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Les relations entre syndicats de salariés - Centre d'histoire sociale ...

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<strong>Les</strong> <strong>relations</strong> <strong>entre</strong> <strong>syndicats</strong> <strong>de</strong> salariés<br />

et mouvement associatif au regard <strong>de</strong> la micro histoire :<br />

L'exemple du département <strong>de</strong> la Vienne <strong>entre</strong> 1944 et 1968<br />

Appréhen<strong>de</strong>r les <strong>relations</strong> <strong>entre</strong> organisations syndicales et associations en réduisant l’échelle<br />

d’analyse à un département ou une agglomération est - il pertinent sur le plan scientifique, alors<br />

que cette problématique reste largement à approfondir et que les travaux sur le sujet restent<br />

relativement rares 1 ? Faute <strong>de</strong> comparaison possible, le chercheur est donc contraint <strong>de</strong> construire<br />

sa propre grille d’analyse, tout en évitant <strong>de</strong> sombrer dans la stricte monographie qui n’aurait pas<br />

pour ambition <strong>de</strong> nourrir la synthèse. Nous plaidons pour la complémentarité <strong>de</strong>s échelles<br />

d’analyse 2 . Aussi, le cadre départemental se prête à l’investigation, l’essentiel <strong>de</strong>s organisations<br />

militantes, ayant choisi une structuration qui épouse les contours <strong>de</strong> cette entité administrative.<br />

Reste à s’accor<strong>de</strong>r sur les organisations soumises au regard du chercheur. En nombre plus limité,<br />

bien que croissant, les organisations syndicales sont aisément repérables. La CGT, la CGT-FO,<br />

la CFTC puis la CFDT se partagent l’essentiel <strong>de</strong>s effectifs syndiqués dans le département. Nous<br />

laissons délibérément <strong>de</strong> côté la question du syndicalisme enseignant et son puissant réseau qui<br />

mériteraient un travail spécifique. Au regard du nombre, <strong>de</strong> la diversité et <strong>de</strong> leur caractère<br />

éphémère, nous ne considérerons que les associations ayant eu directement ou implicitement les<br />

rapports avec les <strong>syndicats</strong>.<br />

La documentation disponible est inégale. Globalement les archives relatives aux <strong>syndicats</strong><br />

<strong>de</strong>meurent mieux conservées et en quantité plus abondante « grâce », <strong>entre</strong> autre, à la<br />

surveillance policière dont ils font l’objet, que celles qui concernent les associations, ces<br />

<strong>de</strong>rnières ayant moins <strong>de</strong> moyens pour conserver leur documentation.<br />

Associations et <strong>syndicats</strong> ont une histoire et <strong>de</strong>s préoccupations communes <strong>entre</strong> 1944 et 1968.<br />

<strong>Les</strong> uns comme les autres ont connu une pério<strong>de</strong> inédite <strong>de</strong> formidable effervescence et dans les<br />

années <strong>de</strong> l’immédiat après guerre, mais aussi un reflux important dès la fin <strong>de</strong>s années quarante.<br />

La crise déstructurant les liens sociaux traditionnels que rencontre le département au cours <strong>de</strong>s<br />

années cinquante et soixante, influe sur les combinaisons organisationnelles possibles, déjà<br />

largement déterminées par les enjeux politiques et sociaux du moment et le souhait <strong>de</strong>s militants<br />

<strong>de</strong> retrouver la dynamique <strong>de</strong>s années précé<strong>de</strong>ntes.<br />

1 Une recension <strong>de</strong>s travaux déjà réalisés à partir <strong>de</strong> la Bibliographie Annuelle <strong>de</strong> l’Histoire <strong>de</strong> France <strong>de</strong>puis les<br />

vingt <strong>de</strong>rnières années rend compte <strong>de</strong> la quasi inexistence <strong>de</strong> travaux à ce sujet. En 1990 la rubrique Associations et<br />

Syndicats est remplacée par la rubrique Syndicats.<br />

2 Denis Michel « L’approche régionale » L'histoire et le métier d'historien en France, 1945-1995, sous la dir. <strong>de</strong><br />

