OCIO Y OCIOS DU LOISIR AUX LOISIRS (ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLES)
ESPAGNE XVIIIe â XXe SIÃCLES - CREC ESPAGNE XVIIIe â XXe SIÃCLES - CREC
Centre de Recherche sur l’Espagne Contemporaine249politique promise à un bel avenir. Dans sa dernière partie, intitulée « Urbanisme total »,il peut ainsi lâcher dans un cri libératoire : « Finie, une civilisation atroce — celle del’argent, l’argent, l’argent ! Cent années : 1830-1930, la première ère du machinisme.Dès aujourd’hui, la seconde ère du machinisme, l’ère de l’harmonie. Homme etnature » 65 .Faire table rase du passé, voilà le sens de son affirmation empreinte d’optimisme.Ne sachant trop s’il faut parler aujourd’hui de seconde ou de troisième « ère dumachinisme », nous dirons seulement que l’esprit qui animait le rationalismearchitectural apparaît quelque soixante-dix années plus tard d’une étonnante actualité.Comment considérer, dès lors, la ville radieuse que Le Corbusier appelle de sesvœux ? Cette nouvelle ville, opposée à la ville concentrationnaire caractéristique dutournant du siècle, est-elle une ville idéale, voire utopique ? Pour parvenir à uneréponse, il faut s’interroger sur le cadre où elle peut s’épanouir. Car, s’il s’agit d’unecité « hors la ville », conçue dans la nature et requérant un fonctionnement autonome,voire autarcique, on peut sans mal, au-delà de la question de la viabilité d’un tel projet,le taxer d’utopie. La Ciutat de Repós devait se suffire à elle-même sur un plan financier.La brochure éditée par la société coopérative finissait par une analyse économiquedétaillée des coûts de construction et de fonctionnement d’un tel complexe. Les zonesde culture prévues pour fournir en produits alimentaires la Cité, ainsi que la fixationd’une participation modique des usagers, devaient permettre d’assurer l’équilibrefinancier 66 . Toutefois, il semble bien que toute avancée eût été illusoire sans le soutien,y compris financier, des pouvoirs publics. Sans chercher à établir des conjectures surdes faits révolus, nous pouvons porter notre attention sur un aspect aujourd’hui pluspertinent à nos yeux. S’agit-il d’un modèle de ville alternative ? D’une certaine façon, ily a le désir d’échapper à la charge symbolique des villes traditionnelles, en particulier àleur structure hiérarchique. C’est le sens, nous semble-t-il, de l’appel répété à créer unecité où l’on se sente loin de la ville. Le programme présenté lors de l’exposition tenue àBarcelone n’évoque-t-il pas « una zona de reposo donde lo más interesante es sentirse65 Ibid., p. 340.66 À titre indicatif, la participation annuelle des membres était fixée à 6 pésètes, le droit d’entrée auxpiscines à 0,25, le séjour à l’hôtel pour un week-end à 1 pésète, et la location d’un jardin ouvrier à 10pésètes mensuelles.ISSN 1773-0023
250DU LOISIR AUX LOISIRS (ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLESlejos de la ciudad » 67 ? La ville des loisirs imaginée par le GATEPAC, conçue en dehorsde la cité urbaine, navigue en permanence entre pragmatisme, foi en la modernité etutopie. Dans la mesure où elle repose sur le principe d’un espace de loisirs à l’écart dela société globale, elle renvoie certes à une forme d’idéalisme. Mais l’applicationdémontrée par ses promoteurs — architectes, urbanistes, économistes, hommespolitiques et responsables associatifs — pour étayer leur projet et en assurer la viabilitéinterdit de parler de pure utopie.Certains éléments, que nous voudrions relever ici, permettent tout de mêmed’indiquer quelle forme d’idéal ces urbanistes nourrissaient. Il faut bel et bien parlerd’un nouvel humanisme, dont l’un des principes est le sport. Le sport joue, en effet, unrôle primordial dans l’avènement d’un nouvel individu, d’une nouvelle ville et, donc,d’une nouvelle société. Le contact avec la nature répond, lui aussi, à la même recherchede pureté et de vitalité suggéré par l’exercice physique. La nature, surtout vierge ouperçue comme telle, était considérée comme une libération de l’ouvrier de la villeinhumaine et aliénante. En tant qu’espace pur et préservé, elle constituait