Hegel-Logique-tome-1
138 CHAPITRE XIII.l'expression hégélienne, et par là se manifeste; et qui,en posant lasphère de l'extériorité et en se manifestant, nedevient pas extérieure à un autre, et ne se manifeste pas àun autre, ou pour un autre qu'elle ;mais devient extérieureà elle-même, et se manifeste à elle-même, et pour ellemême(1). L'opposition de la logique et de la nature peut(1) La notion que l'on se fait généralement de la manifestation consisteà se représenter la chose, ou l'être qui se manifeste comme se manifestant,non pour lui-même, mais pour un autre, ce qui fait qu'on ne considèrepas les manifestations d'un être comme un élément essentiel de sonexistence et de son essence, mais comme un accident. Cela vient de cetteabsence d'une connaissance systématique qui, ainsi que nous l'avons signaléà plusieurs reprises, est la source principale de nos erreurs. Aussi,au lieu de poser les termes, on les présuppose; au lieu de construire unêtre d'après ses propriétés essentielles, ou son idée, on le prend tel qu'ilest donné par la représentation extérieure, ou par uue aperception vagueet indéterminée. C'est ainsi qu'on prend l'âme, ou Dieu, par exemple,et qu'on dit : L'âme et Dieu sont des êtres complets, qu'ils se manifestent,ou qu'ils ne se manifestent point, et s'ils se manifestent, ils se manifestentpour les autres, et non pour eux-mêmes. Et après s'être fait celtenotion de la manifestation d'un être, lorsqu'on en vient à considérer le rapportde Dieu et de la nature, l'on dit bien que la nature est une manifestation deDieu, mais qu'elle n'est nullement essentielle à la vie divine, et que Dieun'en serait pas moins parfait sans la nature. — Mais, d'abord, une âme quine se manifesterait point ne serait qu'une abstraction. On peut dire, au contraire,que tout l'être, toute l'activité de l'âme consiste dans ses manifestations.Et, en se manifestant, l'âme ne se manifeste pas seulement à un autrequ'elle-même, mais à elle-même aussi, et elle ne peut se manifestera unautre extérieurement, sans se manifester à elle-même, ou se manifester àelle-même, sans se manifester extérieurement. Et si l'on prétend qu'elle peutse manifester à elle-même intérieurement, sans se manifester extérieurement,c'est qu'on commence par supprimer le corps et la nature, et qu'on supposele corps et la nature comme n'existant pas, et l'âme comme pouvant semanifester à elle-même, non-seulement sans le corps, mais hors de lanature et de tout rapport matériel. Or, c'est là précisément le point qu'ilfaudrait démontrer, mais qu'on admet comme démontré. Et l'on se comportede la même manière à l'égard de Dieu.Car on commence par se représenterDieu comme un être parfait, sans, et hors de la nature; et puis, comme ilfaut bien expliquer la nature et les êtres qui vivent daus la nature, on ditque la nature est bien une manifestation de Dieu, mais uue manifestation
LA LOGIQUE, LA NATURE ET L'ESPRIT. 137donc se ramener à l'opposition de lapossibilité absolue, etde la réalité extérieure. Leur imperfection consiste en ceque l'une est la possibilité sans la réalité, et l'autre est laréalité sans lapossibilité, ou bien, l'une est l'idée pure quine se manifeste point, l'autre est l'idée qui se manifeste,mais qui ne se manifeste pas en tant qu'idée ou, ce quirevient au-même, quine se manifeste pas à elle-même entant qu'idée. Cependant, c'est une seule et même idée quiest au fond de toutes les deux. Car l'idée en se manifestantaccidentelle et purement voloutaire de ses perfections.— Mais, si Dieu est uuêtre parfait saiis la nature, pourquoi s'est-il manifesté dans la nature? Onnous dit qu'il s'est mauifesté parce qu'il est bon, et parce que dans sabontéil a voulu faire participer d'autres êtres à ses perfections. Mais si Dieuest un être parfait sans la nature, et qu'il trouve en lui-même la plénitudede son être et de ses perfections, on ne voit pas pourquoi sa bonté, ouson amour s'exercerait au dehors, et pourquoi il créerait des êtres, et desdes êtres imparfaits pour exercer ces attributs, et surtout pour les exercerenvers des êtres qui n'existaient pas, et qu'on suppose avoir été tirés du néant.