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Démocratie

extrait du bulletin n°25 - RCN Justice & Démocratie

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A l’heure où RCN J&D se pose la question d’un plus grand engagement dans la lutte contre l’impunité<br />

en matière de violences sexuelles, Florence Liégeois, Responsable du programme Congo,<br />

met en balance cette volonté de justice avec toutes les contraintes et interrogations inhérentes à<br />

la problématique des violences sexuelles.<br />

Le petit édito de Florence...<br />

Difficile de travailler en RDC dans le secteur de la justice<br />

sans être confronté tôt ou tard à la question des violences<br />

sexuelles : parce que le Congo est un pays fragile qui sort<br />

de plusieurs années de guerre et de conflits, parce que les<br />

processus de démobilisation ne sont pas terminés ou pas<br />

toujours réussis, parce que la femme, malgré le volontarisme<br />

et le dynamisme des "mamans" pour se faire reconnaître,<br />

ne bénéficie pas du respect qui lui est dû. Parce<br />

que, comme dans nombres de conflits, le corps de la<br />

femme est devenu un champ de bataille. Conflits qui banalisent<br />

une violence masculine extrême à laquelle les<br />

femmes sont désormais exposées dans la sphère privée ou<br />

communautaire.<br />

En août 2006, suite à la promulgation de la loi portant<br />

modification du code pénal, RCN J&D a abordé la question<br />

des violences faites aux femmes, et particulièrement<br />

des violences sexuelles. Pendant quelques semaines, les<br />

équipes de Kinshasa et Lubumbashi ont mis en œuvre des<br />

actions de formations pour les professionnels de la justice<br />

et des actions de vulgarisation de la loi pour les acteurs<br />

de la société civile et la population en général.<br />

Néanmoins, la question n'avait été qu'effleurée, le<br />

temps de se rendre compte du long chemin encore à parcourir.<br />

RCN J&D s'interroge désormais sur un engagement<br />

plus long et plus conséquent dans le domaine de la lutte<br />

contre l'impunité en matière de violences sexuelles.<br />

Sujet délicat, lié à l'intime autant qu'à la représentation<br />

de la femme dans la société, qui pourtant focalise actuellement<br />

l'attention de la communauté internationale, notamment<br />

dans l'est du pays.<br />

Les questionnements sont nombreux, tout comme les<br />

écueils à éviter. La lutte contre l'impunité requiert évidemment<br />

un impact de grande échelle afin d'inverser les<br />

tendances : s'il doit y avoir une stigmatisation dans les cas<br />

de violences sexuelles, elle doit porter sur les auteurs et<br />

non sur les victimes. Néanmoins, l'exemplarité des jugements<br />

n'aura d'efficacité que médiatisée et répétée. Mais<br />

les victimes souhaitent-elles aller en justice ? Souhaitentelles<br />

témoigner, et relater en public l'agression subie<br />

(même en huis clos, le personnel judiciaire et la défense<br />

constituent déjà un "public") ? Les femmes qui arrivent<br />

jusque là seront sans doute les plus fortes, pour avoir<br />

franchi toutes les étapes antérieures : examen médical,<br />

éventuellement suivi psycho-social, rencontre avec une<br />

organisation de soutien aux victimes, puis contact avec un<br />

avocat ou un défenseur judiciaire, dépôt de la plainte<br />

auprès d'un OPJ, enrôlement du dossier au greffe… Il<br />

s'agit donc de proposer aux victimes un accès à la justice<br />

et une réponse judiciaire adéquate sans forcer la démarche.<br />

Encore la victime doit-elle agir avec célérité : obtenir<br />

un certificat médical, qui, même si le dossier n'est instruit<br />

que plus tard, constituera le principal élément de preuve.<br />

En l'absence de médecine légale, les intervenants judiciaires<br />

et médicaux d'une même zone pourraient se concerter<br />

pour élaborer un modèle commun de dossier de suivi<br />

et de certificat médical. Et éviter à la victime de relater<br />

son agression à plusieurs interlocuteurs aux différentes<br />

étapes de la procédure. En RDC, il est inutile à ce stade<br />

d'envisager des techniques d'enquêtes pointues telles que<br />

les tests d'ADN. Mais bien souvent les victimes parviennent<br />

à identifier leurs agresseurs.<br />

Se pose aussi la question de la prise en charge de ces cas<br />

par des personnels féminins. De manière générale la féminisation<br />

de la profession est souhaitable, et sans doute<br />

qu'une policière recevra avec plus d'attention et de sensibilité<br />

une victime de violences sexuelles. Cependant, il<br />

faut se méfier de vouloir systématiquement confier ces<br />

dossiers à des femmes. D'abord parce qu'une décision<br />

judiciaire rendue par une femme sera peut-être moins<br />

bien acceptée par l'auteur, que ce soit un individu isolé<br />

ou les membres d'un groupe armé. Ensuite, parce qu’un<br />

des objectifs de la lutte contre l'impunité et de l'exemplarité<br />

des jugements est le changement des mentalités. Il<br />

est donc crucial d'amener les personnels judiciaires, policiers<br />

et magistrats à se questionner et à inverser leur regard<br />

sur les actes de violences sexuelles. De par leur rôle<br />

dans la société, ils doivent, sinon montrer l'exemple, tout<br />

au moins appliquer correctement la loi.<br />

Vient ensuite la question de la réparation. Outre les<br />

séquelles physiques, l’évaluation du préjudice, à la différence<br />

de l’Europe, portera sur des critères économiques<br />

plus que sur un préjudice moral ou psychologique : l’indigence<br />

de la victime délaissée par son époux ou exclue de<br />

sa communauté ; l’incapacité à travailler suite à des complications<br />

médicales. Mais qui pourra assumer la charge<br />

de la réparation ? Bien souvent, l’auteur est aussi démuni<br />

que sa victime. Certes, celle-ci pourra être satisfaite de la<br />

reconnaissance de son statut de victime, et, par exemple,<br />

d’une peine de réclusion. Mais ses conditions de vie en<br />

seront-elles meilleures ? Soulignons que le taux d’exécution<br />

des jugements en RDC ne dépasse pas les 5% et que<br />

les lieux de détention ne sont pas fiables. Il y a des juge-

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