Hegel-Logique-tome-1

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112 CHAPITRE XII.ou il admettra tantôt la cause sans l'effet, tantôt l'effet sansla cause, ou s'il les admet tous les deux, il les unira d'unefaçon arbitraire et extérieure, en disant que l'effet nesaurait exister sans la cause, mais que la cause peut trèsbienexister sans l'effet (Cf, eh. précéd.) ; ou bien il afexprimeet contient la réalité la plus haute et la plus concrète, et, en partantde ce point de vue, l'on dit : « Dieu est VÊtre. » Mais si l'on y regarde deprès, l'on verra que loin que la notion de l'Être soit la notion la plus concrète,elle est la notion la plus abstraite et la plus vide, et que si on la considèrecomme la notion la plus concrète, c'est que, p.ir suite de l'absenced'une connaissance systématique, on y ajoute des déterminations et des propriétésqui ne lui appartiennent point, ce qui fait que, tout en croyant parlerde l'Être, on parle d'autre chose. Car l'Être pur n'est que l'Être pur, etil n'est ui la quautité, ni la cause, ni la substance, etc., déterminationsqui appartiennent à une sphère plus concrète de l'idée. Ainsi, lorsqu'on ditque Dieu est l'Être, ou que V homme est un être, on donne les définitions lesplus abstraites et les plus vides de Dieu et de l'homme. Car, en tant qu'être,l'homme ue se distingue pas de la pierre, du soleil, delà plante qui sont desêtres comme lui, ou, pour mieux dire, tous les êtres, en tant qu'ils sont desêtres, ne se distinguent pas les uns des autres. Et si Dieu•est l'Être, et qu'iln'est que l'Être, tout ce qu'on pourra dire de lui c'est qu'il est l'Être, et s'iln'est que l'Être, la définition qu'il faudrait donner de lui n'est pas : « Dieuest VÊtre, mais l'Être eut Dieu. » Quant au Non-Être ou au Néant, on se lereprésente comme ce qui n'est absolument pas, ou comme un absolu rien,si nous pouvons ainsi nous exprimer, et de même que l'on dit : YÊire est, etne feut ne pas être, de même l'on dit : le Néant n'est pas et ne peut pasêtre. Et invoquant l'expérience et l'être sensible à l'appui de ce raisonnement,l'on ajoute que d'un être qui est on peut dire seulement qu'il est, etnon qu'il n'est pas ; et d'un être qui n'est pas on peut dire seulement qu'iln'est pas, et non qu'il est. — Mais, d'abord, il faut remarquer que s'il y apensée inintelligible et impossible, c'est bien la pensée du Non-Être ou duNéant conçu comme un absolu Rien. Car l'absolu Rien non-seulement nepourrait être, mais il ne pourrait être nommé, ni pensé, ni entendu. Et cependanton nomme le Non Être, on le pense et on l'entend, et on le penseet on l'entend comme un pense et on entend 1 Être, c'est à-dire à l'aide d'uuenotion également universelle et absolue. Et si l'on dit qu'on ne l'entend quenégativement et comme une privation de l'Être, cela veut dire au fond qu'onne l'enteud pas comme on entend l'Être, mais comme quelque chose qui estautre que l'Être, de même qu'on entend le froid, l'ombre, la répulsion la douleur,la mort comme des choses qui sont autres que la chaleur, la lumière, etc.

LA LOGIQUE À UN CONTENU ABSOLU. 113firmera que ce qui existe c'est le positif, et que le négatifn'est pas, ou qu'il n'est qu'un accident, et en parlant de ceprincipe il enseignera que le froid n'est qu'une privationdu chaud, ou que le plaisir n'est qu'un accident vis-à-visde la vertu, ou que la force centrifuge n'est aussi qu'uneforce accidentelle vis-à-vis de la force centripète (1) ; ouSeulement ici on a des déterminations plus abstraites, c'est-à-dire l'Être et leNon-Être, lesquelles sont aussi les déterminations les plus abstraites, carc'est par elles que commence la logique. Et c'est là ce qui rend le passagede l'une à l'autre plus difficile à saisir, car il n'y a pas encore de médiation oude moyen terme, ainsi que cela a lieu dans les déterminations plus concrètesde la notion, telles que la qualité et la quantité, le tout et les parties,la cause et \'effet, la substance et les accidents, etc., où le passage d'un termeà l'autre se fait à l'aide de médiations. Par conséquent, puisque le Non-Etren'est pas le Rien absolu, il est quelque chose, mais quelque chose qui n'estpas l'Être ; c'est quelque chose autre que l'Être, ou la négation de l'Être,c'est-à-dire le Non-Être. Ou bien encore : l'Être pur est l'Être, mais l'Êtrequi n'est que l'Être, et qui, par cela même qu'il n'est que l'Être, appelle leynon-Être, ou le n'être-pas de l'Être, ou, si l'on veut, ce que l'Être n'est pai.Mais, de son côté, le Non Être n'est pas le ne-pas-étre de liien, mais ilest le nc-pas-étre de l'Être. Etaiusi l'Être, tout en étant, n'est pas, et leNon Être, tout en n'étant pas, est. En d'autres termes, la notion del'Être et la notion du Non Être sont inséparables ; l'une étant donnée l'autre yest donnée aussi, et ce qu'est l'une, l'autre l'est aussi. Elles forment, parconséquent, une seule et même notion, et cette notion est ledevenir. L'Être etle Non-Être se posent et s'opposent pour se combiner dans le deveuir; car nil'Être sans le Non-Être, ni le Non-Être sans l'Être ne pourraient devenir; et,d'un autre côté, l'Être et le Non-Être ne pourraient être ramenés à l'unitéqu'en devenant, ou dans le devenir.— Le devenir achève, par conséquent, lasphère de 1 Être et du Non-Être, il en est l'unité, et forme le passage auxsphères les plus concrètes de l'Idée, où, par l'addition de déterminationsnouvelles, l'Être et le Non Être deviennent la qualité, la quantité, l'essence,etc. Ici l'opposition de l'Être et du Non-Être passe dans les oppositionsplus concrètes du même et de Vautre, de l'un et de plusieurs, de la qualité etde la quantité, de Videniité el de la différence, du positif et du négatif, etc. , etc.(Cf. sur ce point notre Introduction à la Philosophie de l'Esprit de Hegel,ch. II; et VHégélianisme et la Philosophie, ch. Vil.(1) Ne pouvant, en effet, déduire la force tangentielle, 01 le mouvementtangentiel de la notion même de la matière ou du mouvementée physicienVfiRA. — Logique de Hegel. I. — 8

