Hegel-Logique-tome-1

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156 PRÉFACE DE HEGEL.demeure », et le mal est pire qu'auparavant, parce qu'ons'abandonne à lui sans réserve et sans discernement;comme si le mal qu'on veut tenir éloigné, j'entends laphilosophie, était, elle aussi, autre chose que la recherchede la vérité. Seulement c'est une recherche qu'accompagnela conscience de la nature et de la valeur des rapports de lapensée, par lesquels tout contenu est lié et déterminé.Ce qui peut arriver de plus fâcheux à laphilosophie spéculativec'est de tomber entre les mains de ceux qui nel'entendent qu'à moitié, et qui la jugent d'après la notionimparfaite qu'ils s'en font. Ce qui se trouve défiguré parcette impuissance de la réflexion, et par cette manière inadéquatede comprendre cette philosophie, c'est la réalitéconcrète (1) non -seulement de la vie physique ou spirituelle,mais aussi et surtout de la vie religieuse. C'est cependantla réalité concrète que cette façon d'entendre veut éleverà la conscience, et la difficulté réside dans ce passagede l'objet à la connaissance (2) qui est l'œuvre de laréflexion ordinaire (o). Cette difficulté n'existe plus dans(1) Das Factum.(2) Le texte a : Von der Sache zur Erkenntniss : delà chose à la connaissance,etc. : c'est-à-dire que la connaissance qui est l'œuvre de la réflexion nesaisit pas la chose dans sa réalité.(3) Nachdenken : pensée qui vient après. Et, en effet, autre chose estpenser dans le sens absolu du mot, autre chose est réfléchir. Dans la penséeabsolue, la pensée est devenue à elle-même son propre objet, ou, si l'onveut, l'objet de la pensée est l'idée pure et absolue, et l'idée pure et absolueest l'idée pensée. La pensée qui pense ainsi l'idée et la vérité ne réfléchit pointsur elles, c'est-à-dire la vérité ne lui est point donnée comme quelquechose d'objectif et d'extérieur, qu'elle doit s'approprier, mais elle possèdela vérité, et elle est la vérité même. Dans la pensée réfléchie, ou réflexe,au contraire, l'objet est encore extérieur à la pensée. Son imperfectionconsiste à présupposer l'objet, au lieu de le construire elle-même, eusaisissant les éléments absolus qui le composent, et, après l'avoir présup-

PRÉFACE DE HÉGKL. 157la science elle-même. Car la réalité de la philosophiespéculative est la connaissance possédée et achevée, et,pour une telle philosophie, comprendre ne peut être queréfléchir dans le sens d'une pensée déduite (1), tandis quecelui qui juge emploie la réflexion ordinaire. Mais cet entendementqui procède comme à l'aventure (2) fait preuve desipeu d'aptitude à simplement saisir l'idée, et l'idée qui a étéexpliquée d'une façon déterminée, et il se défie si peu deses propres suppositions qu'il est même incapable de répéter,pour ainsi dire, machinalement le fait de l'existence del'idée philosophique. Cet entendement nous offre ce singulierphénomène que, pendant qu'il s'étonne en voyant lacomplète différence, et même la contradiction formelle quiexiste entre l'idée et l'usage qu'il fait des catégories, ilne se doute pas qu'il puisse y avoir, comme ily a eneffet, une autre manière de penser que la sienne, qu'onpuisse adopter cette manière de penser, et que, pour penserde cette façon, il faille penser d'une façon différente de lasienne. C'est là aussi ce qui fait qu'on ne pense l'idée- de laphilosophie spéculative que dans sa définition abstraite, enposé, à s'appliquer à le décomposer et à le recomposer arbitrairement.Ainsi, tant que la pensée n'aura pas franchi ce degré de la connaissance,elle demeurera comme étrangère à l'objet, et lorsqu'elle s'appliquera à leconnaître, elle le faussera ou le mutilera, au lieu de le connaître dans sa réalité.Voy. sur la réflexion et la connaissance réfléchie, Logique, § cxu et suiv.et mon Introduction, ch. XII.(1) Eines nachfolgendes Denkens : une pensée qui suit une autre pensée,qui est tirée d'une autre pensée, tandis que dans la réflexion ordinaire on vade la chose à la pensée ; ce qui veut dire que la réflexion ordinaire est impuissanteà s'élever à la sphère de la pensée.(2) Unkrilische Verstand : V entendement non critique : c'est-à-dire l'entendementqui ne saisit pas les idées et leurs rapports, qui sont le fondement detoute connaissance et de tout jugement.

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demeure », et le mal est pire qu'auparavant, parce qu'on

s'abandonne à lui sans réserve et sans discernement;

comme si le mal qu'on veut tenir éloigné, j'entends la

philosophie, était, elle aussi, autre chose que la recherche

de la vérité. Seulement c'est une recherche qu'accompagne

la conscience de la nature et de la valeur des rapports de la

pensée, par lesquels tout contenu est lié et déterminé.

Ce qui peut arriver de plus fâcheux à la

philosophie spéculative

c'est de tomber entre les mains de ceux qui ne

l'entendent qu'à moitié, et qui la jugent d'après la notion

imparfaite qu'ils s'en font. Ce qui se trouve défiguré par

cette impuissance de la réflexion, et par cette manière inadéquate

de comprendre cette philosophie, c'est la réalité

concrète (1) non -seulement de la vie physique ou spirituelle,

mais aussi et surtout de la vie religieuse. C'est cependant

la réalité concrète que cette façon d'entendre veut élever

à la conscience, et la difficulté réside dans ce passage

de l'objet à la connaissance (2) qui est l'œuvre de la

réflexion ordinaire (o). Cette difficulté n'existe plus dans

(1) Das Factum.

(2) Le texte a : Von der Sache zur Erkenntniss : delà chose à la connaissance,

etc. : c'est-à-dire que la connaissance qui est l'œuvre de la réflexion ne

saisit pas la chose dans sa réalité.

(3) Nachdenken : pensée qui vient après. Et, en effet, autre chose est

penser dans le sens absolu du mot, autre chose est réfléchir. Dans la pensée

absolue, la pensée est devenue à elle-même son propre objet, ou, si l'on

veut, l'objet de la pensée est l'idée pure et absolue, et l'idée pure et absolue

est l'idée pensée. La pensée qui pense ainsi l'idée et la vérité ne réfléchit point

sur elles, c'est-à-dire la vérité ne lui est point donnée comme quelque

chose d'objectif et d'extérieur, qu'elle doit s'approprier, mais elle possède

la vérité, et elle est la vérité même. Dans la pensée réfléchie, ou réflexe,

au contraire, l'objet est encore extérieur à la pensée. Son imperfection

consiste à présupposer l'objet, au lieu de le construire elle-même, eu

saisissant les éléments absolus qui le composent, et, après l'avoir présup-

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