François Bédarida, Paris : Éd. <strong>de</strong> la MSH, 1995, pp. 187-200, et Pierre-André Rosental « Qu’est ce qu’une ressource<br />

locale ? Homéostasie et microanalyse en histoire <strong>sociale</strong> », Revue <strong>de</strong> synthèse, n°1, janvier-mars 2001, pp. 71-91<br />

1


PREMIERE PARTIE<br />

LES SYNDICATS ET LEURS RESEAUX ASSOCIATIFS : DES<br />

REVELATEURS CULTURELS ?<br />

A. La CGT : Un réseau important et idéologiquement marqué.<br />

Des organisations syndicales implantées dans le département <strong>de</strong> la Vienne, la CGT possè<strong>de</strong><br />

assurément le réseau associatif le plus important <strong>de</strong> la Libération à 1968. Quatre pério<strong>de</strong>s<br />

distinctes se succè<strong>de</strong>nt. De 1945 à 1948 <strong>de</strong> nombreuses initiatives sont menées conjointement<br />

avec différentes associations, incluant parfois la CFTC. La pluralité <strong>de</strong>s courants politiques au<br />

sein <strong>de</strong> la CGT, la multiplication <strong>de</strong>s problèmes liés au ravitaillement ainsi que la quête <strong>de</strong><br />

légitimité <strong>de</strong> nombreuses structures favorisent les initiatives communes. Ainsi une commission<br />

unique pour l’assainissement <strong>de</strong>s prix voit le jour en 1946 regroupant l’Union <strong>de</strong>s Femmes<br />

Françaises (UFF), l’Association Départementale <strong>de</strong>s Prisonniers <strong>de</strong> Guerre (ADPG), <strong>de</strong>s<br />

associations familiales, la CGT et la CFTC 3 .<br />

La bipolarisation du mon<strong>de</strong> a <strong>de</strong>s répercutions sur les organisations constitutives du champ<br />

militant. L’Union Départementale CGT qui a <strong>de</strong>puis le mois <strong>de</strong> juin 1947 une majorité <strong>de</strong> cadres<br />

communiste privilégie, malgré ses démentis, les <strong>relations</strong> avec les associations appartenant au<br />

« conglomérat communiste ». A terme, cette stratégie ne lui est guère profitable car, comme elle,<br />

les associations telles que les Combattants <strong>de</strong> la paix ou bien l’UFF sont en nette perte <strong>de</strong> vitesse<br />

au début <strong>de</strong>s années cinquante. Aussi, en mars 1953, alors que plusieurs responsables<br />

confédéraux <strong>de</strong> la CGT sont interpellés, l’UD CGT <strong>de</strong> la Vienne met en place avec l’UFF,<br />

l’UJRF, les FTP, le MLP et le PCF un comité d’action pour la défense <strong>de</strong>s emprisonnés et <strong>de</strong>s<br />

libertés 4 . Cette initiative, qui se traduit par <strong>de</strong>s meetings et interpellations <strong>de</strong>s pouvoirs publics,<br />

malgré l’énergie mise à l’œuvre par ses promoteurs, se sol<strong>de</strong> par un échec et participe à la<br />

raréfaction <strong>de</strong>s initiatives communes dans les années qui suivent.<br />

A compter <strong>de</strong> 1954 la stratégie <strong>de</strong> la CGT tend à privilégier l’Unité d’Action avec les autres<br />

organisations syndicales délaissant les associations avec lesquelles elle travaillait<br />

antérieurement 5 .<br />

Ce n’est qu’à partir <strong>de</strong> 1964-1965 dans un contexte social renouvelé, et l’arrivée d’une nouvelle<br />

génération dans l’espace militant que se renouent <strong>de</strong>s <strong>relations</strong> <strong>entre</strong> la CGT et un certain nombre<br />

d’associations autour <strong>de</strong> thématiques pacifistes notamment.<br />

Entre 1944 et 1968, les <strong>relations</strong> <strong>entre</strong> associations et la CGT ne se limitent pas aux apparitions<br />

publiques. Aussi l’UD CGT disposant <strong>de</strong> ressources financières et <strong>de</strong> moyens plus importants<br />

peut ai<strong>de</strong>r sur le plan matériel et exceptionnellement certaines organisations, comme l’UJRF 6 .<br />

