Hegel-Logique-tome-1

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liSli LOGIQUU. '— PREMIÈRE PARTIE.mesure. Dès que sa mesure cesse, l'être tout entier avec sa quantité et saqualité est détruit. Maintenant, la mesure est d'abord mesure à l'état immédiat,mesure qui n'est pas encore médiatisée, qui n'est qu'en soi, et quipartant n'est pas encore en et pour soi. Par conséquent, la quantité et laqualité, tout en étant inséparables, ne se sont pas encore identiQées, et lamesure est une régie déterminée, mais arbitraire (le pied, la longueur dupendule, uue température ou une unité de chaleur, ou d'autres mesuressemblables), ou, si Ton veut, une quantité spécifiée, et qui spécifie d'autresquantités. Mais comme elle contient une quantité, ce n'est pas seulement laquantité d'un terme autre qu'elle, mais c'est sa propre quantité qu'ellemesure et spécifie. Cependant, par là qu'ici ni la quantité n'est encore laqualité, ni celle-ci la quantité, ou, ce qui revient au même, par là que laquantité et la qualité sont encore distinctes, la quantité conserve dans lamesure son caractère indéterminé, ce qui fait qu'elle peut, jusqu'à un certainpoint, changer, sans que la qualité change aussi. Mais, d'un autrecôté, par là même que la quantité et la qualité sont ici réunies dans lamesure, la quantité ne peut changer que dans une certaine limite, et lorsqu'elledépasse cette limite la qualité elle-même se trouve détruite. C'estainsi, par exemple, que l'augmentation ou la diminution de la températuren'affecte pas d'abord la qualité de l'eau; mais lorsque ces changementsdépassent une certaine limite, l'eau se change en vapeur ou en glace. Dansla sphère de l'esprit, ces rapports ont moins d'importance, en ce qu'ils sontsubordonnés à des rapports supérieurs. Ils y jouent cependant un rôle.Ainsi la vertu se change eu défaut, l'économie devient parcimonie etavarice, la libéralité profusion, lorsqu'elles dépassent certaines limites.La législation d'un État doit, jusqu'à un certain point, s'harmoniser avec sonétendue, et il y a une limite au delà de laquelle son agrandissement est lacause de sa ruine. Les Grecs avaient déjà remarqué cette propriété et cettecontradiction de la mesure, sans en trouver la solution, et ils lui avaientdonné une forme populaire dans les arguments bien connus du tas de blé etde la calvitie. Ce qui fait le tas de blé n'est pas seulement la quantité, maisaussi la qualité, c'est-à-dire, ce qui constitue le tas ; car le même nombre degrains pourrait ne pas constituer un tas, de sorte que l'ou pourra ajouter ousoustraire des grains, sans former ou détruire un tas; mais, d'un autrecôté, il y a un point au delà duquel on aura, ou ou n'aura pas un tas. Cesarguments, comme le fait remarquer Hegel, ne sont point des sophismes oudes discussions oiseuses de l'école, car outre qu'ils expriment le besoinqu'éprouve l'esprit de saisir ces déterminations et ces rapports, ils ontune importance pratique. — Ainsi donc on a une mesure qui, par celamême qu'elle est variable, appelle une autre mesure, c'est-à-dire, on a deuxmesures qui se mesurent l'une l'autre, et dont l'une n'est telle que par rapportà l'autre, et dans son union avec l'autre, ce qui fait que la quantité etla qualité de l'une sont invariablement liées à la quantité et à la qualité de

DOCTRINE DE e'ÊTRE. — MESURE. 485l'autre. Tel est, par exemple, le rapport de la température générale d'unmilieu, et de la température spécifique des corps qui se trouvent dans cemilieu; tel est aussi le rapport du temps et de l'espace dans la loi de lachute, ou dans la loi du mouvement des corps célestes. (Voyez sur ce pointGrande Logique, liv. 1 er , 111 e §, ch. I er ; et Philosophie de la Nature,§ ccxlvii et suiv.) D'où il suit que le changement de la quantité ou de laqualité de l'un des deux termes entraîne le changement de l'autre. Mais,comme on est ici dans la sphère de la mesure, tout changement de mesurene fait qu'amener une nouvelle mesure ou un nouveau rapport dont lestermes sont également deux mesures. On a ainsi une série, ou plusieursséries indéfinies de mesures qui sont liées par un rapport invariable, ce quirevieut à dire que chaque terme a un rapport quantitativement et qualitativementdéterminé avec un autre terme quelconque de la série; de sorte quenon-seulement dans chaque mesure la quantité détermine la qualité, etcelle-ci la quantité, mais la quantité et la qualité de chaque mesure déterminentla quantité et la qualité de tout autre mesure, ou, pour mieux dire,de la série entière, et sont, à leur tour, déterminées par elle. Cela amènedans la mesure uu état d'affinité et de neutralité (exemple, affinité chimique),parce que chaque mesure, tout en étant en rapport avec les autres mesures(affinité), garde son indépendance vis-à-vis d'elles, et les neutralise dans sonunité. Mais dans une série ainsi constituée chaque terme n'est ce qu'il estque par, et dans un autre terme, et comme il est en rapport avec tous lestermes, il suit que l'on a un cercle de rapports où chaque terme, tout enconservant sa nature propre, peut se substituer à l'autre. — Exemples, leséquivalents chimiques, ou les rapports des sons. — Ainsi l'on a une série demesures, une ligne nodale (Knotenlinie) , comme l'appelle Hegel, composée determes à la fois distincts et identiques, discrets et continus, extensifs etintensifs, pouvant se remplacer les uns les autres, et former, chacun dansun système de mesures, soit la mesure principale, soit l'un des membres dusystème : par exemple, un son peut former le son fondamental, ou bien un sonquelconque dansun autre système d'accords. Par conséquent, on a un systèmede mesures où chaque mesure, tout en étant elle-même et pour soi, estdans une autre mesure et se continue en elle, et elle n'est elle-même etpour soi qu'en se continuant dans une autre, ou, ce qui revient au même,qu'autant qu'elle est niée par une autre, et qu'elle nie cette autre à sou tour.Ce qui se trouve posé par là c'est la suppression de la mesure (dasMaasslose),c'est-à-dire la substitution d'une mesure à une autre mesure, et, au fond,riudiflereoce et l'identité de toute mesure, et partant de la quantité etde la qualité, en d'autres termes, V Essence [Das Wesen). — Dieu est lamaure de toutes choses, est une nouvelle définition de Dieu, et une définition[dus profonde que : Dieu est VÊtre. — Ici viennent se placer dans la GrandeLogique une critique des théories de T'erthollet et de Berzelius sur leà affi-