idéalement cet« ailleurs », pourtant artificiel là encore. On a déjà relevé, dans la brochure de laCoopérative La Ciutat de Repós, le souhait exprimé de profiter d’un environnementnaturel non encore atteint par la civilisation et laissé en l’état. Mais il convient depréciser que la recherche de la nature n’a pas, dans le cas qui nous intéresse, decaractère bucolique : il ne faut pas l’interpréter comme étant en contradiction avecl’idéologie d’une modernité industrialiste et très urbaine, telle qu’on peut l’identifierchez les urbanistes rationalistes.En ce sens, le GATEPAC et le fonctionnalisme architectural ont une relationcomplexe à ce que nous appellerons l’idéologie de la modernité. Réagissant contre elle,tout en l’assumant pour partie, ils s’identifient à ce qu’ils perçoivent comme la penséemoderne. Ayant foi dans le Progrès comme fruit de la modernité (considérée sous tousses aspects : industrialisation, urbanisation, surgissement du temps libre, massificationde la société), ils prétendent finalement orienter cette modernité, bien plus que lacombattre, pour qu’elle conduise à l’épanouissement du plus grand nombre.67 « Programa del proyecto », reproduit par Emilio DONATO, dans « El GATEPAC entre el olvido y ladesmitificación », in Ciudad y Territorio, n°1, 1971, p. 57.ISSN 1773-0023
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250<strong>DU</strong> <strong>LOISIR</strong> <strong>AUX</strong> <strong>LOISIR</strong>S (<strong>ESPAGNE</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>–</strong> <strong>XXe</strong> <strong>SIÈCLES</strong>lejos de la ciudad » 67 ? La ville des loisirs imaginée par le GATEPAC, conçue en dehorsde la cité urbaine, navigue en permanence entre pragmatisme, foi en la modernité etutopie. Dans la mesure où elle repose sur le principe d’un espace de loisirs à l’écart dela société globale, elle renvoie certes à une forme d’idéalisme. Mais l’applicationdémontrée par ses promoteurs — architectes, urbanistes, économistes, hommespolitiques et responsables associatifs — pour étayer leur projet et en assurer la viabilitéinterdit de parler de pure utopie.Certains éléments, que nous voudrions relever ici, permettent tout de mêmed’indiquer quelle forme d’idéal ces urbanistes nourrissaient. Il faut bel et bien parlerd’un nouvel humanisme, dont l’un des principes est le sport. Le sport joue, en effet, unrôle primordial dans l’avènement d’un nouvel individu, d’une nouvelle ville et, donc,d’une nouvelle société. Le contact avec la nature répond, lui aussi, à la même recherchede pureté et de vitalité suggéré par l’exercice physique. La nature, surtout vierge ouperçue comme telle, était considérée comme une libération de l’ouvrier de la villeinhumaine et aliénante. En tant qu’espace pur et préservé, elle constituait idéalement cet« ailleurs », pourtant artificiel là encore. On a déjà relevé, dans la brochure de laCoopérative La Ciutat de Repós, le souhait exprimé de profiter d’un environnementnaturel non encore atteint par la civilisation et laissé en l’état. Mais il convient depréciser que la recherche de la nature n’a pas, dans le cas qui nous intéresse, decaractère bucolique : il ne faut pas l’interpréter comme étant en contradiction avecl’idéologie d’une modernité industrialiste et très urbaine, telle qu’on peut l’identifierchez les urbanistes rationalistes.En ce sens, le GATEPAC et le fonctionnalisme architectural ont une relationcomplexe à ce que nous appellerons l’idéologie de la modernité. Réagissant contre elle,tout en l’assumant pour partie, ils s’identifient à ce qu’ils perçoivent comme la penséemoderne. Ayant foi dans le Progrès comme fruit de la modernité (considérée sous tousses aspects : industrialisation, urbanisation, surgissement du temps libre, massificationde la société), ils prétendent finalement orienter cette modernité, bien plus que lacombattre, pour qu’elle conduise à l’épanouissement du plus grand nombre.67 « Programa del proyecto », reproduit par Emilio DONATO, dans « El GATEPAC entre el olvido y ladesmitificación », in Ciudad y Territorio, n°1, 1971, p. 57.ISSN 1773-0023