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Comment hier, aujourd’hui et demain<br />
les Églises contribuent-elles<br />
à la vérité, à la justice et à la paix<br />
en <strong>Ukraine</strong> ?
<strong>Propositions</strong><br />
séminaire de recherche :<br />
« Comment soutenir les Églises en <strong>Ukraine</strong>,<br />
aider les institutions ecclésiales à se réformer,<br />
et contribuer à la paix en Europe ? »<br />
initié par :<br />
le Collège des Bernardins et l’Institut chrétiens d’Orient<br />
en partenariat avec :<br />
l’Église gréco-catholique ukrainienne et Pax Christi France
Le séminaire « Comment soutenir les Églises en <strong>Ukraine</strong>, aider<br />
les institutions ecclésiales à se réformer, et contribuer à la<br />
paix en Europe ? » du collège des Bernardins<br />
Ce séminaire s’est tenu au Collège des<br />
Bernardins de janvier à juin 2024 avec l’Institut<br />
chrétiens d’Orient, Pax Christi, l’Église grécocatholique<br />
ukrainienne et le Collège des<br />
Bernardins. Il a réuni une quarantaine de<br />
chercheurs et experts et s’est conclu le 4 juin par<br />
une soirée de présentation des travaux, ouverte à<br />
tous, au Collège des Bernardins[1].<br />
Cette recherche s’inscrit en continuité avec le<br />
séminaire, tenu en 2023, aux Bernardins sur le<br />
thème « Comment soutenir l’<strong>Ukraine</strong> et<br />
reconstruire la paix en Europe ? »[2]. Ce dernier<br />
avait abouti à 18 propositions pour soutenir<br />
l’<strong>Ukraine</strong> et reconstruire la paix. La 14ème de ces<br />
propositions suggérait de « favoriser des<br />
rencontres œcuméniques entre les Églises et les<br />
différentes religions traditionnelles en <strong>Ukraine</strong>, afin<br />
de trouver des issues aux conflits existants d’ordre<br />
théologico-politique, historiographique et<br />
ecclésiologique ».<br />
On trouvera en annexe le programme des<br />
séances et la problématique générale du<br />
séminaire de 2024[3].<br />
On pourra lire également dans un livre à paraître<br />
un certain nombre des interventions qui y furent<br />
présentées :<br />
Mgr Hlib Lonchyna<br />
« Le rôle des Églises catholiques ukrainiennes<br />
pour établir la paix en <strong>Ukraine</strong> »<br />
Père Ihor Rantsya<br />
« L’ecclésiologie des Églises ukrainiennes et<br />
l’œcuménisme ukrainien : leur rôle dans la<br />
construction d’une paix juste »<br />
Serhii Shumylo<br />
« La crise de l'orthodoxie ukrainienne :<br />
tendances, défis et moyens de les surmonter »<br />
André Veriter<br />
« Peut-on juger l’engagement du patriarcat de<br />
Moscoudans la guerre ? »<br />
Serhii Shumylo<br />
Le « fascisme ordinaire» ou le monde russe du<br />
patriarche Kirill<br />
William Tompson<br />
« Que penserde la position du Conseil<br />
œcuménique des Églises à l’égard de l’<strong>Ukraine</strong> »<br />
?<br />
Vlatko Maric<br />
« Comment l’ecclésiologie et la science<br />
œcuménique peuvent-elles contribuer aux<br />
bonnes relations et à la réconciliation entre les<br />
Églises en <strong>Ukraine</strong> ? »<br />
Nous encourageons nos lecteurs à lire ces textes<br />
qui permettent de comprendre le rôle des Églises<br />
en <strong>Ukraine</strong> en faveur de la paix, la crise profonde<br />
de l’Église orthodoxe russe, mais aussi la<br />
difficulté des Églises dans le monde à se<br />
positionner de façon adéquate et utile pour le<br />
processus de résolution du conflit.<br />
[1]https://www.collegedesbernardins.fr/agenda/les-Églises-lukraine-et-lapaix<br />
[2]https://www.yumpu.com/fr/document/view/68275924/livre-cdb-propukraine-web<br />
[3]https://www.collegedesbernardins.fr/seminaires/les-Églises-lukraine-et-lapaix<br />
Dans cette introduction, le conseil scientifique du<br />
séminaire souhaite présenter ses propositions de<br />
construction de la paix en s’adressant tout<br />
particulièrement aux opinions publiques<br />
occidentales, aux Églises dans le monde et aux<br />
Églises en <strong>Ukraine</strong>.
