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TERRILS ET FRICHES INDUSTRIELLES

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Photo : B. Destiné<br />

10<br />

<strong>TERRILS</strong> <strong>ET</strong> <strong>FRICHES</strong> <strong>INDUSTRIELLES</strong><br />

PRÉSENTATION GÉNÉRALE<br />

Le développement important des industries minières et métallurgiques dans le Nord/Pas-de-Calais a marqué<br />

d’une forte empreinte les paysages régionaux. Les résidus d’exploitation de ces industries en ont laissé des<br />

traces particulières, parfois indélébiles, les terrils étant les plus célèbres “montagnes“ de ce pays plat. Ces terrils<br />

sont des zones de dépôt édifiées à partir des rejets de mines de charbon, visibles sous la forme de plates-formes<br />

d’étendue variable pour les plus anciens et de cônes pouvant atteindre plus de 100 mètres de hauteur pour les<br />

plus récents. Ces différentes morphologies retracent l’évolution de la technologie minière. Les terrils se<br />

répartissent dans tout le bassin minier qui s’étend d’Estrée-Blanche à Valenciennes, de la plaine de la Gohelle<br />

jusqu’à la plaine de l’Escaut. La région a compté plus de 250 terrils dont un grand nombre n’existe plus du fait<br />

de la valorisation des déchets de mines (charbon et schistes rouges issus de la combustion interne des terrils).<br />

À côté des 1 milliard 750 millions de tonnes de charbon extraites dans la région de 1720 à 1970, 450 millions<br />

de m 3 de déblais ont été extraits des profondeurs de la terre. Les roches ainsi mises à jour et entassées au fur<br />

à mesure de l’exploitation ont constitué pour la flore des terrains vierges et libres d’occupation dès l’arrêt des<br />

dépôts puis de l’exploitation minière. En raison de la nature même des matériaux, les terrils ont représenté<br />

autant d’îles rocheuses disséminées dans un océan de limons pour de nombreuses espèces jusque-là inconnues<br />

sous nos latitudes ou confinées à des espaces réduits.<br />

De manière plus anecdotique mais tout aussi remarquable, certaines aires de rejets d’usines très riches en<br />

métaux lourds toxiques (plomb, zinc, cadmium) ont donné naissance à des sols tellement pollués que seule la<br />

flore spécifique des sols calaminaires (sols exceptionnellement riches en métaux), originaire de régions éloignées<br />

d’Allemagne, a pu coloniser ces terrains... parfois aidée par les industriels locaux ! Les exemples les plus<br />

caractéristiques concernent les pelouses métallicoles des environs d’Auby et de Mortagne.<br />

<strong>TERRILS</strong> <strong>ET</strong> <strong>FRICHES</strong> <strong>INDUSTRIELLES</strong><br />

PLANTES PROTÉGÉES <strong>ET</strong> MENACÉES DU NORD/PAS-DE-CALAIS - 395


PATRIMOINE FLORISTIQUE<br />

Bien que d’origine artificielle, certains terrils possèdent un<br />

patrimoine floristique de grand intérêt. Du fait de la nature<br />

pierreuse du substrat et des roches qui les composent, les terrils<br />

constituent des écosystèmes insulaires au sein des plateaux et<br />

plaines cultivées, souvent recouvertes de limons. À milieu<br />

nouveau, flore nouvelle : plusieurs espèces autrefois inconnues<br />

de la région ont élu domicile sur les terrils. Le cas le plus<br />

symbolique est peut-être celui de la Patience à écussons (Rumex<br />

scutatus), espèce montagnarde des éboulis qui, bien qu’au<br />

départ probablement introduite volontairement, a rencontré sur<br />

les pentes rocheuses instables des terrils un nouveau territoire à<br />

exploiter. Les terrils se comportent aussi comme des milieux<br />

refuges ou de substitution pour de nombreuses espèces pionnières dont les habitats d’origine ont été détruits. La<br />

Corrigiole des rivages (Corrigiola litoralis), espèce des grèves d’étangs, apparaît sur les schistes souvent<br />

temporairement inondés de quelques terrils plats. Quelques espèces autrefois communes dans les champs ne se<br />

maintiennent bien dans la région que sur les terrils, exempts de traitements herbicides. C’est le cas du Galéopse à<br />

feuilles étroites (Galeopsis angustifolia) ou de l’Alsine à feuilles ténues (Minuartia hybrida). Cet archipel schisteux<br />

a aussi été mis à profit par plusieurs espèces acidiphiles des sols maigres et filtrants qui ont découvert là un terrain<br />