Sans qu’il soit possible <strong>de</strong> déterminer et <strong>de</strong> recenser l’ensemble <strong>de</strong> ces phénomènes il parait<br />

plausible qu’ils aient perduré d’autant que le comité fédéral du Parti Communiste constitue un<br />

véritable carrefour et un lieu d’échange régulier, et <strong>de</strong> sociabilité, <strong>entre</strong> responsables associatifs<br />

et syndicaux participant à la consolidation du « conglomérat communiste ». L’exécutif fédéral<br />

comprend en effet aux côtés <strong>de</strong>s secrétaires départementaux ou d’Unions locales les principaux<br />

3 La Nouvelle République n° 705, du 10.12.1946, p. 3, AD Vienne, 51 Jx 2<br />

4 Note d’information n°299 du 10.03.1953, AD Vienne, 1 W 2979.<br />

5 Cette question est notamment discutée au sein du PCF : note d’information n°192 du 19.02.1953, AD Vienne, 1 W<br />

3165.<br />

6 Entretien avec Jeanne Fromonteil, née en 1929, recueilli le 21.10.2003 et note d’information n° 1356 du 8.12.1954,<br />

AD Vienne, 1 W 2979.<br />

2


cadres <strong>de</strong> la FNDIRP, <strong>de</strong> l’UFF, du mouvement <strong>de</strong> la paix, du mouvement <strong>de</strong>s Vaillants, <strong>de</strong> la<br />

FNAA, ou <strong>de</strong> l’ADPG 7 .<br />

Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s actions collectives, quelle est l’implication <strong>de</strong>s syndicalistes dans le tissu associatif ?<br />

Il semble que, pour la pério<strong>de</strong> étudiée, le double engagement <strong>de</strong>meure relativement limité surtout<br />

au sein d’associations à dominante militante. Dans les faits les associations <strong>de</strong> parents d’élèves,<br />

ou bien à caractère sportif ou encore <strong>de</strong> défense <strong>de</strong> locataires ont la préférence <strong>de</strong>s militants<br />

syndicaux 8 .<br />

B. La CFTC-CFDT et l’utilisation <strong>de</strong>s associations comme lieu <strong>de</strong> sociabilité.<br />

Malgré la prégnance du phénomène religieux dans la Vienne, la CFTC reste, <strong>entre</strong> 1944 et 1968,<br />

une organisation mo<strong>de</strong>ste tant sur le plan <strong>de</strong> l’audience que sur celui <strong>de</strong> l’activité. Si la CFTC<br />

puis la CFDT collaborent avec <strong>de</strong>s structures associatives, force est <strong>de</strong> constater que les liens<br />

<strong>de</strong>meurent distendus, phénomène qui d’ailleurs s’accroît dès le début <strong>de</strong>s années cinquante.<br />

Véritable vivier <strong>de</strong> militants pour le syndicalisme chrétien, l’Action Catholique Ouvrière et la<br />

Jeunesse Ouvrière Chrétienne vont fournir plusieurs cadres à la CFTC <strong>entre</strong> 1944 et le milieu<br />

<strong>de</strong>s années cinquante, sans être la seule voie d’accès aux plus hautes fonctions. Ma<strong>de</strong>leine Marit<br />

secrétaire générale <strong>de</strong> l’UD CFTC et actrice <strong>de</strong> la déconfessionnalisation <strong>de</strong> cette structure<br />

incarne le parcours <strong>de</strong> nombreux autres militants. Née en 1925, elle obtient en 1943 un CAP<br />

grâce aux cours dispensés par les <strong>syndicats</strong> chrétiens. En 1945, elle rejoint la JOC ou elle<br />

participe aux journées <strong>de</strong> réflexion et aux formations. En 1947, elle est élue prési<strong>de</strong>nte locale <strong>de</strong><br />

la JOC, avant <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir responsable <strong>de</strong> l’ACO en 1952, année ou elle s’engage à la CFTC au<br />

sein <strong>de</strong> laquelle elle occupe différents mandats dans les années 1950-1960 9 .<br />