Avant de formuler nos propositions, nous<br />
souhaitons indiquer à nos lecteurs un certain<br />
nombre de textes importants indispensables à la<br />
compréhension du conflit.<br />
Pour commencer, il est important de mentionner<br />
un document accablant pour l’Église orthodoxe<br />
russe intitulé« Présent et Futur du Monde Russe<br />
»[4]. publié par le Patriarcat de Moscou le 27<br />
mars 2024, suite à l’Assemblée du Congrès<br />
Mondial du Peuple Russe[5].. Cette assemblée<br />
avait approuvé le document de synthèse issu de<br />
son XXVème Congrès de novembre 2023 en<br />
présence du patriarche Kirill Goundiaev et avec la<br />
participation à distance du président Poutine. Ce<br />
texte ne se contente plus d’une position de<br />
soutien de l’Église orthodoxe à « l’opération<br />
militaire spéciale» déclenchée par la Russie en<br />
février 2022. Il revendique un rôle « moteur » en<br />
déclarant que celle-ci est non seulement juste<br />
mais aussi « sacrée » parce que : permettant une<br />
« libération nationale » contre le « régime criminel<br />
ukrainien » et ses soutiens de « l’Occident<br />
collectif » ; réalisant le droit inaliénable des<br />
peuples russes à vivre dans un seul État ;<br />
résultant d’un combat « spirituel » contre «<br />
l’agression du globalisme » imposé par l’Occident<br />
tombé dans le « satanisme » ; aboutissant à ce<br />
que le territoire de l’<strong>Ukraine</strong> devienne une « zone<br />
d’influence exclusive » de la Russie, afin de<br />
rendre impossible à l’avenir toute « russophobie<br />
».<br />
(4)« L’opération militaire spéciale constitue une nouvelle étape dans la<br />
lutte nationale du peuple russe, menée depuis 2014 et ayant pour but de<br />
libérer les terres du sud-ouest de la Grande Russie du régime criminel de<br />
Kiev et de l’Occident collectif qui le soutient. Durant l’Opération militaire<br />
spéciale, le peuple russe, les armes à la main, défend sa vie, sa liberté, sa<br />
souveraineté, son identité civilisationnelle, religieuse, nationale et<br />
culturelle, ainsi que le droit de vivre sur sa propre terre à l’intérieur des<br />
frontières d’un seul État russe réuni. Du point de vue spirituel et moral,<br />
l’Opération militaire spéciale est une Guerre sainte, dans laquelle la Russie<br />
et son peuple, défendant l’espace spirituel uni de la Sainte Russie, remplit<br />
la mission de « katékhon », protégeant le monde des assauts du<br />
globalisme et de la victoire de l’Occident tombé dans le satanisme. Après<br />
la fin de l’Opération militaire spéciale, l’ensemble du territoire actuel de<br />
l’<strong>Ukraine</strong> devra entrer dans la zone d’influence exclusive de la Russie. La<br />
possibilité de l’existence sur ce territoire d’un régime politique russophobe<br />
hostile à la Russie et à son peuple, ainsi que d’un régime politique contrôlé<br />
depuis un centre extérieur hostile à la Russie, doit être totalement exclue<br />
». https://parlonsorthodoxie.wordpress.com/2024/04/03/traduction-dubilan-de-lordre-du-concile-populaire-mondial-<br />
de-russie/<br />
(5)« A Moscou, le patriarche Kirillmultiplie les surenchères verbales pour<br />
retrouverl’influence perdue » (lemonde.fr)<br />
Ce texte a poussé le Parlement Estonien à voter<br />
une résolution[6] déclarant le Patriarcat de<br />
Moscou comme une institution « soutenant le<br />
crime d’agression du régime terroriste Russe », et<br />
appelant les Églises encore rattachées au<br />
patriarcat de Moscou à rompre leurs liens y<br />
compris canoniques.<br />
En contraste avec le document de l’Église russe,<br />
on pourra lire le document adopté par l’ensemble<br />
des Églises et des organisations religieuses en<br />
<strong>Ukraine</strong>, dès le 22 novembre 2017, intitulé «<br />
L'<strong>Ukraine</strong> est notre maison commune : Stratégie<br />
de participation des Églises à la consolidation de<br />
la paix ». Ce texte recommande de prendre les<br />
mesures de maintien de la paix suivantes :<br />
« - prier pour la paix en <strong>Ukraine</strong>, pour guérir et<br />
surmonter les divisions sociales, pour restaurer la<br />
justice et l'État de droit ;<br />
- s'abstenir de recourir à des discours de haine<br />
les uns contre les autres, y compris contre les<br />
représentants d'autres confessions,<br />
communautés, groupes sociaux, partis politiques<br />
et autorités ;<br />
-développer la coopération interconfessionnelle<br />
dans divers domaines visant à établir la justice et<br />
à construire la paix (exemple positif : les activités<br />
de la mission interconfessionnelle «Prise en<br />
charge spirituelle et caritative dans les lieux de<br />
privation de liberté ») ;<br />
-créer une culture de coopération œcuménique et<br />
interreligieuse dans la société au bénéfice de tous<br />
les concitoyens, encourager les initiatives<br />
positives et célébrer l'expérience positive de la<br />
coopération ».<br />
(6)https://news.err.ee/1609333857/estonian-parliament-slams-moscoworthodox-church-backing-russian<br />
aggression#:~:text=The%20Riigikogu%20on%20Monday%20passed,instit<br />
ution%20sponsoring%20Russia's%20mil itary%20aggression.
