OCIO Y OCIOS DU LOISIR AUX LOISIRS (ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLES)
ESPAGNE XVIIIe â XXe SIÃCLES - CREC ESPAGNE XVIIIe â XXe SIÃCLES - CREC
Centre de Recherche sur l’Espagne Contemporaine79LES « CORRIDAS DE GALLOS » EN CASTILLE-LEÓN :ENTRE RITE ET FETE, UN LOISIR IDENTITAIREMarie-Soledad RODRIGUEZ,Université de la Sorbonne Nouvelle - Paris IIILas corridas de gallos, que practican los quintos en Castilla y León, aparecen como un rito/ociopara los habitantes de los pueblos que las mantienen vivas. Si esta tradición se remonta a la EdadMedia y ha evolucionado con la leva obligatoria, la desaparición del servicio militar hubierapodido significar su muerte. Sin embargo, los jóvenes quieren seguir con ella y corren los galloscon ilusión, mientras que los pueblos se empeñan en conservarla. El carácter festivo de estascorridas no lo explica todo y este ocio podría ser una forma de afirmar su identidad local.The « corridas de gallos » which imply young people (the conscripts) still remain in castilianvillages meanwhile the military service, that was at its origin, has disappeared. Why do young menrespect this tradition and why rural communities do defend these cock days ? The festivitiescannot explain it all and this leisure could be a manner to afirm a local identity.L’une des images fortes du documentaire de Buñuel, Las Hurdes (1932), a toujoursété pour moi celle de la « corrida de gallos » qui met en scène des jeunes mariés àcheval en train d’arracher d’une main la tête d’un coq suspendu par une corde dans lesrues de La Alberca. Or, le commentaire off, au lieu de fournir une explication à cettescène qui se déroule devant la communauté villageoise, attise la curiosité du spectateuren affirmant que la symbolique du geste n’est que trop évidente pour que l’on s’yattarde : mystère, donc. Pourtant ce genre de rite n’a pas concerné uniquement lesjeunes mariés puisque, en Castille, il était le plus souvent le fait des jeunes hommesdestinés à partir au service militaire : l’association coqs et hommes est donc bienattestée, mais peut-être avec d’autres implications.ISSN 1773-0023
80DU LOISIR AUX LOISIRS (ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLESDans le film de Buñuel, les images sont fortes malgré le noir et blanc de la pelliculeet peuvent susciter divers types de réactions : tout d’abord, le rejet face à un spectaclequi semble cruel, mais ne suscite chez les villageois nulle répulsion et, peut-être, laréactivation d’un cliché, celui d’une Espagne barbare ; ensuite, la quasi certitude pour lespectateur du XXIe siècle que ce type de pratiques a cessé d’exister, sans doute depuisun certain temps. Précisons, par conséquent, que cette tradition est loin d’être purementespagnole puisqu’elle a existé ailleurs en Europe, et notamment en France, comme lerelève Arnold Van Gennep, dans son Folklore français 1 . Celui-ci note, en effet, quecette pratique, souvent considérée comme un « jeu » qu’il dénomme la « décapitation ducoq », avait lieu dans toutes sortes de régions — le Bocage, la Manche, la Champagne,à Grenoble — où, d’ailleurs, il se pourrait qu’elle se maintienne encore. Surtout, cesrites sont encore bien vivants en Castille-León où ils ont subi quelques adaptations, dufait de l’évolution des sensibilités et de la prise en compte de la souffrance des animaux.L’animal est désormais suspendu alors qu’il est déjà mort et, le plus souvent, il ne s’agitplus d’arracher la tête à la main, mais de simuler une décapitation avec une épée, unsabre, un bâton. Ces rites sont aujourd’hui au centre de festivités auxquelles ils donnentsens dans un certain nombre de villages castillans. Loisirs spécifiquement ruraux, cesfestivités perpétuent une tradition qui remonte au Moyen-Âge et s’inscrivait à l’originedans une série d’activités pratiquées pendant la période de Carnaval.Si l’origine de cette tradition est ancienne, on peut s’interroger sur sa survivance àl’heure actuelle. Pourquoi de jeunes garçons perpétuent-ils ce rite, pourquoi lescommunautés villageoises tiennent-elles à maintenir ces festivités, souventinterrompues durant la période franquiste 2 ? L’exemple du village de Guarrate, où cettetradition perdure et ne semble pas avoir connu un long arrêt 3 , nous permettra de voir cequi est en jeu dans le maintien