L’ACO et la JOC se présentent dès lors comme <strong>de</strong>s associations complémentaires du<br />

syndicalisme en participant à la formation <strong>de</strong>s futurs cadres qui sont rapi<strong>de</strong>ment opérationnels<br />

dans leurs fonctions ultérieures.<br />

<strong>Les</strong> liens qui unissent les <strong>de</strong>ux structures ne se limitent pas à cette fonction. Des initiatives<br />

collectives sont possibles telle que la constitution à la fin <strong>de</strong> l’année 1945 d’un comité <strong>de</strong> santé<br />

ouvrier composé <strong>de</strong> la JOC <strong>de</strong> la JOCF et <strong>de</strong> la CFTC 10 D’autres initiatives sont menées <strong>de</strong><br />

concert avec <strong>de</strong>s associations familiales catholiques jusqu’à la fin <strong>de</strong>s années 1940. <strong>Les</strong><br />

transformations idéologiques et stratégiques qui affectent la CFTC au cours <strong>de</strong>s années cinquante<br />

modifient la nature <strong>de</strong>s rapports avec les associations relevant <strong>de</strong>s réseaux catholiques.<br />

Progressivement la CFTC prend en charge elle-même la formation <strong>de</strong> ses militants et prend ainsi<br />

ses distances avec la JOC ou l’ACO, structure d’ailleurs en perte <strong>de</strong> vitesse.<br />

Le travail <strong>de</strong> redéfinition <strong>de</strong>s valeurs portées par la CFTC, l’arrivée <strong>de</strong> nouveaux militants noncatholiques<br />

ainsi que la volonté <strong>de</strong> construire un syndicalisme à la fois novateur et qui ne reste<br />

pas dans l’ombre <strong>de</strong> ses rivaux amène un certain nombre <strong>de</strong> syndicalistes, en conflit avec les<br />

militants conservateurs <strong>de</strong> la CFTC, et en quête d’appui extérieur, à tenter <strong>de</strong> construire un<br />

réseau associatif. Au début <strong>de</strong>s années 1960 plusieurs syndicalistes <strong>de</strong> la CFTC fon<strong>de</strong>nt avec <strong>de</strong>s<br />

militants du PSU et <strong>de</strong>s étudiants <strong>de</strong> l’Université <strong>de</strong> Poitiers un groupe <strong>de</strong>s non-violents. Outre le<br />

7 Nous remercions Clau<strong>de</strong> Pennetier qui nous a transmis les documents préparatoires, ici la composition du comité<br />

fédéral <strong>de</strong> fédération <strong>de</strong> la Vienne du PCF pour la pério<strong>de</strong> 1953-1968, à l’édition du prochain dictionnaire<br />

biographique du mouvement social.<br />

8 Ces résultats, à paraître dans notre thèse, sont le fruit du dépouillement d’un questionnaire adressé à une<br />

cinquantaine <strong>de</strong> militants <strong>de</strong> la CGT et d’<strong>entre</strong>tiens oraux complémentaires.<br />

9 Témoignage <strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>leine Marit, née en 1925, recueilli le 22.09.1999.<br />

10 La Nouvelle République, n°400 du 10.12.1945, p. 4, AD Vienne, 51 Jx 1<br />

3


Au milieu <strong>de</strong>s années soixante l’UD FO est confrontée à plusieurs difficultés : Une Union<br />

départementale qui ne fonctionne pas et dans l’incapacité d’initier une activité collective, <strong>de</strong>s<br />

effectifs en baisse posant <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> trésorerie, et dans le même temps la venue <strong>de</strong> jeunes<br />

adhérents qu’il est indispensable <strong>de</strong> former et <strong>de</strong> fidéliser faute <strong>de</strong> quoi FO est condamné à<br />

régresser. Aussi, décision est prise d’initier une association départementale <strong>de</strong>s jeunes<br />

syndicalistes. Son but est <strong>de</strong> donner aux jeunes travailleurs par l’éducation ouvrière une<br />

formation syndicale complète et leur permettre la pratique <strong>de</strong>s sports ainsi que l’organisation <strong>de</strong><br />

loisirs 16 . A l’image <strong>de</strong> FO pour cette pério<strong>de</strong>, cette association, ne rencontre qu’un succès relatif.<br />