Enfin, nous recommandons la lecture de deux<br />
documents importants, l’un adressé par des laïcs<br />
chrétiens à l’ensemble des chefs d’Église[7] et<br />
demandant une action plus vigoureuse de<br />
condamnation des agissements du patriarcat de<br />
Moscou par ces Églises. De fait l’Église de Russie<br />
continue à être reconnue comme une institution<br />
ecclésiale, alors que sa hiérarchie est devenue le<br />
service de propagande de l’État russe. Le texte<br />
signé par plus de 350 intellectuels chrétiens et<br />
publié par le site Publicorthodoxy dit ceci en<br />
particulier :<br />
« Il ne suffit pas de condamner la guerre en<br />
<strong>Ukraine</strong>. Il ne suffit pas d’appeler au cessez-lefeu<br />
et, plus généralement, d’appeler à la paix. Il<br />
est désormais nécessaire de faire la lumière sur<br />
la véritable cause de la guerre ; il est nécessaire<br />
de déterminer qui l'a déclenchée afin d'évaluer les<br />
actions criminelles pour ce qu'elles sont. Pas un<br />
seul évêque de la Fédération de Russie n’a<br />
prêché la paix au cours des deux dernières<br />
années de guerre, mais beaucoup d’entre eux<br />
prient et prêchent pour la victoire de la Russie sur<br />
l’<strong>Ukraine</strong>. Quelle honte pour l’Église orthodoxe la<br />
plus importante du monde moderne ! Et le reste<br />
du monde chrétien institutionnel reste silencieux.<br />
Devons-nous dire que nous sommes au point où<br />
le silence devient acceptation ? Nous croyons<br />
fermement que les dirigeants chrétiens sont<br />
appelés à reconnaître leur ministère avant tout<br />
comme un ministère prophétique, et cela suppose<br />
qu'ils soient capables d'affronter le mal, en faisant<br />
preuve de sagesse, de justice et de courage »[8].<br />
.<br />
(7) « à Sa Sainteté Bartholomée, Archevêque de Constantinople, de la<br />
Nouvelle Rome et Patriarche œcuménique ; le Saint-Père François, Pape<br />
de l’Église catholique ; Sa Sainteté Garegin, Primat et Catholicos de tous<br />
les Arméniens ; Sa Grâce Justin Welby, Archevêque de Canterbury,<br />
Primat de toute l’Angleterre et Chef de la Communion anglicane ; Le<br />
révérend Panti Filibus Musa, Archevêque de l'Église luthérienne du Christ<br />
au Nigéria, Président de la Fédération luthérienne mondiale ; Mme Najla<br />
Kassab Abousawan, Présidente de la Communion mondiale des Églises<br />
réformées (CMER) ; Pasteur Jerry Pillay, Secrétaire général du Conseil<br />
œcuménique des Églises<br />
(8) Open Letter: War in <strong>Ukraine</strong> and the Russian Church- Public Orthodoxy<br />
Le second texte - celui, signé le 14 février 2024<br />
par Mgr Sviatoslav Shevchuk, archevêque majeur<br />
de l’Église gréco-catholique ukrainienne, est à ce<br />
jour le seul document proprement ecclésial<br />
portant une analyse réfléchie des événements et<br />
suggérant des voies de sortie du conflit. Dédié au<br />
thème de « la guerre et la paix juste dans le<br />
contexte des nouvelles idéologies », il a été<br />
adopté par le synode de l’Église gréco-catholique<br />
d’<strong>Ukraine</strong>. Le texte fait référence à la doctrine<br />
sociale de l’Église gréco-catholique et s’achève<br />
par ses mots :<br />
« Jésus Christ, hier et aujourd’hui, est le même, Il<br />
l’est pour l’éternité » (He 13, 8). Le Seigneur<br />
souhaite que Ses disciples soient comme ils<br />
l’étaient au début du christianisme, courageux<br />
dans leur fidélité à la vérité, ne fermant pas les<br />
yeux sur l'injustice flagrante, ne cherchant pas à<br />
obtenir un gain économique, ni à assurer leur<br />
tranquillité. La vie de Jésus, Son enseignement et<br />
Son action, sont un exemple et une lumière<br />
gracieuse pour nous sur la manière d'être de<br />
véritables êtres humains, créés à l'image de Dieu<br />
et portant en eux la puissance pacificatrice du<br />
Saint-Esprit. Ils témoignent de Sa gouvernance<br />
sage et juste dans le monde. Cet exemple est si<br />
pur et compréhensible qu'aucune diplomatie ou<br />
politique opportuniste, qui ne tient pas compte de<br />
la dignité et des droits individuels ainsi que de<br />
chaque peuple, ne peut le remplacer ».<br />
Nous avons regroupé en 9 grandes propositions<br />
les différentes synthèses consensuelles qui ont<br />
résulté de nos débats et en les tournant vers trois<br />
auditoires majeurs : en Occident, les opinions<br />
publiques, médias et responsables politiques ; les<br />
Églises dans le monde ; enfin les Églises en<br />
<strong>Ukraine</strong>.
