Hegel-Logique-tome-1

14.02.2021 Views

164 PRÉFACE DE HEGEL.contenu de la vérité est, dans les deux cas, le même, mais,comme dit Homère de certaines choses, qu'elles ont deuxnoms, l'un dans lelangage des dieux, et l'autre dans celuides êtres mortels, ainsi il y a pour ce contenu deux langages,le langage du sentiment, de l'imagination et del'entendement, ou de la pensée, qui se meut dans des catégoriesfinies et dans des abstractions, et le langage de lanotion concrète (1 ).Lorsqu'en partant du point de vue religieux,on veut discuter et juger la philosophie, il ne suffitpas de posséder le langage de la conscience vulgaire. Lefondement de la connaissance scientifique est ce contenuintérieur, cette idée qui pénètre toutes choses, et qui a saréalité vivante dans l'esprit. La religion aussi est unedisposition, un sentiment interne (2) qu'il faut façonner,un contenu qu'il faut développer; elle est, elle aussi, l'espritqui s'éveille à la conscience et à la réflexion. Dans cesderniers temps, la religion est allée en contractant de plusen plus ce qu'il y a de large et d'arrêté dans son contenu,et elle s'est concentrée dans la piété, ou dans une espèce desentiment, qui, fort souvent, n'a manifesté qu'un contenubien sec et bien froid (3). Aussi longtemps que la religiona un credo, un enseignement, une dogmatique, elle a unchamp dont la philosophie peut s'occuper, et sur lequelelle peut se concilier avec elle. Mais cette conciliation nedoit pas être entendue suivant lefaux procédé de l'enten-(1) Concrète begriff. Expression dont se sert habituellement Hegel poufdesigner l'idée telle qu'elle est saisie par la pensée spéculative.(2) Gemiith.(3) Il fait allusion au piétisme, qui n'a aucun enseignement ni aucundogme arrêté. Suivant Hegel, l'idée religieuse doit se manifester, et, en semanifestant, doit prendre une forme déterminée.

PRÉFACE DE HEGEL. 165dément qui scinde les êtres (1), dans lequel se trouve emprisonnéela religiosité de notre temps, et qui représentela philosophie et la religion comme s'excluant l'une l'autre,ou, si elles s'unissent, comme ne s'unissant que d'unefaçon accidentelle et extérieure. D'après ce qui précède (2)on peut voir que lareligion peut plutôt exister sans la philosophie,que la philosophie sans la religion, et que la philosophiecontient plutôt la religion qu'elle n'est conlenueen elle (?>). La vraie religion, la religion de l'esprit doitavoir un credo, un contenu. L'esprit est essentiellementconscience, et conscience d'un contenu qui est devenu sonobjet. En tant que sentiment (4),il est ce même contenuqui ne s'est pas objectivé (5), qui n'est que qualifié {(S),pour me servir de l'expression de Jacob Bœhm, et il constituele degré le plus infime de la conscience, cette formede lame qui appartient aussi à l'animal. C'est la penséequi élève Lame, que possède aussi l'animal, à l'esprit, et laphilosophie n'est que la conscience de ce contenu, — del'esprit et de la vérité qui est en lui, -— sous la forme es-(1) Trennenden Versland, Ventendement scindant, qui scinde les notions,et ne sait les unir comme on doit les unir, c'est-à-dire eu saisissant à la foisleur identité et leur différence.(2) Puisque la religion est faite pour tous les hommes.(3) Car si l'objet ou le contenu de la philosophie est le même que celui dola religion, la philosophie lui imprime sa forme rationnelle et absolue, etc'est en ce sens qu'elle contient la religion, et est supérieure à la religion. Voy.Introduction à la Philosophie de Hegel, ch. VI, § iv ;et Philosophie de l'Esprit.(4J Gefûhl, sentiment, sensibilité.(5) Ungegenstiindliche Inhalt. Et, en ciïet, dans le sentiment le contenude l'esprit est à l'état obscur et subjectif, et il ne s'est pas encore objectivédans la conscience, dans l'entendement et plus encore dans l'état, dans l'art,la religion et là* philosophie.(6) Qualirl, c'est-à-dire qu'il est qualifié pour le devenir, mais qu'il ue l'estpas enco:e.

164 PRÉFACE DE HEGEL.

contenu de la vérité est, dans les deux cas, le même, mais,

comme dit Homère de certaines choses, qu'elles ont deux

noms, l'un dans le

langage des dieux, et l'autre dans celui

des êtres mortels, ainsi il y a pour ce contenu deux langages,

le langage du sentiment, de l'imagination et de

l'entendement, ou de la pensée, qui se meut dans des catégories

finies et dans des abstractions, et le langage de la

notion concrète (1 ).

Lorsqu'en partant du point de vue religieux,

on veut discuter et juger la philosophie, il ne suffit

pas de posséder le langage de la conscience vulgaire. Le

fondement de la connaissance scientifique est ce contenu

intérieur, cette idée qui pénètre toutes choses, et qui a sa

réalité vivante dans l'esprit. La religion aussi est une

disposition, un sentiment interne (2) qu'il faut façonner,

un contenu qu'il faut développer; elle est, elle aussi, l'esprit

qui s'éveille à la conscience et à la réflexion. Dans ces

derniers temps, la religion est allée en contractant de plus

en plus ce qu'il y a de large et d'arrêté dans son contenu,

et elle s'est concentrée dans la piété, ou dans une espèce de

sentiment, qui, fort souvent, n'a manifesté qu'un contenu

bien sec et bien froid (3). Aussi longtemps que la religion

a un credo, un enseignement, une dogmatique, elle a un

champ dont la philosophie peut s'occuper, et sur lequel

elle peut se concilier avec elle. Mais cette conciliation ne

doit pas être entendue suivant le

faux procédé de l'enten-

(1) Concrète begriff. Expression dont se sert habituellement Hegel pouf

designer l'idée telle qu'elle est saisie par la pensée spéculative.

(2) Gemiith.

(3) Il fait allusion au piétisme, qui n'a aucun enseignement ni aucun

dogme arrêté. Suivant Hegel, l'idée religieuse doit se manifester, et, en se

manifestant, doit prendre une forme déterminée.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!