On ne compte en effet que 33 membres en 1966 et l’activité <strong>de</strong> celle-ci se cantonne à <strong>de</strong>s<br />

échanges franco-allemands annuels et quelques sessions <strong>de</strong> formations.<br />

Si on déplace le focal sur les militants, force est <strong>de</strong> constater que l’investissement associatif<br />

semble lui aussi limité pour ceux-ci. <strong>Les</strong> associations évoluant dans l’espace militant sont<br />

effectivement plus ou moins liées à l’écosystème communiste ou au mon<strong>de</strong> catholique. Aussi<br />

rares sont-ils à doubler leur militantisme syndical d’une pratique associative à l’exception <strong>de</strong><br />

certains cadres dirigeants, véritables professionnels du militantisme, et dont le choix <strong>de</strong> s’investir<br />

à FO correspond à <strong>de</strong>s convictions idéologiques très fortes.<br />

PARTIE 2<br />

LA DYNAMIQUE DES RELATIONS ENTRE ASSOCIATIONS ET SYNDICATS.<br />

A. Un exemple abouti <strong>de</strong> collaboration <strong>syndicats</strong>-associations : Le cas <strong>de</strong>s vieux<br />

travailleurs.<br />

Jusqu’au milieu <strong>de</strong>s années 1960, les travailleurs retraités ne sont que rarement intégrés aux<br />

<strong>syndicats</strong> hormis dans <strong>de</strong>s secteurs professionnels fortement structurés. Depuis la Libération en<br />

effet <strong>de</strong> puissantes associations <strong>de</strong> Vieux travailleurs faisant office <strong>de</strong> <strong>syndicats</strong> pour retraités se<br />

sont formées dans le département <strong>de</strong> la Vienne. La plus importante d’<strong>entre</strong> elle, la fédération <strong>de</strong>s<br />

vieux travailleurs <strong>de</strong> la Vienne regroupe près <strong>de</strong> 6000 adhérents en avril 1946 avant <strong>de</strong> connaître<br />

une baisse substantielle dans les années qui suivent. <strong>Les</strong> animateurs <strong>de</strong> cette structure sont<br />

généralement d’anciens responsables syndicaux tel que Raoul Gaillard, et ancien dirigeant du<br />

syndicat <strong>de</strong>s postes et secrétaire <strong>de</strong> cette fédération jusqu’au milieu <strong>de</strong>s années cinquante.<br />

D’autres militants, entrés en disgrâce avec les autres cadres syndicaux, y trouvent refuge à<br />

l’image <strong>de</strong> Pierre Foucault, ouvrier à la Manufacture d’Armes et ancien secrétaire <strong>de</strong> l’UL CGT<br />

<strong>de</strong> Châtellerault.<br />

Cette fédération fonctionne <strong>de</strong> façon similaire à une organisation syndicale, à la différence près<br />

que chaque section locale est interprofessionnelle. Lors <strong>de</strong>s congrès un certain nombre <strong>de</strong><br />

revendications sont énoncées, notamment l’augmentation <strong>de</strong> l’allocation <strong>de</strong>stinée aux vieux<br />

travailleurs. Elle organise <strong>de</strong>s actions collectives seule ou avec les <strong>syndicats</strong> <strong>de</strong> salariés.<br />

<strong>Les</strong> liens avec les organisations syndicales et en particulier la CGT, sont réaffirmés<br />

régulièrement par l’invitation qui est faite aux responsables <strong>de</strong> cette structure afin d’exposer leur<br />

thèse. En avril 1950 René Penin prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la section châtelleraudaise <strong>de</strong> la fédération appelle à<br />

voter pour les listes CGT aux élections à la sécurité <strong>sociale</strong>. Mais cette proximité avec la CGT<br />

dans une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> crispation <strong>sociale</strong> provoque le mécontentement grandissant <strong>de</strong> nombreux<br />

adhérents qui pensent que ce syndicat prend « un trop grand intérêt à leurs affaires ». 17<br />

16 Deman<strong>de</strong> <strong>de</strong> subvention <strong>de</strong> l’association départementale <strong>de</strong>s jeunesses syndicalistes « Force ouvrière » <strong>de</strong> la<br />