1<br />
<strong>Propositions</strong><br />
à l’attention des opinions publiques<br />
et des dirigeants occidentaux
1.1<br />
En premier lieu, les opinions publiques<br />
occidentales doivent intégrer la dimension<br />
religieuse de la guerre russo-ukrainienne. C’est<br />
important car d’une part cela permet d’éviter toute<br />
naïveté à l’égard des explications purement<br />
géopolitiques du conflit et d’autre part cela permet<br />
de comprendre que cette guerre concerne<br />
l’ensemble du monde chrétien, et au-delà,<br />
l’ensemble des personnes de bonne volonté qui<br />
souhaitent vivre en paix. La paix ne pourra pas<br />
être assurée par un simple accord sur les<br />
frontières qui départagent la Russie de l’<strong>Ukraine</strong>.<br />
Le conflit est bien plus profond car il engage toute<br />
une vision du monde et une conception de ce<br />
qu’est l’Église, sa nature, sa mission, son<br />
organisation. Il faut considérer sérieusement le<br />
patriarche Kirill de Moscou, mais aussi le Congrès<br />
Mondial du peuple russe, lorsqu’ils affirment que<br />
la guerre dispose d’une dimension métaphysique.<br />
Du côté russe, cela implique de mettre en œuvre<br />
une véritable économie de guerre, et une «<br />
guerre sainte » pour supprimer toute identité<br />
politique à l’<strong>Ukraine</strong>, et, au-delà, pour mettre fin à<br />
la civilisation moderne qu’ils perçoivent comme<br />
hostile.<br />
Il découle de cette nécessaire prise de<br />
conscience de la dimension théologico-politique<br />
de la guerre qu’il est impératif d’aider l’<strong>Ukraine</strong> à<br />
se défendre contre l’avènement d’une nouvelle<br />
idéologie totalitaire et destructrice, non seulement<br />
par des armes militaires mais également par des<br />
armes d’ordre théologique et philosophique.<br />
Nous invitons donc en premier lieu les institutions<br />
universitaires, médiatiques et associatives à<br />
consacrer des efforts substantiels à comprendre<br />
les enjeux politico-religieux du conflit, à saisir la<br />
profondeur du « mal russe » et la responsabilité<br />
de l’Église russe.<br />
Ce travail pourrait permettre également de puiser<br />
dans les ressources de la réconciliation francoallemande<br />
d’après 1945 pour offrir aux deux<br />
parties des outils qui leur permettront de trouver<br />
ensemble, avec une médiation occidentale, un<br />
langage de vérité, de justice et de réconciliation.<br />
Nous appelons en particulier à une coopération<br />
dialogale plus serrée sur le plan analytique, avec<br />
des spécialistes religieux (y compris des<br />
théologiens). En effet, le traitement des crises<br />
n’est sans doute pas suffisamment « intégral »,<br />
pour reprendre cette notion du magistère<br />
catholique.<br />
1.2<br />
Les États démocratiques et les institutions<br />
européennes doivent également prendre<br />
conscience de l’urgence de sanctionner les<br />
dirigeants du Congrès Mondial du Peuple Russe<br />
ainsi que ceux du patriarcat de Moscou qui<br />
soutiennent ce positionnement idéologique en<br />
faveur d’une guerre caractérisée par des crimes<br />
de guerre systématiques et des crimes contre<br />
l'humanité que certains experts qualifient aussi de<br />
génocide à l’encontre du peuple ukrainien.<br />
Nommer et dire le mal, permet d’établir une<br />
distinction morale entre l’agresseur et l’agressé.<br />
Dans le but de soutenir les victimes, et de<br />
préparer une paix ultérieure, ceci permettra de ne<br />
pas faire endosser (au peuple russe une<br />
responsabilité collective indiscriminée.)
Il est heureux à ce titre que l’assemblée<br />
parlementaire du Conseil de l’Europe ait<br />
condamné sévèrement les agissements de Kirill<br />
Goundiaev et du patriarcat de Moscou[9].. Un<br />
collectif d’associations (Comité Diderot, Pour<br />
l’<strong>Ukraine</strong>, Libertés, la Plateforme de la mémoire<br />
et de la conscience européenne…) propose<br />
d’aller plus loin, de remettre le patriarche Kirill<br />
Goundiaev et divers organes de l’Église<br />
orthodoxe russe (et notamment son Centre<br />
spirituel et culturel russe à Paris) sur la liste des<br />
sanctions.<br />
Il convient aujourd’hui d’améliorer les sanctions<br />
contre la propagande russe en Europe et<br />
d’étendre les sanctions adoptées à d’autres<br />
chaînes d’information, entités et propagandistes,<br />
en veillant au préalable, à exercer un rapport de<br />
forces sur la Hongrie qui s’est opposée jusqu’à<br />
présent à certaines de ces sanctions notamment<br />
celles visant le patriarche Kirill. Il serait utile enfin<br />
de soutenir toutes les initiatives en matière<br />
d’information et de communication sur la situation<br />
religieuse en <strong>Ukraine</strong>.<br />
Il faut développer en France une capacité à réagir<br />
rapidement à la « désinformation », par exemple<br />
par l’intermédiaire du Conseil des Églises de<br />
France[10]. Il convient de poursuivre sans relâche<br />
la lutte contre les opérations de déstabilisation et<br />
de désinformation qu’elles soient orchestrées<br />
