Hegel-Logique-tome-1
248 LOGIQUE.de la conscience a sa raison dans l'homme lui-même, etc'est une histoire qui se renouvelle dans tous les hommes. Leserpent fait consister la divinité dans lafaculté de connaîtrele bien et le mal, et c'est cette connaissance qui en réalité estdevenue lepartage de l'homme, par là qu'il a brisé l'unitéde son être immédiat, qu'il a goûté du fruit défendu. Lapremière rétlexion de la conscience ta son éveil a été quel'homme s'est aperçu qu'il était nu. C'est là un trait à lafoisnaïf et plein de sens. Car dans la pudeur l'homme sesépare de son être naturel et sensible. L'animal qui ne vapas jusqu'à cette séparation est pour cette raison sanspudeur. C'est, par conséquent, dans le sentiment humain dela pudeur qu'il faut placer l'origine spirituelle etmorale duvêtement. Le besoin purement physique n'en est qu'unprincipe secondaire. — On a ensuite la malédiction, commeon l'appelle, que Dieu a prononcée contre l'homme. Lepoint saillant de cette malédiction se rapporte à l'oppositionde l'homme avec la nature. L'homme doit travaillerà la sueur de son front, et la femme doit engendrer dansla douleur. Pour ce qui concerne plus particulièrement letravail, il est tout aussi bien le résultat de la scission quele triomphe sur elle.L'animal trouve immédiatement devantlui ce qui lui est nécessaire pour la satisfaction de ses besoins.L'homme, au contraire, produit et façonne lui-mêmeles moyens à l'aide desquels il satisfait les siens. Mêmedans ce rapport extérieur l'homme ne se sépare pas de luimême.— Le bannissement du paradis n'achève pas lemythe. Car Dieu ajoute ces paroles :Voyez, Adam est devenusemblable à nous, et il connaît le bien et le mal. —Ici la connaissance n'est plus condamnée comme avant,
PRÉLIMINAIRES. 249mais elle estprésentée comme chose divine. Ce qui réfuteaussi ce verbiage : que la philosophie n'est que l'œuvrede l'esprit fini. La philosophie est la science, et c'estla science qui peut seule réaliser le désir originaire del'homme de devenir l'image de Dieu. — Enfin en disantque Dieu a banni l'homme de l'Éden pour qu'il ne mangeâtpas encore de l'arbre de vie, le mythe a entendu dire quel'homme est fini et mortel par son côté naturel, mais qu'ilest infini dans la connaissance.C'est la doctrine bien connue de l'Église, que l'hommeest mauvais par nature; et c'est cette méchanceté naturellequi a été appelée péché originel. Il faut écarter dans cettedoctrine la représentation extérieure suivant laquelle lepéché originel n'aurait son fondement que dans uneaction accidentelle du premier homme. C'est dans la notionde l'esprit qu'en réalité a sa racine la méchanceté naturellede l'homme, et l'on ne doit pas se représenter la chosecomme si elle pouvait être autrement. L'homme en tantqu'être de la nature, et qui se comporte comme tel, estplacé dans un rapport qui ne doit pas être. L'esprit doitêtre libre, et ce qu'il est, il doit l'être par lui-même. Lanature n'est pour l'homme que le point de départ qu'ildoit transformer. En face de la profonde doctrine de lachute enseignée par l'Église vient se placer la doctrine modernede X école explicative (1), que l'homme est bon parnature, et que c'est à la nature qu'il doit rester fidèle.L'homme en se détachant de son existence naturelle, entant qu'être doué de conscience, se différencie d'un monde(1) Aufklarung. Voy. plus haut : Discours d'ouverture de Hegel, p. 148.
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248 LOGIQUE.
de la conscience a sa raison dans l'homme lui-même, et
c'est une histoire qui se renouvelle dans tous les hommes. Le
serpent fait consister la divinité dans la
faculté de connaître
le bien et le mal, et c'est cette connaissance qui en réalité est
devenue le
partage de l'homme, par là qu'il a brisé l'unité
de son être immédiat, qu'il a goûté du fruit défendu. La
première rétlexion de la conscience ta son éveil a été que
l'homme s'est aperçu qu'il était nu. C'est là un trait à la
fois
naïf et plein de sens. Car dans la pudeur l'homme se
sépare de son être naturel et sensible. L'animal qui ne va
pas jusqu'à cette séparation est pour cette raison sans
pudeur. C'est, par conséquent, dans le sentiment humain de
la pudeur qu'il faut placer l'origine spirituelle et
morale du
vêtement. Le besoin purement physique n'en est qu'un
principe secondaire. — On a ensuite la malédiction, comme
on l'appelle, que Dieu a prononcée contre l'homme. Le
point saillant de cette malédiction se rapporte à l'opposition
de l'homme avec la nature. L'homme doit travailler
à la sueur de son front, et la femme doit engendrer dans
la douleur. Pour ce qui concerne plus particulièrement le
travail, il est tout aussi bien le résultat de la scission que
le triomphe sur elle.
L'animal trouve immédiatement devant
lui ce qui lui est nécessaire pour la satisfaction de ses besoins.
L'homme, au contraire, produit et façonne lui-même
les moyens à l'aide desquels il satisfait les siens. Même
dans ce rapport extérieur l'homme ne se sépare pas de luimême.
— Le bannissement du paradis n'achève pas le
mythe. Car Dieu ajoute ces paroles :
Voyez, Adam est devenu
semblable à nous, et il connaît le bien et le mal. —
Ici la connaissance n'est plus condamnée comme avant,