Hegel-Logique-tome-1

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168 PRÉFACE DE HEGEL,pecter. Car on ne peut sincèrement aimer que ce qui estsincèrement respecté, et reconnu digne de respect, de tellefaçon que la religion ne peut, elle aussi, être révérée d'unamor gênermus qu'à cette condition.En d'autres termes,voulez-vous voir augmenter de nouveau lapratique de lareligion? Faites en sorte de vous élever de nouveau à unethéorie rationnelle de la religion, et n'empruntez pas àvos adversaires, les athées, cette doctrine irrationnelle etce blasphème, qu'il faut considérer une telle théorie commeune chimère, et que lareligion est une affaire du co^ur, oùl'on peut, ou,pour mieux dire, on doit se passer entièrementde la tête. (1) »Quant à l'insuffisance du contenu de la religion, on doitremarquer qu'elle ne peut s'appliquer qu'au côté phénoménalde la religion, età ses conditions extérieures, à uneépoque particulière.On pourra regretter qu'à telle époqueon soit obligé d'insister surtout, par exemple, sur lacroyance en Dieu, point qu'avait tant à cœur le noble Jacobi,ou bien de se borner à tenir éveillé dans les âmes le christianismeétroit de la sensibilité. 11 ne faut pas cependantméconnaître les principes plus élevés qui se font jour etse réalisent, même dans ces formes (Voy. Logique. Introd.,§ lxiv). Mais la science a devant elle ce riche contenuqu'ont engendré des centaines et des milliers d'années(1) Tholuk cite (dans sa Doctrine du pèche: Uber die Lehre von derSiinde) plusieurs passages du traité: Cur Deus homo, de saint Anselme, etil admire (p. 127) « la profonde humilité du penseur ». Pourquoi necite-tilpas aussi le passage du môme traité que j'ai cité, Encyclopédie, § 77 : « Negligenliœmihi videtur si non studemus quod credimus intelligere? — Il estvrai que là où le credo s'est, pour ainsi dire, contracté dans quelques articles,il ne reste qu'une bien mince matière à connaître, et qu'on ne saurait tirerqu'uu bien mince résultat de la connaissance.(Note de l'Auteur.)

PRÉFACE DE HEGEL. 169d'activité scientifique, et ce contenu ne se présente pas àelle comme un simple produit historique que d'autres ontpossédé, qui ne serait qu'un passé pour nous, qu'une matièrefaite seulement pour alimenter et exercer la mémoireou la pénétration et la critique de l'historien, mais qui neconcernerait nullement la connaissance de l'esprit et delàvérité. Ce qu'il y a de plus élevé, de plus profond et déplusintime se manifeste dans les religions, les philosophies etles oeuvres d'art, sous une forme plus ou moins pure,plus ou moins claire,et souvent même sous une forme repoussante.C'est un service signalé que Baader rend à lascience lorsqu'il expose, avec un esprit spéculatif, ces formes,non comme une simpleréminiscence, mais commedes formes qui ont une valeur scientifique et un contenupermanent et réel,dans lequel se déploie et s'affirme l'idéede la philosophie. L'esprit profond de Jacoh Bœhm a vudans les religions, les philosophies, etc., des occasions etdes formes (1). C'est avec raison qu'on a donné le nom dephilosophus teutonicus à cet esprit profond. Car, d'une part,il a élevé le contenu de la religion jusqu'à l'idée absolue, ila su y découvrir les problèmes les plus profonds de la raison,et a cherché à y saisir la nature et l'esprit dans leursphère et leur forme déterminées, en posant en principeque l'esprit de l'homme et toutes choses ne sont, d'aprèsl'image de Dieu, qu'une trinité, et n'existent que pour rétablircette image primitive qu'ils ont perdue; et, d'autrepart, il a ramené les formes des choses de la nature (lesoufre, le salpêtre, l'acide, l'amer, etc.) à des formes spi~(1) Gelegenheit und Formen. Des occasions et des formes par et dans lesquellesse manifeste l'idée.

168 PRÉFACE DE HEGEL,

pecter. Car on ne peut sincèrement aimer que ce qui est

sincèrement respecté, et reconnu digne de respect, de telle

façon que la religion ne peut, elle aussi, être révérée d'un

amor gênermus qu'à cette condition.

En d'autres termes,

voulez-vous voir augmenter de nouveau la

pratique de la

religion? Faites en sorte de vous élever de nouveau à une

théorie rationnelle de la religion, et n'empruntez pas à

vos adversaires, les athées, cette doctrine irrationnelle et

ce blasphème, qu'il faut considérer une telle théorie comme

une chimère, et que la

religion est une affaire du co^ur, où

l'on peut, ou,

pour mieux dire, on doit se passer entièrement

de la tête. (1) »

Quant à l'insuffisance du contenu de la religion, on doit

remarquer qu'elle ne peut s'appliquer qu'au côté phénoménal

de la religion, et

à ses conditions extérieures, à une

époque particulière.

On pourra regretter qu'à telle époque

on soit obligé d'insister surtout, par exemple, sur la

croyance en Dieu, point qu'avait tant à cœur le noble Jacobi,

ou bien de se borner à tenir éveillé dans les âmes le christianisme

étroit de la sensibilité. 11 ne faut pas cependant

méconnaître les principes plus élevés qui se font jour et

se réalisent, même dans ces formes (Voy. Logique. Introd.,

§ lxiv). Mais la science a devant elle ce riche contenu

qu'ont engendré des centaines et des milliers d'années

(1) Tholuk cite (dans sa Doctrine du pèche: Uber die Lehre von der

Siinde) plusieurs passages du traité: Cur Deus homo, de saint Anselme, et

il admire (p. 127) « la profonde humilité du penseur ». Pourquoi necite-til

pas aussi le passage du môme traité que j'ai cité, Encyclopédie, § 77 : « Negligenliœ

mihi videtur si non studemus quod credimus intelligere? — Il est

vrai que là où le credo s'est, pour ainsi dire, contracté dans quelques articles,

il ne reste qu'une bien mince matière à connaître, et qu'on ne saurait tirer

qu'uu bien mince résultat de la connaissance.

(Note de l'Auteur.)

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