directement de Russie (comme le démantèlement<br />
du réseau « Portal Kombat » rendu public par<br />
VIGINUM le 12 février 2024), mais également<br />
celles poursuivies par ses relais locaux en<br />
Europe. Il faut investir sur les exemples de paix<br />
constructive portés par quelques Églises ou par la<br />
Conférence des Églises en Europe ce qui<br />
permettra d’aider certaines Églises à se<br />
déradicaliser et à devenir demain des ferments<br />
de paix en Europe, comme ce fut le cas pour les<br />
Églises catholiques et protestantes de France et<br />
d’Allemagne après la seconde guerre mondiale.<br />
Enfin, il convient de mettre en place des<br />
structures de soutien pour les prêtres orthodoxes<br />
russes qui promeuvent la paix dans le cadre de<br />
leurs ministères, mais sont sanctionnés par leur<br />
hiérarchie. Un soutien financier et psychologique<br />
pourrait contribuer à limiter le sentiment «<br />
d’Église assiégée » que certains Russes peuvent<br />
éprouver.<br />
(9) Résolution 2540 de l’AP du Conseil de l’Europe le 17 avril 2024 : « 13.<br />
Le régime de Vladimir Poutine s'est engagé dans l'idéologie néoimpérialiste<br />
rousskiï mir (le «monde russe»), dont le Kremlin a fait un outil<br />
de promotion de la guerre. Cette idéologie est utilisée pour détruire les<br />
vestiges de la démocratie, militariser la société russe et justifier l'agression<br />
extérieure visant à étendre les frontières de la Fédération de Russie à tous<br />
les territoires autrefois sous la domination russe, y compris l'<strong>Ukraine</strong>. La<br />
hiérarchie du Patriarcat de Moscou de l'Église orthodoxe russe,<br />
notamment le patriarche Kirill, défend l'idéologie rousskiï mir, déclarant que<br />
la guerre contre l'<strong>Ukraine</strong> et l'Occident «satanique» sont une «guerre<br />
sainte de tous les Russes», et exhortant les croyants orthodoxes à se<br />
sacrifier pour leur pays. L'Assemblée est consternée par un tel mésusage<br />
de la religion et par la déformation de la tradition chrétienne orthodoxe par<br />
le régime de Vladimir Poutine et ses intermédiaires au sein de la hiérarchie<br />
du Patriarcat de Moscou. L'Assemblée condamne cette rhétorique et<br />
souligne que l'incitation au crime d'agression, au génocide ou aux crimes<br />
de guerre est un crime en soi. L'Assemblée appelle tous les États à<br />
considérer le patriarche Cyrille et la hiérarchie orthodoxe russe comme un<br />
prolongement idéologique du régime de Vladimir Poutine, complice de<br />
crimes de guerre et de crimes contre l'humanité perpétrés au nom de la<br />
Fédération de Russie et de l'idéologie rousskiï mir ». Dans son article<br />
26.14 l’APCE : « Encourage les États membres et observateurs du Conseil<br />
de l'Europe et l'Union Européenne à reconnaître que l'Église orthodoxe<br />
russe est en fait utilisée comme un instrument d'influence et de<br />
propagande russe par le régime du Kremlin et n'a rien à voir avec la liberté<br />
de religion et la liberté d'expression garanties par l'article 18 du Pacte<br />
international relatif aux droits civils et politiques ».<br />
1.3<br />
Enfin, les opinions publiques occidentales doivent<br />
prendre la mesure du nécessaire effort de<br />
solidarité à apporter aux Églises et organisations<br />
religieuses regroupées au sein du Conseil panukrainien<br />
des Églises et organisations religieuses.<br />
Déjà un grand nombre de gestes de solidarité ont<br />
été effectué pour accueillir les réfugiés de guerre<br />
ukrainiens. Aujourd’hui cependant il faut aller plus<br />
loin et soutenir toutes les initiatives de ces<br />
Églises et organisations religieuses pour soigner<br />
les blessés de guerre, tant au plan physique que<br />
psychologique.<br />
(10) S’appuyer sur les ressources suivantes et les lettres hebdomadaires<br />
de l’EGCU traduites en français :<br />
https://ugcc.fr/fr/ Site éparchie ukrainienne Paris – Français – Ukrainien ;<br />
http://ugcc.ua/en/ - Site de l’Église gréco-catholique ukrainienne –<br />
Ukrainien – Anglais - Russe<br />
https://risu.ua/en/ - Religious Information Service of <strong>Ukraine</strong> – Ukrainien –<br />
Anglais – Russe<br />
https://uccmc.org/ - Ukrainian Catholic Crisis Media Center- English
A titre d’exemple l’Église gréco-catholique<br />
ukrainienne a pour projet de créer un centre de<br />
réhabilitation des blessés de guerre à Lourdes.<br />
L’Église orthodoxe d’<strong>Ukraine</strong>, avec son<br />
organisation caritative Eleos, dispose également<br />
d’un service d’aide d’urgence, partout en <strong>Ukraine</strong>,<br />
aux victimes de la guerre. Le travail des Églises<br />
et organisations religieuses ukrainiennes auprès<br />
des Forces armées, notamment via les<br />
aumôniers militaires doit également être soutenu.<br />
En France, le Secours catholique, l’Œuvre<br />
d’Orient disposent d’une excellente organisation<br />
et d’une véritable expertise pour recevoir des<br />
dons, pour les diriger vers les services des<br />
Églises chrétiennes qui en font la demande et<br />
pour vérifier que les aides sont justement<br />
utilisées.