Vienne du 18.12.1967, AD Vienne, 1 W 3958.<br />

17 Note d’information n°207 du 24.01.1949, AD Vienne, 1 W 2977.<br />

5


Ces tensions persistantes aboutissent à une scission à la fin <strong>de</strong> l’année 1948 avec une partie du<br />

bureau qui constitue peu après une société <strong>de</strong>s Vieux travailleurs indépendants. Ces militants se<br />

rapprocheront alors <strong>de</strong> la CGT-FO confédération avec laquelle <strong>de</strong>s convergences <strong>de</strong> vue existent.<br />

Si les divisions existantes sur le plan syndical se reproduisent partiellement au sein <strong>de</strong> ses<br />

associations, ces <strong>de</strong>rnières parviennent néanmoins à intégrer dans leurs instances <strong>de</strong>s militants<br />

provenant d’horizons différents. Ainsi le bureau <strong>de</strong> la fédération générale <strong>de</strong>s retraités qui<br />

s’occupe <strong>de</strong> manière privilégiée <strong>de</strong>s retraités <strong>de</strong> la fonction publique comporte parmi ses<br />

membres <strong>de</strong>s militants adhérents ou proches <strong>de</strong> la CGT ou <strong>de</strong> FO.<br />

Le déclin progressif <strong>de</strong>s associations <strong>de</strong> vieux travailleurs et les difficultés <strong>de</strong> recrutement<br />

syndicales conduisent les <strong>syndicats</strong> à intégrer les retraités en nombre croissant parmi leurs<br />

adhérents. <strong>Les</strong> retraités n’ apparaissent comme une catégorie spécifique au sein <strong>de</strong>s congrès<br />

départementaux <strong>de</strong> la CGTqu’à partir <strong>de</strong> 1969 par exemple 18 .<br />

B. Engagement associatif, engagement syndical, <strong>de</strong>s options différentes ?<br />

Comment expliquer l’engagement <strong>de</strong> certains syndicalistes dans <strong>de</strong>s associations, en fait une<br />

minorité que l’on retrouve essentiellement aux plus hautes fonctions syndicales et la réticence du<br />

plus grand nombre ?<br />

Deux raisons peuvent être invoquées. En premier lieu l’i<strong>de</strong>ntité même <strong>de</strong>s associations peut<br />

constituer un frein. Leur recrutement étroit, le caractère politisé et <strong>de</strong>s objectifs parfois trop<br />

similaires à ceux du syndicalisme. L’UFF par exemple cumule ces trois handicaps. En effet plus<br />

le nombre <strong>de</strong> ses adhérentes a régressé, moins l’on retrouve <strong>de</strong> syndicalistes. En <strong>de</strong> nombreuses<br />

occasions cette association a été obligé <strong>de</strong> se justifier sur sa proximité avec le Parti Communiste.<br />

Au cours <strong>de</strong> son congrès départemental du mois d’avril 1947, une <strong>de</strong>s dirigeantes précise « que<br />

chaque adhérente doit s’employer à démonter que l’UFF n’est pas un camouflage <strong>de</strong>s femmes<br />

communistes 19 ». Malgré cette exigence, cette image persiste durablement auprès du public.<br />

Enfin les objectifs <strong>de</strong> l’UFF et les <strong>relations</strong> qu’<strong>entre</strong>tiennent les dirigeants <strong>de</strong> l’UD CGT avec<br />

cette structure sèment la confusion parmi les militants. Lorsque la CGT tente <strong>de</strong> mettre sur pied<br />

une commission départementale <strong>de</strong>s femmes, ses dirigeants font appel aux principales figures <strong>de</strong><br />

l’UFF. <strong>Les</strong> revendications exprimées par cette commission sont très semblables <strong>de</strong> celles <strong>de</strong><br />

l’UFF 20 . Après l’échec <strong>de</strong> cette commission qui ne parvient à se pérenniser, les responsables<br />

cégétistes font preuve <strong>de</strong> bienveillance à l’égard <strong>de</strong> l’UFF en lui accordant par exemple <strong>de</strong>s<br />

salles pour leurs réunions et congrès. Dans les faits, l’UFF rempli le rôle <strong>de</strong> la commission<br />

féminine <strong>de</strong> la CGT jusqu’au début <strong>de</strong>s années soixante sans pour autant que cette répartition <strong>de</strong>s<br />

fonctions ne profitent réellement à l’une ou l’autre.<br />

Le partage <strong>de</strong> l’espace social peut aussi être appréhendé par le biais <strong>de</strong> la sociologie <strong>de</strong>s<br />

organisations. Rares sont en effet les associations qui ont une composition <strong>sociale</strong> semblable aux<br />

