Hegel-Logique-tome-1
76 CHAPITRE xi.matique (i). La tonne systématique est l'élément le plusintime de la pensée, comme elle est aussi l'élément le plusintime des choses. Chaque être est un syslème partiel, etl'univers est un système, et rien ne saurait être, ni être rationnellementconçu qui n'est pas un système.L'ordre, laproportion, l'harmonie que nous admirons dans l'universn'est que l'arrangement systématique de ses parties, et lavive jouissance que nous éprouvons en découvrant un nouveaurapport, ou en suivant l'enchaînement des choses, n'ad'autre source que la satisfaction de ce besoin intime del'intelligence. C'est qu'en effet connaître, et connaître systématiquementsont, strictement parlant, une seule et mêmechose. Là où il n'y a pas de système, il n'y a pas non plus deconnaissance, ou il n'y a qu'une connaissance isolée, fragmentaire,exclusive et accidentelle,par làtelsune connaissance qui,même qu'elle ne prend les êtres qu'à l'aventure, ouque nous les offrent l'expérience et l'analyse appliquéeà l'expérience, mutile les êtres, ou confond leurs limites, ouunit ce qui est séparé, et sépare ce qui est uni, ou admetsans explication ce qui a besoin d'être expliqué,en se fondantsur l'opinion, sur une aperception vague et superficiellede la chose, ou même sur le mot (2). On se repré-(1) Voy. aussi sur ce point notre Inlrod. à la Philos, de l'Esprit, vol. I.(2) C'est peut-être la psychologie qui nous offre l'exemple le plus frappantde cette absence de méthode. Ce qu'on appelle méthode psychologique n'ade la méthode que le nom, car elle n'est bien souvent qu'une analyse superficielle,arbitraire et faite au hasard, et qui, comme toute analyse, nenous livre pas l'être vivant, mais l'être mort. On nous dit, il est vrai,qu'après avoir décomposé il faut recomposer. Mais s'il y a recomposition,une recomposition faite avec de tels éléments ne peut être qu'un assemblage,ou une juxtaposition artificielle et extérieure, et non une vraie synthèse.C'est la recomposition de l'anatomiste qui rassemble les membres de l'être
LA FORME EST ESSENTIELLEMENT SYSTÉMATIQUE. 11sente ordinairement un système comme un tout qui a uncommencement, un milieu et une fin, et dont les partiessont unies par des rapports intimes et indissolubles. C'estbien là, en effet, la notion qu'on doit se former d'un système.Mais ainsi énoncée cette notion est vague et indéterminée,car l'essentiel est de déterminer la nature desélémentsqui composent ce tout, etcomment ces éléments seforment, se développent et se combinent.organique qu'il a mis en pièces. C'est ainsi, par exemple, qu'on commencepar isoler l'âme, en la séparant non-seulement de la nature et de l'univers,mais même du corps, et qu'après avoir circonscrit l'âme dans ces limitesartiGcielles, on invente une faculté qu'on appelle sens interne, à l'aide delaquelle, à ce que l'on prétend, on aperçoit tous les faits du monde intérieur.Mais comme l'âme est aussi en rapport avec le monde extérieur, etque ce monde extérieur c'est toujours l'âme qui l'aperçoit, on est bien obligéd'avoir recours à une autre faculté qu'on appelle sens externe. Or, ensupposant même que cette distinction soit fondée, nous voyons bien le sensexterne et le sens interne placés l'un à côté de l'autre, comme nous voyonsdeux objets matériels juxtaposés, mais nous ne voyons ni comment, nipourquoi ils sont ainsi juxtaposés, ni quel est leur rapport, ni quelle est leurdifférence, ni si réellement il y a un sens externe et un sens interne. Ou secomporte de la même manière vis-à-vis des autres facultés et des autres étatsou degrés de l'esprit. Nous voulons dire qu'on les isole, et qu'on les laisse dansleur état d'isolement, ou que si on les rapproche, on les place les uns à côté desautres d'une façon arbitraire, et sans suivre aucune règle, aucune méthodefixe et vraiment rationnelle. Ainsi, on voit bien la