2<br />
<strong>Propositions</strong><br />
à l’attention des Églises dans le monde
Clairement, les Églises orthodoxes traversent une<br />
profonde période de crise de leur histoire bimillénaire.<br />
Le patriarcat de Moscou en particulier<br />
n’a pas su prendre ses distances à l’égard du<br />
pouvoir soviétique à partir de sa refondation par<br />
la volonté de Staline en 1943 et moins encore<br />
depuis la chute de l’URSS en 1991. Cette<br />
absence de repentance à l’égard des crimes du<br />
gouvernement soviétique, et aujourd’hui des<br />
crimes du régime poutinien, ainsi que son refus<br />
de participer au concile panorthodoxe de 2016 et<br />
de reconnaître la primauté traditionnelle du<br />
patriarcat œcuménique de Constantinople au sein<br />
de la communion des Églises orthodoxes, l’ont<br />
conduit à construire une réalité parallèle<br />
mensongère et délétère. Aujourd’hui en effet le<br />
patriarcat de Moscou est l’un des principaux fers<br />
de lance de la guerre que mène la Russie non<br />
seulement contre l’<strong>Ukraine</strong> et les démocraties,<br />
mais aussi contre le processus conciliaire des<br />
Églises orthodoxes. Malheureusement malgré la<br />
condamnation explicite du rôle de l’Église russe<br />
dans la guerre russo-ukrainienne par le patriarche<br />
Bartholomée[11], les Églises orthodoxes n’ont<br />
pas publié de document en commun pour<br />
condamner cette guerre et ses instigateurs. De<br />
même ni l’Église catholique romaine, ni le Conseil<br />
œcuménique des Églises n’ont été en mesure de<br />
condamner le rôle spécifique de l’Église russe<br />
dans l’agression de l’<strong>Ukraine</strong>. Il ressort de ce<br />
constat accablant trois propositions majeures :<br />
(11) Bartholomew: How can we blessthis war, as Kirill does? |<br />
OrthodoxTimes (en)<br />
2.1<br />
Les Églises orthodoxes devraient réunir dès 2024<br />
leurs meilleurs experts, clercs et laïcs, par<br />
exemple au centre du patriarcat œcuménique de<br />
Chambésy, pour s’accorder sur un texte commun<br />
visant à expliquer les origines des positions<br />
guerrières de l’Église russe, pour condamner un<br />
certain nombre des hérésies véhiculées par cette<br />
Église, et afin de proposer des voies de jugement<br />
canonique des responsables de l’Église russe. Ils<br />
devraient s’inspirer de la « déclaration du 13 mars<br />
2022 sur le monde russe » qui a déjà été signée<br />
par plus de 1500 théologiens et experts<br />
orthodoxes et appartenant à d’autres confessions<br />
chrétiennes partout dans le monde[12].<br />
Cette réunion pourrait également permettre aux<br />
évêques orthodoxes en Europe qui disent<br />
prendre leurs distances avec le patriarcat de<br />
Moscou, comme l’archevêque de Doubna en<br />
France[13], mais aussi les évêques liés à l’Église<br />
russe présents en Moldavie et dans les pays<br />
Baltes, de discuter des contours de leur identité<br />
et de leurs responsabilités ecclésiales.<br />
Cette réunion pourrait également permettre dans<br />
un second temps de relancer le processus<br />
conciliaire pan-orthodoxe et d’y adresser de<br />
nouveaux thèmes de discussion à définir,<br />
notamment celui du jugement canonique des<br />
responsables de la propagation de la haine et de<br />
la violence au sein de l’Église russe.<br />
2.2<br />
Il est recommandé à l’ensemble des Églises<br />
catholiques et protestantes de demander la<br />
suspension de la participation de l’Église russe au<br />
sein des instances œcuméniques telles que le<br />
Conseil œcuménique des Églises. En effet la<br />
participation de l’Église russe nuit gravement à la<br />
réputation de ces organisations vénérables<br />
compte tenu de sa propagation d’une théologie<br />
de la guerre d’agression contraire aux principes<br />
de l’évangile[14].<br />
(12) A Declaration on the "Russian World" (Russkii mir) Teaching - Public<br />
Orthodoxy<br />
(13) (https://parlonsorthodoxie.wordpress.com/2024/04/04/communiquedu-conseil-de-larcheveche-du-3-avril-2024/<br />
(14)https://www.churchtimes.co.uk/articles/2024/19-<br />
april/news/world/patriarch-kirill-s-holy-war-decree-puts-wcc- membershipat-risk
En outre, la Russie ne manque pas de tirer profit<br />
du soutien apporté par les institutions chrétiennes<br />
étrangères à l’Eglise Russe et à son patriarche.<br />
Le pape François a eu le mérite très tôt, et à<br />
plusieurs reprises, de s’adresser au président de<br />
la Fédération de Russie (oct./nov. 2022), mais<br />
aussi au patriarche Kirill, pour demander la fin du<br />
conflit. Dans ces documents, la condamnation de<br />
la guerre comme « folie », « insensée», voire, à<br />
partir de janvier 2024, comme une « guerre<br />
d’agression » de la Russie, est explicite.<br />
Cependant le Saint Siège gagnerait beaucoup à<br />
creuser davantage les racines et la signification<br />
du conflit ukrainien, quitte à revoir sa fameuse «<br />
ost-politik », ou politique d’accommodement très<br />
ancienne à l’égard de la Russie. Celle-ci, fondée<br />
sur une diplomatie pseudo-réaliste, ne lui a<br />
jusqu’à présent apporté pratiquement aucun fruit.<br />
Elle a placé dans de grandes difficultés l’Église<br />
gréco-catholique ukrainienne, notamment après<br />
la rencontre de Cuba[15] et a représenté un<br />
véritable contre-témoignage nuisant à sa<br />
réputation. En isolant la Russie, on éviterait de<br />
légitimer ses agissements et on lui fournirait<br />