112 CHAPITRE XII.

ou il admettra tantôt la cause sans l'effet, tantôt l'effet sans

la cause, ou s'il les admet tous les deux, il les unira d'une

façon arbitraire et extérieure, en disant que l'effet ne

saurait exister sans la cause, mais que la cause peut trèsbien

exister sans l'effet (Cf, eh. précéd.) ; ou bien il afexprime

et contient la réalité la plus haute et la plus concrète, et, en partant

de ce point de vue, l'on dit : « Dieu est VÊtre. » Mais si l'on y regarde de

près, l'on verra que loin que la notion de l'Être soit la notion la plus concrète,

elle est la notion la plus abstraite et la plus vide, et que si on la considère

comme la notion la plus concrète, c'est que, p.ir suite de l'absence

d'une connaissance systématique, on y ajoute des déterminations et des propriétés

qui ne lui appartiennent point, ce qui fait que, tout en croyant parler

de l'Être, on parle d'autre chose. Car l'Être pur n'est que l'Être pur, et

il n'est ui la quautité, ni la cause, ni la substance, etc., déterminations

qui appartiennent à une sphère plus concrète de l'idée. Ainsi, lorsqu'on dit

que Dieu est l'Être, ou que V homme est un être, on donne les définitions les

plus abstraites et les plus vides de Dieu et de l'homme. Car, en tant qu'être,

l'homme ue se distingue pas de la pierre, du soleil, delà plante qui sont des

êtres comme lui, ou, pour mieux dire, tous les êtres, en tant qu'ils sont des

êtres, ne se distinguent pas les uns des autres. Et si Dieu

est l'Être, et qu'il

n'est que l'Être, tout ce qu'on pourra dire de lui c'est qu'il est l'Être, et s'il

n'est que l'Être, la définition qu'il faudrait donner de lui n'est pas : « Dieu

est VÊtre, mais l'Être eut Dieu. » Quant au Non-Être ou au Néant, on se le

représente comme ce qui n'est absolument pas, ou comme un absolu rien,

si nous pouvons ainsi nous exprimer, et de même que l'on dit : YÊire est, et

ne feut ne pas être, de même l'on dit : le Néant n'est pas et ne peut pas

être. Et invoquant l'expérience et l'être sensible à l'appui de ce raisonnement,

l'on ajoute que d'un être qui est on peut dire seulement qu'il est, et

non qu'il n'est pas ; et d'un être qui n'est pas on peut dire seulement qu'il

n'est pas, et non qu'il est. — Mais, d'abord, il faut remarquer que s'il y a

pensée inintelligible et impossible, c'est bien la pensée du Non-Être ou du

Néant conçu comme un absolu Rien. Car l'absolu Rien non-seulement ne

pourrait être, mais il ne pourrait être nommé, ni pensé, ni entendu. Et cependant

on nomme le Non Être, on le pense et on l'entend, et on le pense

et on l'entend comme un pense et on entend 1 Être, c'est à-dire à l'aide d'uue

notion également universelle et absolue. Et si l'on dit qu'on ne l'entend que

négativement et comme une privation de l'Être, cela veut dire au fond qu'on

ne l'enteud pas comme on entend l'Être, mais comme quelque chose qui est

autre que l'Être, de même qu'on entend le froid, l'ombre, la répulsion la douleur,

la mort comme des choses qui sont autres que la chaleur, la lumière, etc.

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