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É<br />

l i t t é r a t u r e É T R A N G È R E<br />

ENTREVUE<br />

MONICA<br />

SABOLO<br />

Une<br />

écrivaine<br />

hantée<br />

Crans-Montana. Sophia Loren,<br />

Roger Moore ou Michèle Morgan<br />

s’y baladaient, cheveux au vent.<br />

Ça paraissait bien d’y skier en<br />

hiver ou d’y prendre un bain<br />

de soleil au bord de l’eau en été.<br />

L’écrivaine française Monica Sabolo<br />

s’est inspirée de cette station<br />

touristique suisse pour dérouler<br />

les destinées d’une jeunesse qui<br />

s’étiole à travers l’opulence et une<br />

quête existentielle.<br />

Par Claudia Larochelle<br />

© Mathieu Zazzo<br />

26 • LES LIBRAIRES • DÉCEMBRE 2015 - JANVIER 2016<br />

Bonjour tristesse. Ce roman aurait aussi bien pu s’intituler ainsi si la grande<br />

Sagan n’avait pas déjà utilisé ce titre en 1954. Cette atmosphère de lassitude<br />

et de mélancolie enivre au fil de pages imaginées par une Monica Sabolo qui<br />

avoue avoir été hantée par son histoire après être tombée sur l’album photo<br />

d’une amie de la famille revue récemment. Ces clichés datant d’années allant<br />

de 1967 à 1974 laissaient entrevoir des jeunes de cette époque passée en<br />

vacances à Crans-Montana; étincelant dans la lumière, tous si beaux, sveltes,<br />

avec cette dégaine singulière des gosses de riches qui ne manquent de rien,<br />

sauf peut-être de l’essentiel... « Ce qui m’a frappée, c’est le fossé entre l’image<br />

idyllique et la réalité… Cette amie m’a alors révélé que tout n’était pas si<br />

lisse, qu’un malaise planait, que les sentiments restaient intérieurs, que non,<br />

ce n’était pas si simple pour eux… », déclare Sabolo, jointe chez elle à Paris.<br />

Ex-rédactrice en chef des pages culturelles du magazine féminin Grazia,<br />

celle qui consacre désormais sa vie à la fiction a été secouée par la force<br />

de ces photos, si bien que, pour s’imprégner, elle est retournée dans cette<br />

station située dans la partie francophone du canton du Valais en Suisse où<br />

elle-même était allée petite et adolescente avec ses parents. « Beaucoup<br />

d’impressions sont venues et le troisième jour, je ne sortais plus de ma<br />

chambre. Puis, je l’ai écrit en dix mois tellement j’étais habitée. J’avais du mal<br />

à faire autre chose. J’étais dans un état très souterrain, antérieur, comme si je<br />

faisais de la spéléologie. »<br />

Les 3 C<br />

Ce texte, elle semblait le porter en elle depuis toujours, tant il lui est venu<br />

naturellement, y compris ses personnages qui ont tout à vivre et à prouver,<br />

aussi bien les garçons que les filles, dont les fameuses 3 C qui nous obsèdent<br />

encore longtemps après la lecture de Crans-Montana (ne pas prononcer le s).<br />

Elles s’appellent donc Claudia, Chris et Charlie. Elles se tiennent ensemble,<br />

forment presque une seule et même femme, l’idéal de ces garçons qui<br />

découvrent l’autre sexe comme s’il s’agissait de l’inaccessible étoile en<br />

espérant toucher leur peau douce, leurs cheveux fins, sentir leur haleine de<br />

gomme à mâcher Hollywood, y goûter un peu. « Elles étaient des apparitions<br />

auxquelles nous rêvions, de retour dans nos appartements bourgeois,<br />

repassant les souvenirs de nos vacances comme des diapositives où elles<br />

défilaient, éclaboussées de lumières, chuchotant des mots doux dans une<br />

langue secrète. Elles étaient nos premiers amours, et toutes les autres femmes<br />

de nos vies ensuite seraient comparées à elle, et aucune ne pourrait jamais<br />

effacer leurs fantômes », écrit Sabolo.

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