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L<br />

L I B R A I R E D ’ U N J O U R<br />

PATRICE<br />

GODIN<br />

Les<br />

grands<br />

espaces<br />

L’acteur Patrice Godin, que l’on a vu au<br />

théâtre, à la télévision et au cinéma, est<br />

aussi ce qu’on appelle un ultramarathonien.<br />

En écrivant Territoires inconnus, une sorte<br />

de journal de bord qui retrace la voie d’un<br />

homme épris de liberté et d’indépendance,<br />

il se montre sous un autre jour. Si, lorsqu’il<br />

court, Patrice Godin ne se donne jamais le<br />

droit de regarder en arrière, dans l’écriture,<br />

il se permet ce coup d’œil par-dessus l’épaule<br />

afin de se rappeler le chemin parcouru.<br />

Par Isabelle Beaulieu<br />

© Michel Paquet<br />

8 • LES LIBRAIRES • DÉCEMBRE 2015 - JANVIER 2016<br />

L’ultramarathon, qui consiste à courir durant un minimum de six heures (et<br />

un maximum de six jours!), est une épreuve particulièrement intense où sont<br />

mis à profit le dépassement et la persévérance. Chez Patrice Godin, l’envie<br />

farouche des grands espaces et de hautes altitudes, au propre comme au figuré,<br />

se retrouvent partout, jusque dans ses lectures. S’il accorde une importance<br />

considérable à la course, la littérature prend également une grande place dans<br />

sa vie.<br />

La corrélation entre le livre et la course nous donne tout de suite l’idée d’évoquer<br />

l’auteur japonais Haruki Murakami qui a écrit Autoportrait de l’auteur en coureur<br />

de fond et pour qui courir est devenu nécessaire à son équilibre. Godin abonde<br />

dans le même sens : « Grâce à la course, j’ai réussi à me mettre sérieusement à<br />

l’écriture. Elle m’a apporté la discipline. » Tous les paliers de persévérance que<br />

l’on doit franchir lors d’un ultramarathon aident sûrement aussi à se donner<br />

les moyens de ses ambitions littéraires. Plus que l’activité même, la course est<br />

connotée de nombreuses métaphores. L‘attention dirigée vers la ligne d’horizon,<br />

l’importance de chaque pas qui compte dans la poursuite du but. Tous ces<br />

principes de patience et d’autodétermination que lui procure la course, il les<br />

retrouve aussi dans les livres.<br />

Patrice Godin est natif de Lac-Saint-Joseph, à proximité de Québec. Jeune, il lit<br />

des romans qu’il qualifie lui-même de faciles. Ce sont des livres écrits d’après<br />

des scénarios publiés par la maison d’édition J’ai lu. Il se souvient, par exemple,<br />

du titre Officier et gentleman. À l’adolescence, il se met à lire le maître incontesté<br />

de l’horreur, Stephen King, dont il retient particulièrement Simetierre.<br />

Lorsqu’il arrive à Montréal en 1987, près d’entamer ses études à l’École nationale<br />

de théâtre, il fait la découverte de Philippe Djian en tant qu’écrivain de 37°2<br />

le matin et Maudit manège, mais aussi en tant que conseiller littéraire. « C’est<br />

vraiment avec lui que j’ai eu la piqûre de la littérature parce que Philippe Djian,<br />

dans ses premiers romans, parlait beaucoup des auteurs qu’il aimait. C’est avec<br />

lui que j’ai découvert John Fante, Bukowski, Brautigan. » En partant du principe<br />

que les amis des amis sont des amis, le club a effectivement de bonnes chances<br />

de s’agrandir rapidement. « J’avais la jeune vingtaine, j’aimais beaucoup l’image,<br />

comme je pense que tous les jeunes ont, du poète maudit. » La figure de la<br />

jeunesse incomprise attirée par les paradis artificiels. « Même si le personnage de<br />

Djian dans ces années-là avait plus 30-35 ans, étrangement je me reconnaissais<br />

en lui dans mon appartement sur le Plateau Mont-Royal à fumer des cigarettes,<br />

boire de l’alcool et courir après les belles filles. »<br />

Avec Patrice Godin, il est donc possible d’authentifier le dicton « Dites-moi ce<br />

que vous lisez, je vous dirai qui vous êtes ». Il est en effet étonnant de constater<br />

qu’en parcourant la bibliothèque d’un lecteur, on peut y voir une bonne partie<br />

de son évolution. Avant, c’était la bohème, aujourd’hui, c’est la course. Entre<br />

autres inspirations, Born to Run : né pour courir de Christopher McDougall. Un<br />

classique du genre. Dans ses découvertes récentes, on trouve un livre au titre<br />

fort inspirant, Marcher ou l’art de mener une vie déréglée et poétique d’un auteur<br />

norvégien, Tomas Espedal. Un livre pris au hasard lors d’une visite impromptue<br />

dans une librairie de Québec, le récit de vie d’un type qui quitte tout et qui<br />

se met à marcher, tout simplement, parcourant ainsi la Norvège et révélant<br />

des écrivains qui l’ont marqué. « Ce matin même, je suis allé m’acheter Eat &

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