Hegel-Logique-tome-1
424 LOGIQUE. — PREMIÈRE PARTIE.la fausse infinité du progrès indéfini. Lorsqu'on parle del'infinité de l'espace et du temps, c'est d'abord au progrèsindéfini qu'on a l'habitude de s'arrêter. On dit, par exemple,tel temps, le présent, et l'on va ensuite en avant eten arrière, au delà de celte limite. îl en est de même àl'égard de l'espace sur l'infinité duquel des astronomes àl'esprit inventif nous débitent une foule de déclamationsvides. On ajoute aussi d'habitude que la pensée doitsuccomber en considérant une telle infinité. Cette remarqueest vraie. Mais elle est vraie parce que nous nous lassonsd'alleren avant dans la contemplation de cet objet, non àcause de sa sublimité, mais à cause de l'ennui qui l'accompagne.Il est ennuyeux, en effet, de se plonger dans la contemplationde ce progrès infini qui ne fait que reproduiresans cesse la même chose. On pose une limite, puis on lafranchit, puis on pose une autre limite, et ainsi à l'infini. Icion n'a qu'une alternation superficielle détenues qui ne sortentpas du fini. Lorsqu'on s'imagine qu'en entrant danscette infinité on s'affranchit du fini, on n'a dans le faitquela délivrance delà fuite.Mais celui qui fuit n'est point libre,car en fuyant il est toujours conditionné par ce devant lequelil fuit. On pourra ajouter avec raison qu'on ne peut atteindrel'infini 5mais cela vient de ce qu'on veut que l'infini ne soitque quelque chose d'abstractivement négatif (1). Mais laphilosophie ne s'occupe pas de ces objets vides, et qui reculentindéfiniment devant la pensée (2).Ce qui fait l'objet de(1) Tandis que le vrai infiai est la négation concrète, la négation de lanégation.(2) Bloss Jenseitigen : des objets placés au delà ou au-dessus de sa sphère,de la sphère de la pensée philosophique.
DOCTRINE DE L'ÊTRE. QUALITÉ. £25ses recherches c'est toujours l'être concret et absolumentprésent. On a aussi posé le problème philosophique souscette forme : comment l'infini s'est-il décidé à sortir delui-même? A cette question, qui présuppose uneoppositioninconciliable de l'infini et du fini, il n'y a qu'à répondreque cette opposition n'a point de vérité (1), et qu'en réalitél'infini sort et ne sort pas éternellement de lui-même. —En outre, lorsque nous disons que l'infini est le non fini,nous énonçons une proposition qui contient au fond le vraisur ce point, car le non fini,par là que le fini est lui-mêmele premier être négatif, est la négation de la négation,la négation identique avec elle-même, et partant la vraieaffirmation (2).L'infinité de la réflexion dont il est ici question n'estqu'un effort pour atteindre la vraie infinité, un intermédiairemalheureux (3).C'est en général ce point de vue quela philosophie a adopté dans ces derniers temps en Allemagne.Ici le fini doit seulement être supprimé, et l'infinine doit pas seulement être un être négatif, mais aussi unêtre positif. Il y a dans ce devoir être l'impuissance de celuiqui reconnaît qu'un objet est rationnel et légitime, et quiavoue en même temps qu'il ne peut l'atteindre. Relativementà la morale, la philosophie de Kant et celle de Fichlc(1) Ein Unwahres ist.(2) Le non-fini (Das Nichtendlich) contient d'abord la limitation ou la négationqui est dans le fini, et, déplus, il contient la négation par laquelle ilnie le fini, et il contient le fini et sa négation comme un moment de luimême.Il est donc la négation de la négation, et partant la vraie affirmation,ou le vrai infini.(3) Ungluckseliges Miltelding : une chose moyenne malheureuse. C'est unechose moyenne, et comme un expédient malheureux, puisque ce n'est ni lefini ni l'infini véritable.
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la fausse infinité du progrès indéfini. Lorsqu'on parle de
l'infinité de l'espace et du temps, c'est d'abord au progrès
indéfini qu'on a l'habitude de s'arrêter. On dit, par exemple,
tel temps, le présent, et l'on va ensuite en avant et
en arrière, au delà de celte limite. îl en est de même à
l'égard de l'espace sur l'infinité duquel des astronomes à
l'esprit inventif nous débitent une foule de déclamations
vides. On ajoute aussi d'habitude que la pensée doit
succomber en considérant une telle infinité. Cette remarque
est vraie. Mais elle est vraie parce que nous nous lassons
d'alleren avant dans la contemplation de cet objet, non à
cause de sa sublimité, mais à cause de l'ennui qui l'accompagne.
Il est ennuyeux, en effet, de se plonger dans la contemplation
de ce progrès infini qui ne fait que reproduire
sans cesse la même chose. On pose une limite, puis on la
franchit, puis on pose une autre limite, et ainsi à l'infini. Ici
on n'a qu'une alternation superficielle détenues qui ne sortent
pas du fini. Lorsqu'on s'imagine qu'en entrant dans
cette infinité on s'affranchit du fini, on n'a dans le fait
que
la délivrance delà fuite.
Mais celui qui fuit n'est point libre,
car en fuyant il est toujours conditionné par ce devant lequel
il fuit. On pourra ajouter avec raison qu'on ne peut atteindre
l'infini 5
mais cela vient de ce qu'on veut que l'infini ne soit
que quelque chose d'abstractivement négatif (1). Mais la
philosophie ne s'occupe pas de ces objets vides, et qui reculent
indéfiniment devant la pensée (2).
Ce qui fait l'objet de
(1) Tandis que le vrai infiai est la négation concrète, la négation de la
négation.
(2) Bloss Jenseitigen : des objets placés au delà ou au-dessus de sa sphère,
de la sphère de la pensée philosophique.