— La raison pour laquelle on ne veut pas admettre que la nature constitueun degré de la vie divine c'est qu'elle est imparfaite. Or la nature n'estque relativement imparfaite, elle n'est, voulons-nous dire, imparfaite queparce qu'elle ne constitue pas l'être divin tout entier, et ce qu'il y a deplus excellent en lui. Mais dans ses limites elle est ce qu'elle peut, etdoit être, et elle renferme toute la perfection que comporte son essence(Conf. notre Introd. à la Philos, de Hegel, ch. V, § 1). Ensuite, si lanature est imparfaite, comment Dieu qui est l'Être parfait a-t-il pu vouloirla créer? Et s'il l'a créée librement et volontairement, comment n'a-t-il paspar cet acte diminué, ou, pour mieux dire, annulé ses perfections, et cela nefût-ce qu'en pensant subjectivement l'être imparfait ? Eu outre, que devient,dans cette suppositiou, l'idée éternelle de la nature? Faudra-t-il dire qu'iln'y a pas une telle idée, et que la nature n'est sortie que d'une idée, d'uneconception contingente, qui s'est présentée, pour ainsi dire, au hasard à lapensée divine? Ce serait la une supposition qui porterait une atteinteplus profonde encore à la perfection divine. Ainsi, cette conception de lanature comme un être imparfait, contingent et extérieur à la substance et àla vie divines non-seulement augmente les difficultés et les obscurités parl'acte de la création, mais elle frappe ces perfections mêmes qu'elle prétendjustifier et sauvegarder.
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donc se ramener à l'opposition de la
possibilité absolue, et
de la réalité extérieure. Leur imperfection consiste en ce
que l'une est la possibilité sans la réalité, et l'autre est la
réalité sans la
possibilité, ou bien, l'une est l'idée pure qui
ne se manifeste point, l'autre est l'idée qui se manifeste,
mais qui ne se manifeste pas en tant qu'idée ou, ce qui
revient au-même, qui
ne se manifeste pas à elle-même en
tant qu'idée. Cependant, c'est une seule et même idée qui
est au fond de toutes les deux. Car l'idée en se manifestant
accidentelle et purement voloutaire de ses perfections.— Mais, si Dieu est uu
être parfait saiis la nature, pourquoi s'est-il manifesté dans la nature? On
nous dit qu'il s'est mauifesté parce qu'il est bon, et parce que dans sabonté
il a voulu faire participer d'autres êtres à ses perfections. Mais si Dieu
est un être parfait sans la nature, et qu'il trouve en lui-même la plénitude
de son être et de ses perfections, on ne voit pas pourquoi sa bonté, ou
son amour s'exercerait au dehors, et pourquoi il créerait des êtres, et des
des êtres imparfaits pour exercer ces attributs, et surtout pour les exercer
envers des êtres qui n'existaient pas, et qu'on suppose avoir été tirés du néant.
— La raison pour laquelle on ne veut pas admettre que la nature constitue
un degré de la vie divine c'est qu'elle est imparfaite. Or la nature n'est
que relativement imparfaite, elle n'est, voulons-nous dire, imparfaite que
parce qu'elle ne constitue pas l'être divin tout entier, et ce qu'il y a de
plus excellent en lui. Mais dans ses limites elle est ce qu'elle peut, et
doit être, et elle renferme toute la perfection que comporte son essence
(Conf. notre Introd. à la Philos, de Hegel, ch. V, § 1). Ensuite, si la
nature est imparfaite, comment Dieu qui est l'Être parfait a-t-il pu vouloir
la créer? Et s'il l'a créée librement et volontairement, comment n'a-t-il pas
par cet acte diminué, ou, pour mieux dire, annulé ses perfections, et cela ne
fût-ce qu'en pensant subjectivement l'être imparfait ? Eu outre, que devient,
dans cette suppositiou, l'idée éternelle de la nature? Faudra-t-il dire qu'il
n'y a pas une telle idée, et que la nature n'est sortie que d'une idée, d'une
conception contingente, qui s'est présentée, pour ainsi dire, au hasard à la
pensée divine? Ce serait la une supposition qui porterait une atteinte
plus profonde encore à la perfection divine. Ainsi, cette conception de la
nature comme un être imparfait, contingent et extérieur à la substance et à
la vie divines non-seulement augmente les difficultés et les obscurités par
l'acte de la création, mais elle frappe ces perfections mêmes qu'elle prétend
justifier et sauvegarder.