sensibilité à côté de l'entendement,l'entendement à côté de la volonté, ou à côté de la raison, etc.,mais ou ne voit pas le comment et le pourquoi de ces facultés, on ne voit pascomment et pourquoi elles se produisent et sont ainsi placées, on ne voit, end'autres termes, ni la nécessité interne qui fait que l'esprit passe d'unefaculté à une autre faculté, d'un état à un autre état, de la morale à lapolitique, de la politique à l'art, Je l'art à la religion, etc., ni l'unité, ni lebut suprême de ce mouvement. Cela fait qu'on a des fragments de l'esprit,mais qu'on n'a pas l'esprit; ou a un moi qui veut, un moi qui sent, unmoi qui pense, un moi politique, un moi religieux, mais on n'a pas le moidans l'unité de son essence et de son idée. Parmi les analystes modernes,Kant est peut-être celui qui fournit l'exemple le plus frappant de cette analysearbitraire et irrationnelle qui brise sans recomposer. Entre ses mains,l'esprit n'est plus qu'un agrégat, qu'une œuvre de marqueterie composée de
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sente ordinairement un système comme un tout qui a un
commencement, un milieu et une fin, et dont les parties
sont unies par des rapports intimes et indissolubles. C'est
bien là, en effet, la notion qu'on doit se former d'un système.
Mais ainsi énoncée cette notion est vague et indéterminée,
car l'essentiel est de déterminer la nature des
éléments
qui composent ce tout, et
comment ces éléments se
forment, se développent et se combinent.
organique qu'il a mis en pièces. C'est ainsi, par exemple, qu'on commence
par isoler l'âme, en la séparant non-seulement de la nature et de l'univers,
mais même du corps, et qu'après avoir circonscrit l'âme dans ces limites
artiGcielles, on invente une faculté qu'on appelle sens interne, à l'aide de
laquelle, à ce que l'on prétend, on aperçoit tous les faits du monde intérieur.
Mais comme l'âme est aussi en rapport avec le monde extérieur, et
que ce monde extérieur c'est toujours l'âme qui l'aperçoit, on est bien obligé
d'avoir recours à une autre faculté qu'on appelle sens externe. Or, en
supposant même que cette distinction soit fondée, nous voyons bien le sens
externe et le sens interne placés l'un à côté de l'autre, comme nous voyons
deux objets matériels juxtaposés, mais nous ne voyons ni comment, ni
pourquoi ils sont ainsi juxtaposés, ni quel est leur rapport, ni quelle est leur
différence, ni si réellement il y a un sens externe et un sens interne. Ou se
comporte de la même manière vis-à-vis des autres facultés et des autres états
ou degrés de l'esprit. Nous voulons dire qu'on les isole, et qu'on les laisse dans
leur état d'isolement, ou que si on les rapproche, on les place les uns à côté des
autres d'une façon arbitraire, et sans suivre aucune règle, aucune méthode
fixe et vraiment rationnelle. Ainsi, on voit bien la sensibilité à côté de l'entendement,
l'entendement à côté de la volonté, ou à côté de la raison, etc.,
mais ou ne voit pas le comment et le pourquoi de ces facultés, on ne voit pas
comment et pourquoi elles se produisent et sont ainsi placées, on ne voit, en
d'autres termes, ni la nécessité interne qui fait que l'esprit passe d'une
faculté à une autre faculté, d'un état à un autre état, de la morale à la
politique, de la politique à l'art, Je l'art à la religion, etc., ni l'unité, ni le
but suprême de ce mouvement. Cela fait qu'on a des fragments de l'esprit,
mais qu'on n'a pas l'esprit; ou a un moi qui veut, un moi qui sent, un
moi qui pense, un moi politique, un moi religieux, mais on n'a pas le moi
dans l'unité de son essence et de son idée. Parmi les analystes modernes,
Kant est peut-être celui qui fournit l'exemple le plus frappant de cette analyse
arbitraire et irrationnelle qui brise sans recomposer. Entre ses mains,
l'esprit n'est plus qu'un agrégat, qu'une œuvre de marqueterie composée de