Hegel-Logique-tome-1

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290 LOGIQUE. — PREMIÈRE PARTIE.s'est donné pour tâche de rechercher jusqu'à quel pointles formes de la pensée sont aptes à conduire à la connaissancede la vérité. Et elle a, de plus, posé en principefondamental de sa doctrine, qu'avant de connaître il fautexaminer la faculté de connaître. Ce qu'il y a de juste dansce point de vue c'est que les formes de la pensée sont, ellesaussi, l'objet de la connaissance. Mais ils'y glisse en mêmetemps une confusion : c'est de vouloir connaître avant deconnaître, c'est de ne pas vouloir entrer dans l'eau avantd'avoir appris à nager. Si l'on ne doit pas employer lesformes de la pensée sans qu'elles soient soumises à un examenpréalable, cet examen est lui-même une connaissance. Parconséquent, l'activité des formes de la pensée et leur critiquedoivent venir s'unir dans la connaissance. On doit considérerles formes de la pensée en et pour soi ;car elles sont l'objet,et l'activité de l'objet lui-même. Elles s'examinent ellesmêmes,et c'est en elles-mêmes que leur limite doit se déterminer,et que leur imperfection doit se produire. C'estcette activité de la pensée qui comme dialectique va faireplus loin l'objet spécial de notre recherche,et sur laquellenous dirons ici en passant qu'on ne doit pas la considérercomme ajoutée du dehors aux déterminations de la pensée,mais, au contraire, comme constituant leur élément essentielet intime.Ainsi le principe fondamental de la philosophie kantienneest que la pensée doit s'examiner elle-même pourdéterminer jusqu'à quel point elle est apte à connaître. Denos jours, tout le monde croit avoir dépassé laphilosophiekantienne, et chacun a la prétention d'être allé plus loin.Mais « aller plus loin » a un double sens. On peut aller

SECOND RAPPORT DE LA PENSÉE AVEC L'OBJET. 291plus loin en allant en avant, on en allant en arrière. On voit,lorsqu'on y regarde de près, que bon nombre de nos doctrinesphilosophiques ne sont qu'une reproduction de lavieille métaphysique. On y trouve une pensée sans critique,et telle qu'elle se présente à l'esprit de chacun.Zasatz 2. La recherche kantienne des déterminationsdelà pensée est essentiellement marquée de ce défaut,qu'elle ne considère pas ces déterminations en et pour soi,mais seulement sous le point de vue de savoir sielles sontdes déterminations subjectives ou des déterminations objectives.Dans l'usage qu'on fait dans la vie ordinaire du motobjectif on entend ce qui existe hors de nous, et qui nousarrive du dehors par la perception. Maintenant, Kantnie que les déterminations de la pensée, la catégorie decause et d'effet, par exemple, soient des déterminationsobjectives dans le sens que nous venons d'indiquer, c'està-dire,il nie qu'elles soient données dans la perception, et illesconsidère, au contraire, comme appartenant à la penséemême, ou à la spontanéité de la pensée, et en ce senscomme [subjectives. Cependant Kant appelle également objectifl'être pensé, ou, pour parler avec plus de précision,l'universel et le nécessaire, et subjectif l'être senti. Mais ilparaît que l'usage que l'on fait de ce mot dans le langage,et que nous venons d'indiquer, s'est tellement fixé dans lecerveau, que l'on a reproché à Kant de faire une confusionde langage. On a grand tort cependant de lui adresser untel reproche. Voici ce qu'il faut dire à cet égard. Pour laconscience ordinaire, l'objet qui est devant elle etqui estperçu d'une façon sensible, cet animal, cet astre, etc., estl'être indépendant et qui subsiste par lui-même, et les

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s'est donné pour tâche de rechercher jusqu'à quel point

les formes de la pensée sont aptes à conduire à la connaissance

de la vérité. Et elle a, de plus, posé en principe

fondamental de sa doctrine, qu'avant de connaître il faut

examiner la faculté de connaître. Ce qu'il y a de juste dans

ce point de vue c'est que les formes de la pensée sont, elles

aussi, l'objet de la connaissance. Mais il

s'y glisse en même

temps une confusion : c'est de vouloir connaître avant de

connaître, c'est de ne pas vouloir entrer dans l'eau avant

d'avoir appris à nager. Si l'on ne doit pas employer les

formes de la pensée sans qu'elles soient soumises à un examen

préalable, cet examen est lui-même une connaissance. Par

conséquent, l'activité des formes de la pensée et leur critique

doivent venir s'unir dans la connaissance. On doit considérer

les formes de la pensée en et pour soi ;

car elles sont l'objet,

et l'activité de l'objet lui-même. Elles s'examinent ellesmêmes,

et c'est en elles-mêmes que leur limite doit se déterminer,

et que leur imperfection doit se produire. C'est

cette activité de la pensée qui comme dialectique va faire

plus loin l'objet spécial de notre recherche,

et sur laquelle

nous dirons ici en passant qu'on ne doit pas la considérer

comme ajoutée du dehors aux déterminations de la pensée,

mais, au contraire, comme constituant leur élément essentiel

et intime.

Ainsi le principe fondamental de la philosophie kantienne

est que la pensée doit s'examiner elle-même pour

déterminer jusqu'à quel point elle est apte à connaître. De

nos jours, tout le monde croit avoir dépassé la

philosophie

kantienne, et chacun a la prétention d'être allé plus loin.

Mais « aller plus loin » a un double sens. On peut aller

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