d’extension propice. Les petites graminées du genre Aïra (Aira praecox et A. caryophyllea) ou encore la Cotonnière<br />

naine (Filago minima) sont maintenant plus répandues sur l’arc minier que dans leurs milieux d’origine (sables<br />

littoraux décalcifiés et pelouses sableuses de l’Ostrevent et de l’Avesnois). Il en est de même de nombreuses<br />

espèces des friches qui sont d’apparition fugace en dehors de ces habitats (présence transitoire lors de travaux,<br />

jachères) : plusieurs espèces de molènes (Verbascum), d’épilobes (Epilobium), d’onagres (Oenothera) y trouvent<br />

des conditions optimales.<br />

Sortie de<br />

découverte de la<br />

flore des terrils à<br />

Rieulay (59)<br />

Photo : B. Destiné<br />

MENACES, PROTECTION, CONSERVATION<br />

Au moment du déclin des mines, les terrils ont stigmatisé à la fois un passé terrible, révolu, que l’on voulait effacer<br />

et une époque glorieuse dont les habitants tirent aujourd’hui une fierté méritée. Sortis tout droit des entrailles de<br />

la terre, érigés lors de la conquête industrielle, les terrils, proéminences du paysage du Nord/Pas-de-Calais, sont<br />

vite devenus un identifiant de la société régionale. Les terrils sont passés du statut de déchet à celui de patrimoine<br />

historique. Avec la montée de la conscience écologique, les terrils ont acquis une dimension patrimoniale<br />

supplémentaire en raison de leurs richesses naturelles.<br />

Mais les terrils sont aussi l’objet de multiples convoitises : réserves de matières premières pour les uns, espaces à<br />

effacer par de nouvelles vocations (tourisme, détente...) pour les autres. Les plus anciens contiennent encore du<br />

charbon. La combustion interne, provoquée par la pression et l’inflammabilité des résidus combustibles, a donné<br />

naissance aux schistes rouges, utilisés dans les travaux publics et les aménagements paysagers. Plusieurs terrils ont<br />

ainsi connu une seconde vie industrielle et ont disparu du paysage dont ils étaient devenus familiers. Ailleurs, la<br />

requalification des friches minières a parfois entraîné la banalisation de la flore du fait des aménagements<br />

touristiques, sportifs ou paysagers et de l’ensemencement des schistes avec des mélanges de graines plus ou<br />

moins adaptés. De ce fait, la flore si caractéristique des terrils a été remplacée dans divers secteurs par des gazons<br />

peu intéressants sur le plan écologique et patrimonial. De même, des plantations d’arbres et d’arbustes pas<br />

nécessairement indigènes ni les plus appropriés ont parfois été réalisées, alors que d’intéressants boisements<br />

396 - PLANTES PROTÉGÉES <strong>ET</strong> MENACÉES DU NORD/PAS-DE-CALAIS


pionniers à base de bouleaux (Betula pendula) se mettent en place, avant d’évoluer spontanément vers des<br />

groupements forestiers plus diversifiés. Devant ces menaces, des stratégies de conservation se dessinent pour<br />

identifier les terrils les plus importants sur le plan biologique et écologique. Les collectivités, conscientes de ce<br />

patrimoine, cherchent aujourd’hui, à protéger ces véritables laboratoires naturels pour l’étude de la dynamique<br />

végétale et animale, soit dans le cadre de leur politique “Espaces naturels sensibles“ pour les Départements, soit<br />

par d’autres actions menées par les communes ou par la Région Nord/Pas-de-Calais.<br />

TRANSECT 11<br />

<strong>TERRILS</strong> <strong>ET</strong> <strong>FRICHES</strong> <strong>INDUSTRIELLES</strong><br />

Dessin : F. Hendoux<br />

SITES CALAMINAIRES<br />

Issus de l’exploitation de roches riches en métaux lourds, les sols calaminaires possèdent une flore hautement<br />

spécialisée. Celle-ci, relativement diversifiée dans les régions où l’on trouve naturellement ces sols, est beaucoup<br />

plus pauvre dans le Nord/Pas-de-Calais. Ainsi, quelques espèces de plantes supérieures mais aussi des mousses et<br />

des lichens ne s’observent dans la région que sur ce type de dépôts artificiels. À côté de ces espèces très<br />

spécialisées, on trouve aussi des plantes fréquentes dans d’autres milieux mais dont les populations calaminaires<br />

possèdent des caractères génétiques propres qui leur confèrent une capacité physiologique à se développer sur<br />

