OCIO Y OCIOS DU LOISIR AUX LOISIRS (ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLES)

ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLES - CREC ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLES - CREC

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22.08.2015 Views

Centre de Recherche sur l’Espagne Contemporaine241cette prétention dans la communication épistolaire entretenue entre les différentspromoteurs de la Ciutat. Dans une lettre adressée à le Corbusier, Josep María Sucre,Président du Commissariat de la Maison Ouvrière, l’informe de l’évolution du projet etannonce l’inauguration des travaux en une date pour le moins symbolique :Creo que Sert ya le tiene al corriente de la creación de una Cooperativa para realizar la« Ciutat Obrera de Repós i Vacances ». Le he hablado al Presidente [de la Generalitat]Companys, insinuándole la necesidad de comenzar la obra el próximo 1° de mayo, que es enCataluña fiesta nacional oficialmente. El Sr. Companys ha aprobado la idea y me ha encargadode invitarle, […] a la colocación de la primera piedra 52 .Même si les retards administratifs pris par le projet rendront caduque une telleintention, on en retiendra le caractère hautement symbolique, pour le monde ouvrierd’une part, pour la Catalogne d’autre part. Car c’est pour leur valeur emblématique queces deux projets de parcs de loisirs populaires auront retenu notre attention dans cetteanalyse : tout est problème de représentation de l’espace dans les consciences, autantque d’effet réel de l’espace sur les individus. Le fait que ces projets n’aient pas aboutisemble, dès lors, secondaire, tant ils auront suscité d’espoir et incarné un idéalindissociable de l’expérience républicaine.À travers eux, l’Espagne offre une réponse inédite et ambitieuse à unepréoccupation européenne, commune à toutes les grandes villes du moment : commentassurer la massification des loisirs, tout en préservant leur caractère démocratique, sainet éducatif ? En ce sens, Le Corbusier avait raison de reconnaître en la Catalogne ce« point vivant de la terre [où] les temps modernes trouveraient asile ». Grâce àl’expérience urbanistique menée pendant quelques années, l’Espagne de la II ndeRépublique voyait surgir autour des loisirs une authentique culture populaire. Car d’unecertaine façon, en adhérant massivement au projet par l’entremise de la sociétécoopérative de la Ciutat de Repós, le peuple catalan s’est approprié ces pratiques desloisirs. Il s’agit donc bien d’une culture populaire. Etait-elle assumée par le peuple prisdans son ensemble, considéré comme une classe, ou par les individus eux-mêmes ?C’est ce que nous allons voir à présent.52 Lettre en date du 22-I-1934, in Cuadernos de arquitectura y urbanismo, n°90, juillet-août 1972, p. 31.ISSN 1773-0023

242DU LOISIR AUX LOISIRS (ESPAGNE XVIIIe XXe SIÈCLES3) Les loisirs comme nouvelle forme d’humanisme : de la libération des massesà l’épanouissement de l’individuIl s’agira ici de caractériser sur un plan idéologique et sociologique l’entreprisemenée par les urbanistes du GATEPAC. Cette ultime analyse débouchera sur uneréflexion plus large sur la conception des loisirs développée, entre autres, par lefonctionnalisme architectural et sur la révolution qu’elle introduit dans la conceptioncontemporaine du travail.Les ambiguïtés d’une pensée qui se chercheOn aurait envie de dire, à ce stade de l’analyse, que les Espagnols ont souvent dumal à théoriser autour des mouvements culturels qu’ils produisent. Sans donner uncaractère trop général à cette affirmation, on retiendra simplement qu’en ce quiconcerne le rationalisme architectural et la philosophie qui le sous-tend, les urbanistesespagnols se sont montrés fort peu diserts. Semblant trouver leur légitimité dans lesréalisations concrètes bien plus que dans les élaborations raisonnées autour du nouvelidéal urbanistique, ils n’ont laissé que peu de témoignages sur les valeurs et principescontenus dans leurs plans. Sans doute la conclusion dramatique que connut le régimerépublicain et l’exil qui en attendait certains contribuèrent-ils à laisser sa part demystère à l’expérience menée. Et l’effort qui, depuis une trentaine d’années, a étéréalisé pour commémorer cette période architecturale, laisse une part d’ombre sur denombreux points.Nous nous contenterons, ici, de soulever quelques questions. Le premier paradoxenous renvoie au principe même de cet urbanisme des loisirs : comment peut-onentrevoir une libération de l’homme — mobile confessé des concepteurs — qui passepar une disciplinarisation du temps libre et des loisirs ? Un exemple sera des plusrévélateurs. Dans la présentation qu’il fait, au 5 e CIAM, du mode de fonctionnement des« Centrales de santé », préconisées sur le modèle de la « Ciutat de Repós i Vacances »,Josep Lluís Sert n’hésite pas à appliquer aux vacances ouvrières des schémas inspirésdu travail à la chaîne, dans la plus pur tradition taylorienne :ISSN 1773-0023

242<strong>DU</strong> <strong>LOISIR</strong> <strong>AUX</strong> <strong>LOISIR</strong>S (<strong>ESPAGNE</strong> <strong>XVIIIe</strong> <strong>–</strong> <strong>XXe</strong> <strong>SIÈCLES</strong>3) Les loisirs comme nouvelle forme d’humanisme : de la libération des massesà l’épanouissement de l’individuIl s’agira ici de caractériser sur un plan idéologique et sociologique l’entreprisemenée par les urbanistes du GATEPAC. Cette ultime analyse débouchera sur uneréflexion plus large sur la conception des loisirs développée, entre autres, par lefonctionnalisme architectural et sur la révolution qu’elle introduit dans la conceptioncontemporaine du travail.Les ambiguïtés d’une pensée qui se chercheOn aurait envie de dire, à ce stade de l’analyse, que les Espagnols ont souvent dumal à théoriser autour des mouvements culturels qu’ils produisent. Sans donner uncaractère trop général à cette affirmation, on retiendra simplement qu’en ce quiconcerne le rationalisme architectural et la philosophie qui le sous-tend, les urbanistesespagnols se sont montrés fort peu diserts. Semblant trouver leur légitimité dans lesréalisations concrètes bien plus que dans les élaborations raisonnées autour du nouvelidéal urbanistique, ils n’ont laissé que peu de témoignages sur les valeurs et principescontenus dans leurs plans. Sans doute la conclusion dramatique que connut le régimerépublicain et l’exil qui en attendait certains contribuèrent-ils à laisser sa part demystère à l’expérience menée. Et l’effort qui, depuis une trentaine d’années, a étéréalisé pour commémorer cette période architecturale, laisse une part d’ombre sur denombreux points.Nous nous contenterons, ici, de soulever quelques questions. Le premier paradoxenous renvoie au principe même de cet urbanisme des loisirs : comment peut-onentrevoir une libération de l’homme — mobile confessé des concepteurs — qui passepar une disciplinarisation du temps libre et des loisirs ? Un exemple sera des plusrévélateurs. Dans la présentation qu’il fait, au 5 e CIAM, du mode de fonctionnement des« Centrales de santé », préconisées sur le modèle de la « Ciutat de Repós i Vacances »,Josep Lluís Sert n’hésite pas à appliquer aux vacances ouvrières des schémas inspirésdu travail à la chaîne, dans la plus pur tradition taylorienne :ISSN 1773-0023

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