<strong>syndicats</strong>. La ligue <strong>de</strong>s Droits <strong>de</strong> l’Homme, avec laquelle <strong>de</strong>s actions sont parfois menées,<br />

comporte certes quelques ouvriers ou fonctionnaires, mais intègre davantage <strong>de</strong>s membres issus<br />

<strong>de</strong> professions libérales et supérieures ou bien du corps enseignant 21 . Ce phénomène se retrouve<br />

dans les associations telles que l’Action Civique Non violente (ACNV) ou bien le Mouvement<br />

Contre l’Armement Atomique (MCAA) largement composé d’étudiants et d’enseignants et ne<br />

laissant qu’une place mineure aux autres catégories <strong>sociale</strong>s.<br />

18 Documents <strong>de</strong> travail relatifs au 45ème congrès <strong>de</strong> l’UD CGT (1er et 2 février 1969), Arch. <strong>de</strong> l’UD CGT <strong>de</strong> la<br />

Vienne.<br />

19 Note d’information n°1139 du 18.04.1947, AD Vienne, 1 W 3161.<br />

20 Note d’information n°73 du 10.01.1950, AD Vienne, 1 W 2979.<br />

21 La documentation relative à la LDH est classée sous la côte 1 W 2746 aux archives départementales <strong>de</strong> la Vienne.<br />

6


C. <strong>Les</strong> dimensions exogènes <strong>de</strong> l’action commune associations-<strong>syndicats</strong>.<br />

Si les <strong>relations</strong> suivies <strong>entre</strong> structures syndicales et associatives sont globalement peu<br />

fréquentes, sauf par l’<strong>entre</strong>mise <strong>de</strong> certains militants, les évènements nationaux ou<br />

internationaux, les pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> crises, ou les difficultés économiques persistantes favorisent<br />

l’action concertée <strong>de</strong> différents groupements. A notre sens trois thématiques font émerger <strong>de</strong>s<br />

intérêts communs et transcen<strong>de</strong>nt les réseaux classiques. La lutte contre la guerre et en faveur <strong>de</strong><br />

la paix est la première d’<strong>entre</strong> elles. La signature <strong>de</strong> l’appel <strong>de</strong> Stockholm, la lutte pour une<br />

solution négociée en Algérie, ou les actions en faveur du peuple vietnamien suscitent <strong>de</strong>s<br />

convergences <strong>de</strong> vue qui peuvent se traduire par <strong>de</strong>s manifestations, meetings, pétitions<br />

associant <strong>syndicats</strong> d’enseignants, partis <strong>de</strong> gauche, <strong>syndicats</strong> confédérés et <strong>de</strong> nombreuses<br />

associations.<br />

La lutte contre les difficultés économiques est une préoccupation fédératrice. L’été 1955 est<br />

l’occasion d’une campagne en faveur <strong>de</strong> la suppression <strong>de</strong>s zones <strong>de</strong> salaires qui touchent le<br />

département menée par une intersyndicale incluant par endroit la CGT-FO, <strong>de</strong>s associations<br />

familiales, et <strong>de</strong>s partis <strong>de</strong> gauche. De nombreuses réunions cantonales sont organisées facilitant<br />

la constitution <strong>de</strong> comités d’action et incitant nombre <strong>de</strong> municipalités à adopter <strong>de</strong>s motions<br />

favorables au mouvement. Malgré le succès <strong>de</strong> cette initiative, les liens noués ne semblent pas<br />

avoir permis <strong>de</strong> faire perdurer la dynamique au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’été 22 .<br />