des sols riches en plomb, cadmium et zinc. La flore et la végétation des<br />

sols calaminaires se distribuent en fonction de la teneur en métaux<br />

lourds du sol. Sur les sols les plus pollués, l’Armérie de Haller<br />

(Armeria maritima subsp. halleri) et la Cardaminopside de Haller<br />

(Cardaminopsis halleri) sont pratiquement les seules espèces<br />

présentes. Au-delà de ces secteurs, le Fromental<br />

(Arrhenatherum elatius) forme des prairies hautes en se<br />

mêlant aux espèces précédentes.<br />

Armérie de Haller<br />

(Armeria maritima<br />

subsp. halleri), plante<br />

métallophile des<br />

crassiers industriels de<br />

Mortagne-du-Nord<br />

Photo : G. Lemoine<br />

PLANTES PROTÉGÉES <strong>ET</strong> MENACÉES DU NORD/PAS-DE-CALAIS - 397


Bétulaie<br />

spontanée sur<br />

un terril à<br />

Roost-<br />

Warendin (59)<br />

Photo : D. Mercier<br />

<strong>TERRILS</strong> DU BASSIN HOUILLER<br />

Les terrils possèdent des caractéristiques différentes selon la<br />

nature des roches déposées (compositions granulométrique et<br />

chimique), mais aussi selon leur localisation. Ainsi, les terrils<br />

situés en bordure des collines de l’Artois présentent des sols plus<br />

riches en bases du fait de l’apport éolien de poussières crayeuses<br />

ou de l’extraction de matériaux riches en carbonates lors de<br />

l’exploitation du charbon. En revanche, tous les terrils sont peu<br />

rétentifs en eau et hébergent une flore adaptée à des terrains<br />

secs. Seules quelques ornières tassées peuvent très localement<br />

héberger une flore hygrophile. Une des caractéristiques les plus<br />

curieuses des terrils correspond aux zones de combustion . Les résidus riches en carbone et en éléments<br />

oxydables associés à la pression imposée par le poids des déblais permettent l’auto-combustion du terril. Grâce<br />

aux fissures et à l’effondrement du sol provoqué par cette combustion, la température du substrat en surface peut<br />

atteindre plus de 50 degrés. Ces zones très particulières sont occupées par une flore pauvre mais très spécifique.<br />

On y note notamment le Pourpier potager (Portulaca oleracea) . La végétation des terrils s’organise en fonction<br />

du degré de la pente et de la granulométrie. Sur les zones les plus pentues , on rencontre l’association des<br />

pierriers à Patience à écussons (Rumex scutatus). Au contraire, les replats, composés de cailloux fins, sont le<br />

domaine de la pelouse , souvent dominée par l’Épervière piloselle (Hieracium pilosella). Les lapins jouent un<br />

grand rôle dans le maintien et le développement de ces pelouses. En broutant régulièrement la végétation, ils<br />

favorisent les plantes de petite taille et empêchent les grandes herbes de se développer. De nombreuses mousses<br />

telles que les Polytrics (Polytrichum sp.) ou le Campylope (Campylopus introflexus), espèce invasive originaire<br />

d’Australie et des lichens s’associent aux plantes de petite taille. Les friches sont quant à elles particulièrement<br />

développées sur les terrils où les sols remués leur conviennent. C’est le domaine du Panais brûlant (Pastinaca sativa<br />

subsp. urens), de la Carotte commune (Daucus carota subsp. carota), du Picride fausse-épervière (Picris<br />

hieracioides), du Millepertuis perforé (Hypericum perforatum) et de la Vipérine commune (Echium vulgare).<br />

L’environnement immédiat du terril influe aussi beaucoup sur sa végétation. À proximité des zones forestières, le<br />

Bouleau verruqueux (Betula pendula) colonise très tôt les terrils et forme rapidement des boisements clairs . En<br />

vieillissant , ils évoluent vers des<br />

forêts dont la composition est proche<br />

de celles des sols acides filtrants de la<br />

région avec le Chêne sessile (Quercus<br />

petraea), le Sorbier des oiseleurs<br />

(Sorbus aucuparia) et bien sûr<br />

toujours les bouleaux [Betula pendula<br />

plus souvent mais parfois aussi le<br />

Bouleau pubescent (Betula alba) ainsi<br />

que leur hybride]. C’est le stade ultime<br />

de la dynamique végétale sur les<br />

terrils.<br />

Végétation des<br />

friches à<br />

Millepertuis<br />

perforé<br />

(Hypericum<br />

perforatum) sur<br />

le terril de<br />

Rieulay<br />

Photo : B. Destiné<br />

398 - PLANTES PROTÉGÉES <strong>ET</strong> MENACÉES DU NORD/PAS-DE-CALAIS

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