de ce loisir qui, dans les sociétés rurales, pourrait alorsconstituer un trait d’identité.1 Paris, Robert Laffont, 1998, tome I (Du berceau à la tombe. Cycles de Carnaval-Carême et de Pâques),p. 928.2 Dans certaines zones, il semble que les représentants du régime franquiste aient essayé d’interdire cesfêtes (voir pour Las Hurdes, par exemple, le site geocities.com/antruejos/curiosidades.htm), dans la régionde La Guareña, Juan Manuel Rodríguez Iglesias précise que ses informateurs lui ont déclaré que « estafiesta comenzó a desaparecer a partir del final de los años treinta, coincidiendo con la guerra civil », « Elgallo » in Edades del hombre (El ciclo vital en Zamora y Trás-os Montes), tome I « Del nacimiento a lamocedad », Zamora, Semuret, 2004, p. 209.3 Francisco Rodríguez Pascual évoque, en effet, une « corrida de gallos » qui eut lieu à Guarrate, en 1948,en plein franquisme donc, « Las corridas de gallos » in Edades del hombre, p. 196.ISSN 1773-0023
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80<strong>DU</strong> <strong>LOISIR</strong> <strong>AUX</strong> <strong>LOISIR</strong>S (<strong>ESPAGNE</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>–</strong> <strong>XXe</strong> <strong>SIÈCLES</strong>Dans le film de Buñuel, les images sont fortes malgré le noir et blanc de la pelliculeet peuvent susciter divers types de réactions : tout d’abord, le rejet face à un spectaclequi semble cruel, mais ne suscite chez les villageois nulle répulsion et, peut-être, laréactivation d’un cliché, celui d’une Espagne barbare ; ensuite, la quasi certitude pour lespectateur du XXIe siècle que ce type de pratiques a cessé d’exister, sans doute depuisun certain temps. Précisons, par conséquent, que cette tradition est loin d’être purementespagnole puisqu’elle a existé ailleurs en Europe, et notamment en France, comme lerelève Arnold Van Gennep, dans son Folklore français 1 . Celui-ci note, en effet, quecette pratique, souvent considérée comme un « jeu » qu’il dénomme la « décapitation ducoq », avait lieu dans toutes sortes de régions — le Bocage, la Manche, la Champagne,à Grenoble — où, d’ailleurs, il se pourrait qu’elle se maintienne encore. Surtout, cesrites sont encore bien vivants en Castille-León où ils ont subi quelques adaptations, dufait de l’évolution des sensibilités et de la prise en compte de la souffrance des animaux.L’animal est désormais suspendu alors qu’il est déjà mort et, le plus souvent, il ne s’agitplus d’arracher la tête à la main, mais de simuler une décapitation avec une épée, unsabre, un bâton. Ces rites sont aujourd’hui au centre de festivités auxquelles ils donnentsens dans un certain nombre de villages castillans. Loisirs spécifiquement ruraux, cesfestivités perpétuent une tradition qui remonte au Moyen-Âge et s’inscrivait à l’originedans une série d’activités pratiquées pendant la période de Carnaval.Si l’origine de cette tradition est ancienne, on peut s’interroger sur sa survivance àl’heure actuelle. Pourquoi de jeunes garçons perpétuent-ils ce rite, pourquoi lescommunautés villageoises tiennent-elles à maintenir ces festivités, souventinterrompues durant la période franquiste 2 ? L’exemple du village de Guarrate, où cettetradition perdure et ne semble pas avoir connu un long arrêt 3 , nous permettra de voir cequi est en jeu dans le maintien de ce loisir qui, dans les sociétés rurales, pourrait alorsconstituer un trait d’identité.1 Paris, Robert Laffont, 1998, tome I (Du berceau à la tombe. Cycles de Carnaval-Carême et de Pâques),p. 928.2 Dans certaines zones, il semble que les représentants du régime franquiste aient essayé d’interdire cesfêtes (voir pour Las Hurdes, par exemple, le site geocities.com/antruejos/curiosidades.htm), dans la régionde La Guareña, Juan Manuel Rodríguez Iglesias précise que ses informateurs lui ont déclaré que « estafiesta comenzó a desaparecer a partir del final de los años treinta, coincidiendo con la guerra civil », « Elgallo » in Edades del hombre (El ciclo vital en Zamora y Trás-os Montes), tome I « Del nacimiento a lamocedad », Zamora, Semuret, 2004, p. 209.3 Francisco Rodríguez Pascual évoque, en effet, une « corrida de gallos » qui eut lieu à Guarrate, en 1948,en plein franquisme donc, « Las corridas de gallos » in Edades del hombre, p. 196.ISSN 1773-0023