Keeping-Tabs-Winter-2024

LA LANGUE ET LA LOI
Adoption de la Loi visant l’égalité réelle entre les
langues officielles du Canada : des nouveautés
majeures en droits linguistiques
Isabelle Hardy (elle), Commissariat aux langues
officielles
Note de l’éditeur : Les modifications récentes à la Loi sur les langues officielles apportent plusieurs changements
sur le plan des langues officielles au Canada, y compris ceux discutés dans cet article. D’autres modifications notables
comprennent les nouvelles obligations des cours fédérales de publier certains jugements en anglais et en
français de manière simultanée ; ces obligations entreront en vigueur le 20 juin 2024. En ce qui concerne ces modifications,
la Société des plaideurs a envoyé une lettre au gouvernement fédéral le 10 janvier 2024, l’encourageant
de fournir des ressources suffisantes aux cours fédérales pour rencontrer ces nouvelles obligations. Cette lettre
(en anglais) est disponible ici.
Mise en garde : *Les propos compris dans cet article sont ceux de l’autrice
et non ceux de son employeur.
Le paysage des droits linguistiques fédéral connaît
d’importants changements depuis la sanction
royale du projet de loi C-13 1 le 20 juin 2023.
Cette loi apporte des modifications substantielles
à la Loi sur les langues officielles [« LLO »] 2 ,
dont trois sont abordées dans cet article : l’accent
sur l’égalité réelle, les modifications à l’administration
de la justice et la judiciarisation des
pouvoirs du commissaire.
La LLO précise, une fois pour toutes, que «
l’égalité réelle est la norme applicable » aux
droits linguistiques, lesquels doivent être interprétés
« d’une façon large et libérale en fonction
de leur objet » et « en fonction de leur caractère
réparateur » 3 . L’ensemble de la LLO rend manifeste
la nécessité de tenir compte, notamment
dans l’interprétation des droits linguistiques, du
fait que le français est en situation minoritaire
au Canada en raison de l’usage prédominant de
l’anglais.
En d’autres mots, il faut viser l’égalité réelle –
en droit et en pratique.
En ce qui concerne l’administration de la justice,
comme en témoignent les dernières nominations
à la Cour suprême du Canada, l’article 16
de la LLO a été révisé pour inclure (de fait, pour
ne plus exclure) la Cour suprême du Canada par-
mi les tribunaux fédéraux devant comprendre
les causes dans les deux langues officielles sans
l’aide d’un interprète.
Qui exige une compréhension par les tribunaux
des langues officielles doit assurer une capacité
institutionnelle bilingue au sein de ceux-ci.
C’est ce que vise le nouveau paragraphe 16(3)
de la LLO, lequel impose au gouvernement
fédéral l’obligation de veiller, dans le cadre
des nominations aux tribunaux fédéraux, à
ce que ces tribunaux puissent respecter leur
obligation d’entendre des causes dans les
deux langues officielles sans l’aide d’un interprète.
Au-delà des tribunaux fédéraux, le nouvel
article 16.1 du la LLO requiert que le gouvernement
fédéral tienne compte de l’importance
de l’accès égal à la justice dans les deux
langues officielles au moment de nommer
les juges des cours supérieures à travers le
pays 4 . Les candidat.e.s souhaitant accéder à
la magistrature doivent indiquer leur niveau
de compétence linguistique et s’attendre à
ce que le Bureau du commissaire à la magistrature
fédérale évalue la capacité, non
seulement de comprendre, mais également
de parler « clairement » les deux langues officielles
de tout.e candidat.e se déclarant bilingue.
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Pour ce qui est du commissaire aux langues
officielles, ses nouveaux pouvoirs comprennent
la possibilité de conclure des accords
de conformité 6 , d’émettre des ordonnances 7
et d’imposer des sanctions administratives
pécuniaires (ce dernier pouvoir entrera en
vigueur lorsque les décret et règlement associés
seront pris 8 ). Avec l’arrivée de ces nouveaux
pouvoirs, les avocat.e.s plaidant.e.s
peuvent s’attendre à voir un Commissariat
aux langues officielles plus judiciarisé, c’està-dire
exerçant des pouvoirs quasi judiciaires
de nature plus coercitive. Ayant pour objectif
d’accroître la conformité des institutions
fédérales à la LLO, les nouveaux pouvoirs
du commissaire s’accompagnent tous de recours
devant les tribunaux fédéraux.
En visant l’égalité réelle dans le domaine
de la justice, et en renforçant les pouvoirs du
commissaire, la LLO modernisée s’avère fort
prometteuse pour la promotion des droits
linguistiques au Canada.
Notes
1. Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des
modifications connexes à d’autres lois, Première session, quarante-quatrième législature, 70-71 Elizabeth II – 1 Charles III, 2021-2022-2023.
2. LRC 1985, c 31 (4e supp) [LLO].
3. LLO, art 3.1
4. LLO, art 16.1.
5. LLO, art 16.2(1) et (2).
6. LLO, art 64.1 et suivants.
7. LLO, art 64.5 et suivants.
8. Supra note 1, art 37, voir aussi art 71(3).
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