La perspective <strong>de</strong> la fermeture <strong>de</strong> la Manufacture d’Armes <strong>de</strong> Châtellerault au début <strong>de</strong>s années<br />

soixante, principale <strong>entre</strong>prise du département, soulève <strong>de</strong> vives inquiétu<strong>de</strong>s et mobilisent <strong>de</strong><br />

nombreuses organisations. Différents comités sont créés intégrant associations <strong>de</strong> la ville et<br />

<strong>syndicats</strong> <strong>de</strong> l’établissement. Un comité <strong>de</strong> défense se constitue non sans difficultés en novembre<br />

1961, rapi<strong>de</strong>ment épaulé par un comité <strong>de</strong> défense féminin sur l’initiative <strong>de</strong> l’UFF.<br />

<strong>Les</strong> crises institutionnelles et leurs possibles conséquences constituent le troisième facteur <strong>de</strong><br />

convergence <strong>entre</strong> groupements. La crise gouvernementale sur fond <strong>de</strong> guerre d’Algérie qui<br />

amène le général <strong>de</strong> Gaulle au pouvoir suscite une réaction <strong>de</strong>s organisations syndicales et<br />

associatives qui s’inquiètent <strong>de</strong>s inci<strong>de</strong>nces pour les libertés publiques en est une illustration. Un<br />

« appel aux républicains » est diffusé dans le département signé par la LDH, la ligue <strong>de</strong><br />

l’enseignement, la CGT-FO, la CGT, et la CFTC <strong>entre</strong> autres 23 , mais les divisions au sein même<br />

<strong>de</strong>s structures ont raison <strong>de</strong> l’unité affichée et l’appel à la grève <strong>de</strong> la CGT est un véritable échec.<br />

CONCLUSION<br />

Le déplacement <strong>de</strong> focal permet <strong>de</strong> démontrer que les <strong>relations</strong> <strong>entre</strong> <strong>syndicats</strong> et associations<br />

restent, même à l’échelle locale, particulièrement complexes, contradictoires et fragiles par <strong>de</strong>là<br />

les apparences. L’espace social <strong>de</strong>meure déterminé par le jeu <strong>de</strong>s conflits et <strong>de</strong>s stratégies<br />

organisationnelles, au sein duquel associations et <strong>syndicats</strong> s’affrontent, même implicitement. On<br />

observe ainsi <strong>entre</strong> 1945 et 1968 une évolution <strong>de</strong>s rapports allant <strong>de</strong> la complémentarité à la<br />

concurrence, car les <strong>syndicats</strong> tentent d’absorber différents champs d’activités. Si les<br />

associations peuvent jouer un rôle majeur et complémentaire pour les <strong>syndicats</strong> en tant que lieu<br />

ressource, elles apparaissent néanmoins comme <strong>de</strong>s structures annexes, le syndicat ou le parti<br />

ayant généralement les faveurs <strong>de</strong>s militants.<br />

22 Notes d’informations n° 680, du 2.06.1955, n°850 du 29.06.1955, AD Vienne, 1 W 2977 ; Rapport du Préfet <strong>de</strong> la<br />

Vienne au Ministère <strong>de</strong> l’Intérieur du 6.08.1955, AD Vienne, 1W 3124.<br />

23 Rapport du Préfet <strong>de</strong> la Vienne au Ministre <strong>de</strong> l’Intérieur du 16.05.1958, AD Vienne, 1 W 3127.<br />

7


Une sociologie historique comparative auquel souhaite contribuer ce travail doit permettre à<br />

terme <strong>de</strong> cerner la nature <strong>de</strong>s réseaux relationnels à l’œuvre, les perceptions communes <strong>de</strong> la<br />

réalité <strong>sociale</strong> et les déterminants <strong>de</strong> l’adhésion.<br />

HAMELIN David<br />

Doctorant en histoire contemporaine à l’Université <strong>de</strong> Poitiers, membre <strong>de</strong><br />

l’équipe « conflictuosité » du laboratoire GERHICO (Groupe d’Etu<strong>de</strong>s et <strong>de</strong><br />

Recherches Historiques du C<strong>entre</strong> Ouest Atlantique)<br />

Coordonnées : 53 rue du Haut <strong>de</strong>s sables<br />

Appartement n°16<br />

86000 Poitiers<br />

Mobile : 06 60 50 28 44<br />

Fixe : 05 49 03 04 51<br />

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