Hegel-Logique-tome-1
66 CHAPITRE X.en ce cas nous reviendrons à la supposition des deux logiques; car il faudra toujours une logique qui étudie la formeet les rapports absolus des principes, et comme c'est cetteforme et ces rapports qui déterminent toute autre forme ettout autre rapport, ce serait en réalité cette logique quiconstituerait la vraie logique, la seule qu'on devrait reconnaîtrecomme rationnelle. Il est aisé, en effet, déposer desrègles formelles et indéterminées,comme celles que nousvenons d'indiquer, et puis, pour donner à ces règles unair de réalité, de citer des exemples que l'on prend au hasard,tels que ceux-ci tout effet doit avoir une cause; toute:chose a une fin; le tout est plus grand que les parties; l'infinine saurait avoir des limités; etc., exemptes, ou propositionsqui, à ce qu'on prétend, portent avec elles leur évidence,et n'ont besoin d'aucune démonstration. Mais si l'onexamine la question attentivement on verra que les chosesne se passent point comme on voudrait nous le faire croire,et que ces principes (même en lessupposant vrais) ne sontpas évidents d'une évidence aussi immédiate qu'on le prétend,qu'il y en a même dont l'évidence se change enobscurité à mesure qu'on les regarde de plus près (1). Sansdoute, les principes sont évidents, et ils doivent être admiscomme tels, lorsqu'on les compare aux choses accidentellespassagères et phénoménales dont ils sont les principes,(1) Voyez sur la prétendue évidence du fameux principe de Descaries :a Je pense, donc je suis, )t notre Introd. à la Phil. de Hegel, ch. IV,o 140-43. D'ailleurs l'évidence et la certitude ne sont, elles aussi, que descritériums subjectifs et imparfaits. Le vrai, la nécessité, ridée, la penséesont au-dessus de la simple évidence et de la simple certitude. Voy. sur cepoint, Phil. de l'Esprit de Hegel, et notre Première Introduction à cettephilosophie, vol. I.
LA LOGIQUE Ei T LA SCIENCE DE LA FORMES ABSOLUE. 67puisque ces choses ne sont que par eux, et qu'elles tirentd'eux tout ce qu'elles possèdent d'évidence et de vérité.Mais il n'en est pas de même, lorsqu'on considère les principesen eux-mêmes et dans leurs rapports entre eux, c'està-diredans leur filiation rationnelle, nécessaire et absolue.Et c'est là le point de vue auquel il faut se placer ici. Cardans celte sphère de la connaissance et de l'être il n'ya pas de principe qui ne puisse, ou ne doive point sedémontrer. Ce n'est pas, sans doute, à l'aide des procédésde l'ancienne logique, qui, comme nous l'avons vu, en réaliténe démontrent rien, qu'une telle démonstration peuts'accomplir, mais à l'aide de procédés tirés de la naturemême de la chose que l'on démontre, et qui n'en sont, pourainsi dire, que l'expression. Et, en effet,par là même qu'ils sont des principes, sonttous les principes,démontrables,c'est-à-dire qu'on peut, et qu'on doit pouvoir démontrerd'eux pourquoi et comment ils sont, pourquoi et commentils appellent d'autres principes qui les complètent, et qui,à leur tour, sont complétés par eux ;car, comme on le verraplus bas, la vraie connaissance est un cercle. Le vice del'ancienne logique consiste précisément àne pas avoir démontréles termes, qui sont ou les éléments des principes,ou les principes (1), et d'avoir ainsihabitué l'esprit à prenl)On énonce en général les principes sous forme de proposition, commepar exemple, le tout est plus grand que les parties, ou de définition, commepar exemple, la ligne droite est la ligne la plus courte entre deux points donnés.Mais les principes énoncés sous cette forme peuvent être considérés commedes principes dérivés, en ce sens qu'ils présupposent la détermination descléments dont ils se composent. Ainsi, avant de dire que le tout est plusgrand que les parties, ou que l'effet doit avoir une cause, il faut déterminerla notion du tout, de la grandeur, des parties, de la cause, etc., ou, pourmieux dire, à mesure qu'on pose et qu'on détermine les notions, on
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66 CHAPITRE X.
en ce cas nous reviendrons à la supposition des deux logiques
; car il faudra toujours une logique qui étudie la forme
et les rapports absolus des principes, et comme c'est cette
forme et ces rapports qui déterminent toute autre forme et
tout autre rapport, ce serait en réalité cette logique qui
constituerait la vraie logique, la seule qu'on devrait reconnaître
comme rationnelle. Il est aisé, en effet, déposer des
règles formelles et indéterminées,
comme celles que nous
venons d'indiquer, et puis, pour donner à ces règles un
air de réalité, de citer des exemples que l'on prend au hasard,
tels que ceux-ci tout effet doit avoir une cause; toute
:
chose a une fin; le tout est plus grand que les parties; l'infini
ne saurait avoir des limités; etc., exemptes, ou propositions
qui, à ce qu'on prétend, portent avec elles leur évidence,
et n'ont besoin d'aucune démonstration. Mais si l'on
examine la question attentivement on verra que les choses
ne se passent point comme on voudrait nous le faire croire,
et que ces principes (même en les
supposant vrais) ne sont
pas évidents d'une évidence aussi immédiate qu'on le prétend,
qu'il y en a même dont l'évidence se change en
obscurité à mesure qu'on les regarde de plus près (1). Sans
doute, les principes sont évidents, et ils doivent être admis
comme tels, lorsqu'on les compare aux choses accidentelles
passagères et phénoménales dont ils sont les principes,
(1) Voyez sur la prétendue évidence du fameux principe de Descaries :
a Je pense, donc je suis, )t notre Introd. à la Phil. de Hegel, ch. IV,
o 140-43. D'ailleurs l'évidence et la certitude ne sont, elles aussi, que des
critériums subjectifs et imparfaits. Le vrai, la nécessité, ridée, la pensée
sont au-dessus de la simple évidence et de la simple certitude. Voy. sur ce
point, Phil. de l'Esprit de Hegel, et notre Première Introduction à cette
philosophie, vol. I.