l’opportunité de réfléchir aux avantages et aux<br />
inconvénients de son attitude impérialiste et antiœcuménique.<br />
Il y a un grand besoin de vérité<br />
contre la désinformation russe, en centrant les<br />
échanges sur le Christ, et non sur la politique<br />
(des États) ou sur des questions cléricales :<br />
l’objectif n’est pas tant d’avoir une parole<br />
commune, mais de formuler un témoignage<br />
christique, le plus large possible, fondé sur la<br />
vérité et sur la justice. L’axiome diplomatique<br />
défendu au Vatican, selon lequel le Saint Siège<br />
ne doit pas prendre parti en cas de conflit, ne<br />
pourrait-il pas être remis en question à l’aune des<br />
commandements évangéliques, en particulier<br />
lorsque l’agresseur commet des crimes de guerre<br />
et des crimes contre l’humanité qui empêchent la<br />
possibilité même du dialogue ?<br />
(15) http://latribunedessemaines.fr/lechec-funeste-de-la-havane/<br />
On recommande vivement de mettre en place et<br />
de soutenir des forums de dialogue œcuménique,<br />
tels que celui de la Conférence des Églises<br />
Européennes (CEC-KEK), orthodoxes et<br />
protestantes, qui coordonne la réaction des<br />
Églises européennes à la guerre en <strong>Ukraine</strong>[16].<br />
Ce programme développe la coopération entre<br />
les dirigeants d'Églises, les intellectuels et les<br />
scientifiques pour préparer une paix juste en<br />
<strong>Ukraine</strong>. Il participe également au dialogue avec<br />
les institutions européennes, résolvant les<br />
problèmes politiques les plus importants et<br />
préconisant la protection des objets religieux<br />
détruits en <strong>Ukraine</strong>. Ceci implique par exemple<br />
que des Églises occidentales acceptent d’inviter<br />
chez elles les responsables, clercs et laïcs, de<br />
ces Églises d’<strong>Ukraine</strong> pour les soutenir<br />
psychologiquement, pour les écouter et recevoir<br />
leurs expériences, pour les aider à dialoguer et<br />
pour engager avec elles de nouveaux<br />
programmes innovants et interactifs de<br />
formation/action œcuméniques. Un travail<br />
œcuménique doit être privilégié, de toute<br />
urgence, sur les thèmes de l’historiographie, de<br />
l’ecclésiologie, de la liturgie et du témoignage<br />
social et missionnaire.<br />
2.3<br />
Enfin, il est recommandé aux responsables et aux<br />
fidèles des différentes Églises du monde de<br />
porter une attention particulière au document<br />
publié en 2017 par les Églises et les<br />
organisations religieuses en <strong>Ukraine</strong>.<br />
(16) Pathways to Peace | CEC Europe - Principaux objectifs des Chemins<br />
pour la Paix<br />
Objectif 1 : Développer un réseau de responsables d'églises, d'intellectuels<br />
et d'universitaires pour préparer la paix en <strong>Ukraine</strong>. Avec cet objectif, la<br />
KEK cherche à renforcer les relations entre Ukrainiens et partenaires, tout<br />
en discutant des développements en cours en <strong>Ukraine</strong> et en discernant le<br />
rôle des Eglises dans le processus de préparation à la paix. - Objectif 2 :<br />
Plaider pour la protection des sites religieux détruits, endommagés ou<br />
pillés en <strong>Ukraine</strong>. Cet objectif vise à aider les Eglisesd'<strong>Ukraine</strong> à<br />
reconstruire les infrastructures religieuses, contribuant ainsi à l'objectif<br />
général de réaliser la liberté de religion ou de croyance pour tous en<br />
<strong>Ukraine</strong>. La KEK aidera les églises ukrainiennes à solliciter des fonds de<br />
reconstruction auprès de sources européennes.- Objectif 3 : Renforcer la<br />
vision œcuménique d'une paix juste.Avec cet objectif, la KEK faciliteles<br />
échanges sur la paix juste entre les Eglises européennes. Elle augmentera<br />
leur capacité à aborder la rhétorique de l'exceptionnalisme, tout en<br />
examinantles liens avec les justifications théologiques de la guerre en<br />
<strong>Ukraine</strong>, renforçant ainsi la capacité des Églises à faire de la théologie sur<br />
la guerre, la paix et la réconciliation en connaissance de cause.
Elles aspirent en premier lieu à être considérées<br />
comme des réalités indépendantes des centres<br />
religieux et de pouvoirs situés à l’extérieur des<br />
frontières ukrainiennes. Il convient en particulier<br />
de prendre au sérieux l’aspiration des Églises en<br />
<strong>Ukraine</strong> à se situer dans l’héritage de l’Église de<br />
Kyiv, selon un modèle défini lors du concile de<br />
Florence en 1439 (auquel les Églises en <strong>Ukraine</strong><br />
sont restées fidèles au moins jusqu’en1596). Ce<br />
modèle fut actualisé par la suite par de multiples<br />
initiatives en faveur d’une ecclésiologie à la fois<br />
eucharistique, baptismale et pastorale, donnant la<br />
possibilité aux fidèles de ces Églises de vivre<br />
pleinement en communion entre eux et avec les<br />
autres Églises dans le monde par-delà les<br />
appartenances confessionnelles définies<br />
principalement par les Églises latines et<br />
byzantines à l’âge moderne. Il s’agit d’un véritable<br />
investissement intellectuel, moral et financier pour<br />
les Églises occidentales. Celles-ci pourraient<br />
aider les Églises en <strong>Ukraine</strong> à se retrouver, à se<br />
dire la vérité et à se pardonner afin de parachever<br />
la formation de leur rêve ancien d’une Église de<br />
Kyiv réconciliée et en communion avec les grands<br />
centres spirituels du monde.
