OCIO Y OCIOS DU LOISIR AUX LOISIRS (ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLES)
ESPAGNE XVIIIe â XXe SIÃCLES - CREC ESPAGNE XVIIIe â XXe SIÃCLES - CREC
Centre de Recherche sur l’Espagne Contemporaine347La condamnation de l’oisiveté, la réprobation affichée pour les occupations « futiles »ou immorales est le pendant logique de l’éloge du travail et des occupations utiles.Ocio et ociosidad : ces espaces laissés vacantsDifficile à mesurer, puisque le travail s’effectue à domicile et n’est donc délimité nipar un espace, ni par un horaire précis, le temps dont la femme est censée disposer unefois ses obligations domestiques et familiales remplies est nommé de différentes façons.À cette variété des termes employés, s’ajoute la difficulté à cerner précisément ce qu’ilsrecouvrent : temps de « non-travail », mais pas nécessairement temps de repos ou denon-activité, et temps « libéré » qui varie aussi selon les milieux.Deux grands axes se dessinent toutefois : celui qui prend en compte l’espace temporelet celui qui concerne la façon dont il est occupé. Dans le premier, c’est le « contenant »qui est envisagé : « las horas », « las horas robadas », « el tiempo que dejan libre losdeberes domésticos » 24 , dans le second, il s’agit d’évoquer globalement le contenu de cesespaces laissés vacants par le travail : « el recreo », « el entretenimiento »,« lasocupaciones », « las diversiones », « las distracciones », « el solaz » et, plus rarement,« el reposo » ou « el descanso ».Le contenu des notions d’ocio et d’ociosidad, très fréquemment employées pourdésigner ce temps disponible, est plus complexe. Le terme ocio peut recouvrir ces deuxaspects, être utilisé dans le sens de temps libre : « instantes », « momentos », « ratos »ou « horas de ocio », mais aussi d’oisiveté : « el ocio es fuente de todos los vicios » 25constitue un exemple parmi d’autres. Exception faite de l’emploi spécifique de ociocomme antonyme « neutre » de « trabajo », que nous venons d’évoquer et qu’illustrebien cet extrait du texte de Francisco Alonso y Rubio : « Es condición inherente anuestra naturaleza desear el reposo que repara nuestras fuerzas después de largas horasde trabajo, y dar solaz al espíritu en los breves instantes de ocio que deja elcumplimiento de nuestros deberes » 26 , ou son utilisation dans le sens de ocios literarios :« Por distraerse de momentos de ocio y de melancolía han sido escritas estas páginas »,24 J.M.R.P., « Importancia de la instrucción del Bello sexo », in La Alhambra, n°7, 1839 ; CarolinaCORONADO, Obra en prosa, Mérida, Editora Regional de Extremadura, T.III, p. 435 et María del PilarSINUÉS DE MARCO, Un libro para las damas..., p. 13.25 Francisco ALONSO Y RUBIO, La mujer..., p.147.26 Id., p.196.ISSN 1773-0023
348DU LOISIR AUX LOISIRS (ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLESannonce Gertrudis Gómez de Avellaneda, dans l’avis au lecteur de son roman Sab 27 , cesdeux termes sont généralement considérés comme synonymes, employés indistinctementet connotés négativement.Paysannes et ouvrières : le travail qui dégrade, aristocrates : le péché de laparessePour qu’il y ait repos, il faut qu’il y ait fatigue, fatigue résultant d’un effort physiquequi suscite un besoin de réparation 28 . Le repos est donc presque exclusivement jugénécessaire à cette époque pour les femmes des classes laborieuses qui travaillent hors dufoyer, pour les ouvrières des fabriques, par exemple. Les tâches accomplies par lesfemmes au sein du foyer, quels que soient le temps et l’énergie physique qu’elles yemploient, ne sont pas vraiment considérées comme un travail et ne vont donc pas depair avec des temps de repos. Cette vision apparaît clairement lorsqu’il s’agit de mettreen parallèle les tâches domestiques de la femme de classe moyenne et le travail de lapaysanne ou de l’ouvrière. Le mot trabajo est réservé à ces dernières et celui de laboresaux premières.Citons, par exemple, cette phrase de Francisco Alonso y Rubio où ce contraste estencore renforcé par les épithètes : « útiles y tranquilas labores [...] los rudos trabajos delcampo y las mecánicas ocupaciones de la industria » 29 .Par ailleurs, cette conception est étroitement liée à un impératif : l’occultation ducorps et, principalement, de celui de la femme à cette époque. L’ouvrière ou lapaysanne, bien que l’on veille à louer leur grand mérite, ne sont plus tout à fait desfemmes ; « anges déchus », elles se rapprochent de l’homme et leur corps ou leuranatomie peuvent être évoqués sans détours et sans que cette évocation porte atteinte aumodèle éthéré de féminité que constitue l’ángel del hogar. Ainsi, Francisco Alonso y27 A propos de la señorita Verdejo Durán, la Avellaneda écrit : « Me confió varias composicionespoéticas, escritas por ella en momentos de ocio ». Gertrudis GÓMEZ DE AVELLANEDA, Sab, Madrid,Cátedra, 1997, p. 97 et « Dos palabras en recuerdo de la señorita Verdejo Durán », in Iñigo SÁNCHEZLLAMA, Antología..., p. 79. L’une des héroïnes de María del Pilar Sinués de Marco évoque aussi cetteoccupation : « Yo que soy artista de corazón ; yo, que comprendo la música, la pintura, la poesía en todascosas ; yo, que hago versos en mis ratos de ocio », María del Pilar SINUÉS DE MARCO, El camino dela dicha..., p. 241.28 Dans son article « La fatigue, le repos et la conquête du temps », Alain Corbin constate que jusqu’aumilieu du XIX e siècle, on distinguait trois types de fatigue : celle qui résultait de l’effort physique, cellequi résultait de l’excès de l’effort intellectuel et la fatigue sexuelle masculine. Voir Alain CORBIN,L’avènement des loisirs : 1850-1960, Paris, Flammarion, 1995, p. 277.29 Francisco ALONSO Y RUBIO, La mujer..., p.146.ISSN 1773-0023
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