liSli LOGIQUU. '— PREMIÈRE PARTIE.

mesure. Dès que sa mesure cesse, l'être tout entier avec sa quantité et sa

qualité est détruit. Maintenant, la mesure est d'abord mesure à l'état immédiat,

mesure qui n'est pas encore médiatisée, qui n'est qu'en soi, et qui

partant n'est pas encore en et pour soi. Par conséquent, la quantité et la

qualité, tout en étant inséparables, ne se sont pas encore identiQées, et la

mesure est une régie déterminée, mais arbitraire (le pied, la longueur du

pendule, uue température ou une unité de chaleur, ou d'autres mesures

semblables), ou, si Ton veut, une quantité spécifiée, et qui spécifie d'autres

quantités. Mais comme elle contient une quantité, ce n'est pas seulement la

quantité d'un terme autre qu'elle, mais c'est sa propre quantité qu'elle

mesure et spécifie. Cependant, par là qu'ici ni la quantité n'est encore la

qualité, ni celle-ci la quantité, ou, ce qui revient au même, par là que la

quantité et la qualité sont encore distinctes, la quantité conserve dans la

mesure son caractère indéterminé, ce qui fait qu'elle peut, jusqu'à un certain

point, changer, sans que la qualité change aussi. Mais, d'un autre

côté, par là même que la quantité et la qualité sont ici réunies dans la

mesure, la quantité ne peut changer que dans une certaine limite, et lorsqu'elle

dépasse cette limite la qualité elle-même se trouve détruite. C'est

ainsi, par exemple, que l'augmentation ou la diminution de la température

n'affecte pas d'abord la qualité de l'eau; mais lorsque ces changements

dépassent une certaine limite, l'eau se change en vapeur ou en glace. Dans

la sphère de l'esprit, ces rapports ont moins d'importance, en ce qu'ils sont

subordonnés à des rapports supérieurs. Ils y jouent cependant un rôle.

Ainsi la vertu se change eu défaut, l'économie devient parcimonie et

avarice, la libéralité profusion, lorsqu'elles dépassent certaines limites.

La législation d'un État doit, jusqu'à un certain point, s'harmoniser avec son

étendue, et il y a une limite au delà de laquelle son agrandissement est la

cause de sa ruine. Les Grecs avaient déjà remarqué cette propriété et cette

contradiction de la mesure, sans en trouver la solution, et ils lui avaient

donné une forme populaire dans les arguments bien connus du tas de blé et

de la calvitie. Ce qui fait le tas de blé n'est pas seulement la quantité, mais

aussi la qualité, c'est-à-dire, ce qui constitue le tas ; car le même nombre de

grains pourrait ne pas constituer un tas, de sorte que l'ou pourra ajouter ou

soustraire des grains, sans former ou détruire un tas; mais, d'un autre

côté, il y a un point au delà duquel on aura, ou ou n'aura pas un tas. Ces

arguments, comme le fait remarquer Hegel, ne sont point des sophismes ou

des discussions oiseuses de l'école, car outre qu'ils expriment le besoin

qu'éprouve l'esprit de saisir ces déterminations et ces rapports, ils ont

une importance pratique. — Ainsi donc on a une mesure qui, par cela

même qu'elle est variable, appelle une autre mesure, c'est-à-dire, on a deux

mesures qui se mesurent l'une l'autre, et dont l'une n'est telle que par rapport

à l'autre, et dans son union avec l'autre, ce qui fait que la quantité et

la qualité de l'une sont invariablement liées à la quantité et à la qualité de

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