3<br />
<strong>Propositions</strong><br />
à destination des Églises en <strong>Ukraine</strong>
Les Églises et organisations religieuses font<br />
preuve d’un très grand courage et d’une forte<br />
résilience face à l’épreuve de la guerre. Les<br />
chrétiens d’Occident, et toutes les personnes de<br />
bonne volonté, ont beaucoup à recevoir de la part<br />
des chrétiens ukrainiens et des institutions qui les<br />
portent.<br />
3.1<br />
C’est pourquoi la première proposition que nous<br />
formulons consiste en un message de solidarité à<br />
leur égard. Nous suggérons d’identifier toutes les<br />
structures fiables en France et en Europe que les<br />
organisations religieuses en <strong>Ukraine</strong> peuvent<br />
considérer comme étant prêtes à coopérer avec<br />
elles. Les Églises ukrainiennes peuvent compter<br />
sur l’appui d’un certain nombre de structures<br />
caritatives occidentales, parmi lesquelles se<br />
trouvent l’Œuvre d’Orient, l’Aide à l’Église en<br />
Détresse, le Secours catholique, Pax Christi ou<br />
encore les organisations de la diaspora<br />
ukrainienne en Occident, tels que l’Aide médicale<br />
France <strong>Ukraine</strong>. Il serait utile que l’Église<br />
orthodoxe ukrainienne relevant avant la guerre du<br />
patriarcat de Moscou puisse bénéficier, si elle le<br />
demande, du soutien spécifique d’une Église<br />
orthodoxe locale. Cela pourrait être le patriarcat<br />
de Constantinople, si celui-ci acceptait de créer<br />
un exarchat spécifique comme il l’a fait en 1931<br />
pour l’Église russe réfugiée en Occident et ayant<br />
quitté le patriarcat de Moscou. Dans le cas où<br />
celui-ci refuserait, il faudrait demander aux<br />
responsables de cette Église ukrainienne relevant<br />
autrefois de Moscou si la création d’un exarchat<br />
au sein de l’Église de Roumanie pourrait<br />
représenter une solution alternative au moins à<br />
court terme (ce que va probablement faire à<br />
terme également l’Église orthodoxe de Moldavie).<br />
3.2<br />
Nous sommes conscients grâce aux exposés que<br />
nous avons pu écouter qu’un sérieux problème<br />
de confiance et de sécurité se pose avec l’Église<br />
orthodoxe ukrainienne qui, selon l’État ukrainien,<br />
dit avoir coupé les liens administratifs avec le<br />
patriarcat de Moscou, tout en maintenant une<br />
subordination canonique, et au niveau de ses<br />
hiérarques des liens plus ou moins masqués avec<br />
l’Église russe. Nous soutenons la proposition de<br />
loi sur les Églises disposant de liens avec un<br />
pays agresseur, telle qu’elle a été présentée par<br />
Victor Yelensky, directeur du bureau des cultes<br />
du gouvernement ukrainien (Chef du Service<br />
d'État d'<strong>Ukraine</strong> pour l'ethno-politique et la liberté<br />
de conscience). Celle-ci est nécessaire pour<br />
assurer la sécurité de l’<strong>Ukraine</strong>. Elle ne menace<br />
pas la liberté de conscience et se trouve en<br />
conformité avec les recommandations du Conseil<br />
de l’Europe. Nous proposons aux laïcs et aux<br />
prêtres des deux Églises orthodoxes présentes<br />
en <strong>Ukraine</strong>, de poursuivre les dialogues entamés<br />
et de les approfondir sur de nouvelles bases,<br />
avec notamment la médiation des Églises en<br />
Occident et de la KEK. Nous recommandons<br />
d’inviter en Occident les responsables des<br />
Églises ukrainiennes, afin qu’ils puissent<br />
s’exprimer ensemble et montrer une image unie<br />
sur ce qui les rassemble.<br />
3.3<br />
Nous sommes également conscients, qu’il est<br />
tentant dans un pays en guerre, pour certains<br />
responsables religieux d’adopter des<br />
comportements de type politique, qui peuvent<br />
nuire au témoignage de toute l’Église, à laquelle<br />
appartiennent ces responsables. C’est pourquoi<br />
nous proposons à tous les responsables religieux<br />
de bien vouloir considérer la possibilité de<br />
participer à des séminaires de formation pour les<br />
cadres religieux (des séminaristes aux évêques,<br />
selon des formats distincts) aux techniques de<br />
management utilisés en Occident dans un<br />
contexte de séparation, mais aussi, en certains<br />
cas, de coopération, entre les Églises et les États.
Nous comptons sur les autorités politiques et<br />
religieuses nationales et européennes pour<br />
financer de telles formations qui s’avèreront utiles à<br />
la fois pour les responsables religieux ukrainiens et<br />
pour l’ensemble des Européens qui aspirent à des<br />
relations pacifiques entre les nations et les Églises<br />
en Europe.<br />
Pour conclure, nous formulons le vœu que ces<br />
propositions stimulent les institutions<br />
politiques et religieuses ainsi que tous les<br />
hommes et les femmes de bonne volonté<br />
désireux de faire avancer la cause de la paix.<br />
Nous espérons en particulier que les Églises<br />
pourront répondre de façon renouvelée au désir<br />
si manifeste de la plupart des fidèles, en<br />
<strong>Ukraine</strong> et dans le monde, de dépasser les<br />
clivages qui empêchent l’avènement de l’ Église<br />
pleinement universelle du Christ.