoir. Revirements brusques d’alliances<br />
politiques, coups d’états manqués, assassinats, révoltes populaires et guerre<br />
civile reflètent l’agitation de la vie politique florentine de cette période, qui balance<br />
entre les aspirations républicaines et le contrôle des institutions par les Médicis (voir<br />
Table 1). 1<br />
La musique s’est naturellement fait l’écho de ces tumultes. Parmi les nombreuses<br />
pièces – principalement des motets – qui accompagnent ou commentent la vie<br />
publique à la Renaissance, nous en avons conservé certaines qui concernent la situation<br />
florentine. Exceptionnelles ou banales, elles témoignent du rôle important que<br />
la musique pouvait tenir dans l’affirmation du pouvoir temporel: instrument de propagande<br />
ou simple ornement festif, la musique occupe une place à part en raison de<br />
son aptitude à transmettre un texte avec une force de persuasion peu commune. 2<br />
Exceptionnelles, à l’image du motet de Costanzo Festa Florentia tempus est penitentie,<br />
composé vers 1528 alors que le compositeur se trouve au service d’un membre<br />
éminent de la famille des Médicis, le pape Clément VII. Cette adresse à la ville de<br />
Florence – alors aux mains du camp républicain – afin qu’elle revienne dans le droit<br />
chemin et se rende au pape Clément n’a pas été imprimée, mais copiée dans un manu-<br />
* Une partie des recherches qui ont mené à la rédaction du présent article ont été conduites grâce à une<br />
bourse offerte par la Newberry Library de Chicago. D’autre part, je remercie Philippe Vendrix d’avoir<br />
accepté de relire une première version de cet essai, qui a pu bénéficier de ses précieux et utiles conseils.<br />
1 On trouvera un tableau général de la situation dans le premier chapitre de F. DIAZ, Il granducato di<br />
Toscana. I Medici, Turin, 1987; pour un traitement exhaustif du sujet, voir l’excellent essai de R. VON<br />
ALBERTINI, Firenze dalla repubblica al principato, Turin, 1970, 2/1995 [éd. originale en allemand,<br />
Berne, 1955].<br />
2 Sur les motets et la politique au XVI e siècle, l’ouvrage de référence est celui d’A. DUNNING, Die<br />
Staatsmotette, 1480–1555, Utrecht, 1970. On lira une belle étude de cas, plus récente, sur le même<br />
sujet, écrite par G. NUGENT, Anti-Protestant Music for Sixteenth-Century Ferrara, dans Journal of<br />
the American Musicological Society, 43 (1990), pp. 228–291.<br />
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